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Le duc de Penthièvre

La vigne - n°111 - juin 2000 - page 0

Il est toujours intéressant de savoir ce que contenaient les caves de l'aristocratie au temps où les grands vins étaient réservés à l'élite.

Lorsqu'il meurt, le 4 mars 1793 à Vernon (Eure), le duc de Penthièvre, avec un revenu annuel d'environ six millions de livres (250 MF aujourd'hui), est la première fortune foncière de France après le roi... ou l'Etat. Né en 1725, fils unique du comte de Toulouse, bâtard légitimé de Louis XIV et de madame de Montespan, il est donc le dernier petit-fils de Louis XIV.Sa fille, Louise-Marie Adélaïde, a épousé le duc de Chartres, puis duc d'Orléans, connu pendant la Révolution sous le nom de Philippe-Egalité. A ce titre, il a voté la mort de Louis XVI, ce qui ne l'empêchera pas d'être lui aussi guillotiné quelques mois après. C'est le père du futur roi Louis-Philippe I er. Le duc de Penthièvre, qui gère très sagement son immense fortune (plus de vingt châteaux), réside souvent à Sceaux où il a sa cave. Très pieux, mélancolique, il est connu pour ses libéralités car il distribue pensions et secours, et fonde hôpitaux et hospices. Lorsqu'il décède, la municipalité de Sceaux, pourtant révolutionnaire, décide de rouvrir l'église, fermée au culte, pour faire célébrer un service à la mémoire du ' bon duc '. Son immense train de vie se voit aussi dans la consistance de sa cave qui, d'après l'inventaire opéré à la mise sous scellés, contient un peu plus de 36 000 bouteilles, une petite fortune. C'est par dizaines de pièces que les vins nouveaux arrivent tous les ans. Afin que les meilleurs crus, mis en bouteilles, puissent vieillir. En 1814, le futur Louis-Philippe, qui a hérité de ce qui restait de la succession de sa mère, se vante de boire du xérès de 1730 en provenance de cette cave. Malheureusement pour nous, les millésimes ne sont pas mentionnés dans l'inventaire. Comme il se doit à son époque, le duc de Penthièvre boit d'abord du bourgogne, à 12 sous la bouteille pour le pommard, le nuits et le beaune, à 50 sous le clos-vougeot et la montrachet, nos grands crus ; mais aussi des bourgognes ordinaires, dits de 2e et 3e classes, à 7 sous, y compris les vins de Tonnerre. Il affectionne aussi les côtes-du-rhône, principalement l'hermitage et le châteauneuf. La Touraine (Amboise) lui fournit des vins plus légers pour les repas ordinaires et les hôtes de second plan. Comme François I er et Henri IV jadis, comme Louis XV et Louis XVI, il ne dédaigne pas les champagnes tranquilles, le mousseux de l'époque Louis XVI ayant un peu passé de mode. Il aime les bordeaux rouges et les liquoreux, les graves et les sauternes surtout. Il boit abondamment des vins de liqueur, aussi bien du Languedoc (muscat) que du Roussillon (banyuls), de l'Italie, de Chypre et de Grèce. Très peu de vins de l'Est (six bouteilles de vin du Rhin, treize de tokay alsacien ou hongrois). Les domestiques consomment ce que l'on appelle du vin de bureau et du vin de maraîcher. Ajoutons encore 741 bouteilles d'eau-de-vie, du cognac et de l'armagnac principalement. A l'époque de l'apposition des scellés, gageons que tous ces vins ont dû faire bien des heureux !

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