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Les polyphénols du gamay

La vigne - n°122 - juin 2001 - page 0

Aujourd'hui à la Sicarex Beaujolais, Benoît Labarbe a travaillé, entre 1997 et 2000 dans le cadre d'une thèse à l'Inra de Montpellier, sur le potentiel polyphénolique du gamay et son devenir au cours de la vinification beaujolaise. A la lecture de ses résultats, on peut se demander si le gamay est réellement adapté à cette vinification bien particulière, avec des grappes encuvées entières. En effet, ce jeune chercheur a montré que le potentiel polyphénolique du gamay était faible et que la vinification beaujolaise ne favorisait pas son extraction, bien au contraire. Il souligne également que le gamay est très sensible au brunissement. Or, cette vinification accroît l'activité d'une enzyme d'oxydation dans le haut de la cuve.' C'est vrai qu'en première lecture, on pourrait penser cela, mais c'est faire abstraction du côté aromatique. La macération beaujolaise traditionnelle permet d'obtenir un profil aromatique typique. A chaque vinificateur de trouver l'équilibre entre l'extraction de couleur et la production optimale d'arômes ', juge Benoît Labarbe. Mais il ajoute : ' Selon les années, la hauteur de jus dans les cuves peut être très variable. L'extraction de couleur se faisant plutôt en phase liquide, cela donne des millésimes avec des couleurs différentes. Le but de ce travail était aussi de mieux comprendre les conditions d'extraction pour limiter les fluctuations de couleur. ' Benoît Labarbe a d'abord étudié le potentiel polyphénolique du gamay à maturité, qui change d'un millésime à l'autre. ' Au cours des trois campagnes d'étude, le potentiel anthocyanique a varié notablement, de 250 à 500 mg/kg. Idem pour les tanins de la pellicule, qui sont passés de 300 à 450 mg/kg, et les acides phénols de la pulpe, dosés entre 80 et 120 mg/kg selon les années ', indique-t-il. Le millésime n'est pas le seul facteur de variations. Le clone et le terroir jouent également un rôle. Cependant, cette première approche a montré que le gamay avait un potentiel phénolique modeste comparé à d'autres cépages déjà étudiés, pour lesquels la teneur en anthocyanes dépasse généralement 500 mg/kg, voire le g/kg. Ensuite, Benoît Labarbe a étudié les phénomènes de diffusion et d'extraction au cours de la macération beaujolaise. Pour cela, il a reproduit en milieux modèles les trois phases distinctes qui coexistent dans la cuve. Il a ainsi remarqué que le maintien de grappes entières dans une atmosphère saturée en gaz carbonique n'est pas favorable à l'extraction des polyphénols, alors que l'immersion des grappes ou des baies écrasées améliore la vitesse d'extraction des polyphénols et leur taux de passage dans le jus. Démarche originale, ce chercheur a réalisé un bilan en anthocyanes et en tanins, en retranchant du potentiel présent dans les grappes au départ, les teneurs retrouvées dans les jus, les lies ou le marc après six jours de macération. Il a ainsi montré qu'il y avait une perte importante du potentiel phénolique originel dans les grappes entières émergées, évaluée à près de 80 % du potentiel de départ ! Des pertes sont également constatées pour les grappes entières immergées et les baies foulées, mais elles sont de moindre importance. Les raisons de ces disparitions ne sont pas totalement élucidées. Elles s'expliqueraient par des réactions entre les anthocyanes et les tanins. Elles peuvent être causées par l'action de produits du métabolisme anaérobie, qui dégraderaient les polyphénols natifs, présents dans la grappe au départ. Enfin, différentes réactions pourraient conduire à une insolubilisation des polyphénols au sein des tissus, rendant impossible leur extraction. Pour pallier ces pertes, les vinificateurs pourraient tenter d'extraire très rapidement les polyphénols natifs, afin qu'ils échappent en partie à ces réactions. La macération préfermentaire à chaud, expérimentée dans le Beaujolais, permet cela, mais elle modifie aussi le profil aromatique des vins. La polyphénoloxydase catalyse, comme son nom l'indique, les réactions d'oxydation des polyphénols et conduit à un brunissement du moût. Benoît Labarbe note que le gamay, de par sa composition, est particulièrement sensible à ce phénomène. Or, alors que dans les grappes immergées, l'activité de la polyphénoloxydase diminue jusqu'à disparaître après quatre jours de fermentation, elle augmente dans les baies émergées, où elle est multipliée par cinq après six jours de macération ! Tout contact avec l'oxygène lors du décuvage ou du pressurage peut alors présenter un risque. ' Il faut voir si cette observation a une incidence pratique et si cette activité enzymatique pose des problèmes ', indique Benoît Labarbe. Il juge que face au potentiel du gamay, si le vinificateur souhaite extraire des polyphénols, il doit le faire rapidement, avant que des réactions ne limitent ces diffusions ; mais, surtout, il doit partir d'une vendange affichant un bon potentiel. Les essais menés sur les clones, les porte-greffes, la taille, la hauteur de rognage... montrent que ces paramètres jouent sur cette richesse, les différences observées s'expliquant le plus souvent par des écarts de rendement...

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