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Trois stratégies gagnantes

La vigne - n°143 - mai 2003 - page 0

Jean-Marc Touzard, chercheur à l'Inra de Montpellier, travaille sur l'innovation dans la coopération. Au niveau commercial, il distingue trois voies de développement : la vente traditionnelle, celles en grande distribution et au négoce

On imagine mal un marchand de réfrigérateurs démarchant le Groenland ou un vendeur de parapluies prospectant le Sahara. Quelle que soit la qualité d'un produit, s'il n'est pas adapté à la demande, il n'a aucun avenir ! La remarque vaut pour notre secteur.
Pendant longtemps, les vins de coopératives ont souffert d'une triste réputation. Les choses ont changé. Pourtant, peu de caves jouissent d'un réel essor commercial. Ces exceptions ont su, au-delà de l'investissement technique et humain, développer une vraie stratégie de vente.
Jean-Marc Touzard, chercheur à l'Inra de Montpellier, travaille sur l'innovation dans la coopération. Au niveau commercial, il distingue trois axes de développement, en fonction du circuit de distribution ciblé : le modèle de la vente directe ou traditionnelle, celui de conquête de la grande distribution avec l'appui d'une marque, et les partenariats avec le négoce. Bien sûr, ces catégories ne s'excluent pas les unes les autres. Au contraire, ' les coopératives qui fonctionnent le mieux ont intégré les procédés de chacun des modèles ', relève le chercheur.

' Peu de caves vendent tous leurs vins en bouteilles. Développer les circuits courts suppose un bon réseau commercial. Il faut embaucher des professionnels de la vente. Cela a un coût. ' Sans compter que dans l'esprit de nombreux vignerons, il est moins risqué, donc plus ' rentable ', d'investir dans du matériel que dans un commercial...
Les caves qui ont développé un bon circuit de vente traditionnelle (ventes directes à la cave, par correspondance ou vers la restauration) ont profité ' soit d'une rente de situation géographique, soit d'un nom prestigieux '. Dans le Midi, certaines jouent à plein la carte du tourisme de masse. Implantées à proximité du littoral, elles proposent du vin en cubitainer ou en Bag-in-Box. Leur atout : un bon rapport qualité/prix. Leur cible : la clientèle des campings. D'autres utilisent la proximité urbaine, comme la coopérative de Saint-Georges-d'Orques, implantée à la sortie de Montpellier. ' Cette cave exploite cette qualité de mieux en mieux ', explique le chercheur.
Plus haut de gamme, d'autres utilisent le nom prestigieux de leur appellation comme fleuron commercial. La stratégie est facilitée lorsque le nom de la cave et celui de l'AOC se confondent : Vignerons de Beaumes-de-Venise, Union des producteurs de Saint-Emilion, La Chablisienne, Groupement du cru Banyuls... ' Les coopératives qui misent sur la vente directe jouent souvent la carte 'panier de biens', c'est-à-dire qu'elles travaillent en association avec d'autres produits du même terroir gastronomique. ' C'est ainsi que la cave d'Irouléguy a créé une SARL avec différents producteurs du Pays basque (charcuterie, fromage de brebis, foie gras...). Un magasin a ouvert l'an passé en plein coeur de Toulouse. D'autres sont à l'étude en Provence.
La stratégie de conquête de la grande distribution est bien différente. Elle repose souvent sur une marque. Cela suppose un investissement conséquent. Dans les faits, les caves disposant d'un vrai budget marketing sont rares. Là encore, il semble que la communication, indispensable à l'essor d'une marque, fasse partie de ces investissements ' immatériels ' qui affolent de nombreux conseils d'administration... De plus, l'argent ne suffit pas.
' Pour lancer un nom commercial, il faut une gamme de produits avec des volumes suffisants pour intéresser la grande distribution ', note Jean-Marc Touzard. Cela explique les nombreux rapprochements entre les caves : création de société de négoce (Alliance Loire, Alliance Bordeaux...) ou de GIE (Groupement d'intérêt économique Blason de Bourgogne...).

Lorsque la cave ne dispose pas de volumes suffisants, mieux vaut pour elle se replier sur les marchés de niche (vins issus de l'agriculture biologique, vins kascher...) présents en linéaires.
A l'opposé des deux premiers modèles commerciaux, la stratégie de partenariat avec un négociant porte sur du vin en vrac. Le principal intérêt de cette option est qu'elle ne nécessite pas de gros investissements initiaux. ' La cave reste dans son domaine de compétence qu'est la production. L'activité de vente de vin est externalisée, et non intégrée dans un service commercial ', explique l'analyste. Pour convaincre son cocontractant, il faut se plier à son cahier des charges. La traçabilité et l'agriculture raisonnée font partie des refrains habituels.

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