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Difficile valorisation de la viticulture raisonnée

La vigne - n°144 - juin 2003 - page 0

Des vignerons respectent un cahier des charges de viticulture raisonnée, mais ils n'ont pas pu augmenter leurs tarifs. Leur démarche suscite pourtant la curiosité ou la bienveillance de certains opérateurs, ce qui leur facilite l'accès à de nombreux marchés.

Ils avaient cru que ce serait le sésame pour une valorisation financière significative. Ils en sont revenus. Le constat des vignerons impliqués dans des démarches de viticulture raisonnée, soumises à un cahier des charges et donnant droit à l'utilisation d'une marque (Terra Vitis, Vitealys ou Ampelos) sous réserve d'une vérification par un organisme indépendant, est sans appel. A quelques exceptions, la majorité d'entre eux ne vend pas plus cher. Mais tous s'accordent à penser que c'est le passeport pour commercialiser dans un futur proche.

' Il ne faut pas attendre de valorisation commerciale ', estime Christian Taillefer, vigneron coopérateur dans l'Aude, engagé dans Terra Vitis depuis 2002. ' L'intérêt n'est pas par rapport au prix, complète Patrice Laurendeau, du domaine de Terrebrune, à Notre-Dame-d'Allençon (Maine-et- Loire), engagé dans la démarche Vitealys. Mais c'est un plus commercial. Cela permet d'être plus crédible, d'apporter une tranquillité à l'acheteur, de se placer sur des marchés et d'y rester. '
Noël Rouballay, président de Apiv 41, adhérent de Terra Vitis, confirme : ' Il n'y a pas de retombées financières directes. C'est plutôt un accès à certains marchés qui sont demandeurs de respect de l'environnement. ' Une opinion approuvée par Jacques Serre, vice-président de Terra Vitis, vigneron à Monze (Aude), qui livre sa production à la cave coopérative des hautes côtes de l'Alaric : ' Je suis persuadé que grâce à cette marque, on arrive à avoir des ouvertures de marché plus facilement avec les négociants et la grande distribution (Skalli, Casino...), auprès de metteurs en marché qui essaient de se démarquer d'une manière ou d'une autre . '
Bernard Mathieu, président de Terra Vitis et vigneron à Vauxrenard (Rhône), l'affirme également : ' Nous commençons à avoir accès à des marchés sensibles au respect de l'environnement, comme l'Europe du Nord ou le Japon. ' Il a vendu 90 hl à un prix de 10 % supérieur au cours du jour, à un importateur japonais qui cherchait des vins Terra Vitis.
' Il n'y a jamais de plus-value financière directe, témoigne encore Philippe Trotignon, du domaine Beauséjour, à Noyers-sur-Cher (Loir-et-Cher). De nombreux vignerons pensaient vendre plus cher. La réalité est différente. C'est une image supplémentaire au visuel des bouteilles, un gage pour les clients. '
Gabriel Savoye, à Régnié (Beaujolais), l'un des pionniers de Terra Vitis, résume la situation : ' Financièrement, on est loin des 23 euros par pièce escomptés il y a encore deux ans. A l'époque, on revendiquait une plus-value pour la démarche, on a revu nos positions. En revanche, pour la valorisation morale, c'est gagné à 100 %. '

Les vignerons, via Ampelos, Vitealys ou Terra Vitis, communiquent largement sur leurs pratiques. Ils les exposent sur les fiches produits destinées à leurs clients. De plus, les viticulteurs impliqués dans Vitealys et Terra Vitis ont la possibilité de mettre une identification ou le logo sur les bouteilles ou les cartons. Mais, là encore, la réalité n'est pas toujours facile. Le déficit de communication est énorme.
Xavier Piton, du château Belles-Graves à Néac (Gironde), commence sa troisième campagne de contrôle Ampelos. ' C'est un moyen tangible d'expliquer ce que l'on fait, un support de communication ', explique-il. Dès le début, il en a parlé à sa clientèle, mais ' la distinction reste vague et sujette à confusion ' entre le bio, le raisonné, l'intégré, le classique. Entre les logos des Vignerons indépendants, d'Adelphe, celui de la propriété et, bientôt, le ' B ' de Bordeaux, les consommateurs ne s'y retrouvent pas, et ne visualisent pas à quoi cela correspond. Xavier Piton s'avoue déçu : ' Je pensais que ce serait des arguments forts. J'ai constaté que cela ne les intéressait pas beaucoup ', même si cela reste un élément sécurisant et de fidélisation. Du coup, il va lever le pied sur la communication et attendre que cela soit plus parlant pour les clients.

Philippe Trotignon, que les réactions de ses clients ont parfois surpris, confirme : ' Quand on leur explique la démarche, certains clients tombent des nues et nous disent : 'Mais vous n'avez pas toujours travaillé comme cela ?' ou 'mais vous devriez travailler comme cela'. ' Il est parfois délicat de rattraper le coup : ' Cela ne veut pas dire qu'on faisait n'importe quoi ' ou que ' les autres font n'importe quoi '.
Dans tous les cas, le retour sur investissement n'est pas évident. Les cotisations varient de 400 à 2 000 euros par domaine et par an, selon la démarche choisie. Il faut investir dans la mise aux normes des matériels, dans des locaux pour les produits phytosanitaires, dans des techniques parfois différentes (enherbement, dés- herbage...). ' Du moment qu'il y a un travail supplémentaire, il serait normal que les vignerons engrangent quelques subsides, conclut Bernard Mathieu. Mais la vie, ce n'est pas seulement des espèces sonnantes et trébuchantes, c'est aussi l'estime que l'on a par rapport à soi, à ses collègues, à ses clients et à la société. '



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