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La santé de Louis XIV

La vigne - n°121 - mai 2001 - page 0

Jour après jour, les médecins du roi Louis XIV s'intéressent à sa santé. On trouve alors à deux types de vins toutes les vertus ou tous les défauts.

Quand le roi meurt, le 1 er septembre 1715, c'est l'occasion pour le duc de Saint-Simon, auteur de mémoires sur son époque, de rappeler ce qu'était l'hygiène alimentaire du roi : ' Il ne buvait depuis de longues années, au lieu du meilleur vin de Champagne dont il avait uniquement usé toute sa vie, que du vin de Bourgogne avec la moitié d'eau, si vieux qu'il en était usé. Il disait quelquefois, en riant, qu'il y avait souvent des seigneurs étrangers bien attrapés à vouloir goûter du vin de sa bouche (de sa table). Jamais il n'en avait bu de pur en aucun temps, ni usé de nulle sorte de liqueurs, non pas même de thé, café ni chocolat. A son lever seulement, au lieu d'un peu de pain, de vin et d'eau, il prenait depuis fort longtemps deux tasses de sauge et de véronique '.Louis XIV avait une excellente santé. Dur à l'exercice, ne se plaignant jamais, insensible au froid, au chaud et aux courants d'air, il mangeait beaucoup aux repas, principalement des ragoûts, des potages, des sucreries, beaucoup de fruits et de salade, mais jamais de légumes. Comme tous les aristocrates, les médecins le saignaient souvent et le purgeaient toutes les trois semaines en principe, mais parfois jusqu'à six fois dans la semaine. Dès 1681, il commence à souffrir de la goutte. Le vendredi 27 août 1694, alors qu'il séjourne à Marly, ' après deux grands repas de poisson ', il subit une violente attaque de goutte (il a 56 ans) et ne peut se rechausser que le 15 septembre. La goutte le reprend le 26 septembre et le contraint à garder le lit jusqu'au 17 octobre. D'Aquin, son premier médecin de 1672 à 1693, pensait que le roi était d'un tempérament bilieux ; il l'a laissé boire du vin de Champagne, réputé parce qu'il avait ' une admirable couleur blonde ', ' une odeur à faire pâlir de honte tous les parfums d'Arabie ', et ' un goût plus suave que le nectar '. Fagon lui succède en 1693 et demeure en poste jusqu'à la mort du roi. Il a une opinion opposée. Pour lui, le roi a un tempérament mélancolique, et le vin de Champagne est contre-indiqué parce qu'il ' s'aigrit très aisément ', parce qu'il a ' plus de tartre et moins d'esprits ' (il n'enivre pas) que celui de Bourgogne. En conséquence, ' il soutient et augmente l'aigreur de l'humeur mélancolique et ses mauvais effets '. Aussi engage-t-il le monarque à boire du vin vieux de Bourgogne, de ' quatre feuilles ', dit le marquis de Sourches. Le roi renâcle parce que le bourgogne ' lui fait de la peine au goût ', mais il accepte enfin, malgré l'avis de tous ses courtisans. Fagon a donc gagné : au lieu du vin de Champagne qui ' excite la goutte presqu'à l'instant qu'il est bu ', le roi va désormais boire le vin de Bourgogne ' qui nourrit et fortifie sans incommoder '. Sa décision est confortée par ' l'éloignement des retours de goutte et l'entière liberté de ses pieds auxquels ce changement de vin a eu bonne part '. Les Champenois sont déçus de ce changement de régime. En 1700, un médecin rémois, Egide Cuboteau, reprend l'offensive : le vin de Reims est plus suave et plus utile à la santé que celui de Bourgogne. Pour preuve, la longévité de Pierre Piéton, habitant d'Hautvillers qui a vécu 118 ans sans être malade grâce à la douceur du climat champenois... et à la qualité des vins. La réponse de Henri de Salins, médecin et conseiller du roi en sa chambre des comptes du comté de Bourgogne, paraît dès 1704 : il vante les vins de Bourgogne, plus anciennement connus que les vins de Champagne, qui ont plus de couleur et plus de force. ' Le champagne manque de force, de cette vigueur que les Anciens nommaient générosité. Il est mou, aqueux, ce qui le rend sujet à changer de couleur et incapable de supporter un long transport ', dit-il, alors que les bourgognes voyagent partout. Enfin, la Bourgogne a le privilège inestimable de fournir des vins pour toutes les saisons : d'abord pommard, beaune et volnay ; ensuite, les vins blancs de Meursault, puis les rosés d'Aloxe et de Savigny, après ceux de Chassagne, Santenay, Saint-Aubin, Blagny ; Nuits qui n'a pas son pareil et ne peut être assez prisé. Après la mort du roi, la querelle s'apaise ou, du moins, devient nationale. Une thèse de 1724 va même soutenir que les vins de l'Ile-de-France sont supérieurs à ceux de la Champagne et de la Bourgogne. Mais, à ce moment-là, la religion de chacun est faite : on boit ce qu'on aime.

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