ImprimerCap 2010 propose deux nouvelles catégories de vin aux règles ' plus souples '. Idée reprise par le sénateur Gérard César.
'Un bon stratège organise ses troupes en fonction du terrain... ' Pierre Aguilas, vigneron en Anjou et membre du groupe de travail ' Cap 2010 ', sait qu'une bonne image frappe mieux les esprits qu'un long discours. Il poursuit : ' Les appellations représentent une machine de guerre efficace mais lourde. Lourde, car les prises de décision à l'Inao sont si lentes, qu'elles sont détachées d'éventuels effets de mode. Efficace, car leurs performances sur les cinquante dernières années sont incontestables. Pourtant, en dépit de leurs atouts, nos AOC sont inadaptées pour contrer nos jeunes concurrents d'Australie ou de Californie. Pour nous battre contre ces vins, il nous faut des troupes de choc : des vins aptes à réagir aux modes comme celles qui ont fait le succès des vins de cépages ou du goût boisé. Nous proposons la création de vins de guerre. '
Outre sa ' vocation stratégique ', la nouvelle grille a le mérite de la clarté. Le projet de segmentation retient un facteur de tri unique : la localisation ou non de la production. Tous les vins à indication géographique se retrouveraient dans le groupe des vins de qualité produits dans une région déterminée (VQPRD), les autres dans celui des vins de table (VDT). Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ! Difficile d'expliquer à un néophyte qu'un vin de pays de l'Hérault - bien que produit dans une région déterminée - n'est pas un VQPRD (1)...
Dans la proposition du groupe piloté par Jacques Berthomeau, ce genre d'ambivalence n'a plus de place.
Parmi les VQPRD et à côté des AOC actuelles, il est proposé de créer une seconde catégorie, gérée sur la base d'un corps de règles plus souples. Ces nouveaux VPRD (vins produits dans une région déterminée) pourraient, par exemple, avoir le droit de mentionner le cépage, de produire en vignes larges... Sont invités à y accéder, des AOC trop à l'étroit dans le carcan de l'Institut ou des vins de pays (VDP) qui le désirent. Attention toutefois : en tant que VQPRD, ces vins devront s'engager à maîtriser leur production. Ils ne pourront pas demander d'aides à la distillation ou au stockage, en cas de crise. Rappelons que seuls les VDT peuvent obtenir des subsides communautaires.
Les experts de ' Cap 2010 ' conservent les VDT, mais ils les aménagent avec la création d'un sous-ensemble, lui aussi nouveau : les vins de cépages des Pays de France. ' Cette catégorie répondrait aux normes de production internationale. A ce titre, elle serait un espace de liberté dans la compétition agroalimentaire : utilisation des copeaux, voire demain, de techniques d'aromatisation... ', poursuit Pierre Aguilas. En contrepartie, ces vins - dont le nom précis n'est pas arrêté - perdraient la possibilité d'une attache géographique.
Dans l'idée des experts, ces produits seraient le réservoir des marques qui manquent à nos négociants pour contrer des Gallo et autres Jacob's Creek. Une partie de la production voit d'un très mauvais oeil cette nouvelle catégorie de VDT. Pour Jacques Gravegeal, président du syndicat des VDP d'Oc, ' en galvaudant la notion de vins de cépages, ces nouveaux produits vont opérer une concurrence déloyale '. Outre les problèmes de répartition de parts de marché entre les ' compétiteurs de demain ', la nouvelle grille pose la difficile question du choix. Chaque catégorie comporte des avantages et des inconvénients. Un vrai dilemme pour les six millions d'hectolitres de VDP de département qui aimeraient conserver leur dénomination départementale tout en restant des VDT, en cas de crise...