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Vers des terroirs mieux protégés

La vigne - n°112 - juillet 2000 - page 0

Après dix ans d'application, la loi du 2 juillet 1990 a montré ses limites. Les défenseurs des terroirs d'appellation placent désormais leurs espoirs dans la loi d'orientation agricole.

En cinquante ans, la France a perdu six millions d'hectares de surface agricole. ' La ville est à l'assaut de la campagne ', constate Dominique Thouroude, de la Direction des politiques économique et internationale (DPEI) et de rappeler les incidences de cet état de fait : disparition de terroirs par définition impossible à reproduire, problèmes de pollution industrielle, paysages agricoles défigurés... Les aires d'appellation subissent de plein fouet l'urbanisation croissante. L'an passé, l'Inao a été consulté plus de six cents fois sur ce sujet. Parmi les avis rendus, 551 concernent des problèmes d'installations classées, et 29, des dossiers d'expropriation (lire encadré). Le colloque, organisé le 16 juin à Nantes, sur les dix ans de la loi relative aux AOC, a fait le point sur la protection des aires d'appellation. Les intervenants ont insisté sur les limites du système instauré en 1990 et mettent leurs espoirs dans la dernière loi d'orientation agricole.Cette dernière modifie le code rural dans son article L. 112-3. Dans sa nouvelle rédaction, ce texte indique que les plans d'occupation des sols (POS), qui prévoient une réduction des espaces agricoles dans les zones d'appellation d'origine, ne peuvent être approuvés qu'après avis de l'Inao. ' La rédaction antérieure prévoyait une consultation seulement en cas de réduction grave, explique Yves Pittard, avocat nantais, spécialiste du droit de l'urbanisme. Désormais, l'intervention de l'Inao sera systématique. Cela évitera les problèmes d'appréciation de la notion de réduction grave et diminuera d'autant le contentieux juridique sur cette question. ' Deuxième avancée de la loi d'orientation agricole : la création des Zap. L'article L. 112-2 du code rural prévoit la possibilité de délimiter des zones agricoles protégées par arrêté préfectoral. Les modalités d'application de ce texte doivent être fixées par décret interministériel, lequel est attendu avec impatience par la profession.Comme l'ont expliqué les intervenants au colloque, ces Zap constitueront des servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et seront annexées au POS. ' C'est un formidable outil pour faire face au grignotage des villes, en mettant un frein à la volatilité des POS ', déclare Dominique Thouroude. Tous les spécialistes de l'urbanisme s'accordent pour constater qu'il est aisé de changer l'affectation de terres agricoles en terrains constructibles. Désormais, en intégrant les aires d'appellation dans des Zap, on pourra leur assurer une plus grande pérennité et donc une meilleure protection. Même si la loi d'orientation agricole apporte ces nouveaux moyens de protection des terroirs, tout n'est pas gagné. Comme le rappelle Jean-Louis Vivière, le ' Monsieur Patrimoine ' du CIVB (Comité interprofessionnel du vin de Bordeaux) : ' L'organisation de la gestion de l'espace, conséquence de l'expansion des villes et du développement des voies de communication, est l'un des enjeux essentiels du monde viticole. ' Pour y faire face, il est primordial d'assurer ' une veille stratégique '. Tous ceux qui ont été confrontés au problème savent que quel que soit le type d'atteinte (projets de grands travaux, d'installations classées...), l'essentiel est d'être informé au plus tôt. C'est en amont de la décision que le syndicat d'appellation peut faire pression auprès des politiques pour tenter d'infléchir un tracé autoroutier, l'implantation d'une installation polluante... ' Une fois la déclaration d'utilité publique prise, il est trop tard ', assure Jean-Claude Hélin, professeur à la faculté de Nantes. Du côté juridique, les praticiens du droit relèvent qu'il serait bon de mettre en cohérence les codes de l'urbanisme et rural. ' La nouvelle loi a intégré des dispositions dans le code rural qui contredisent certains articles du code de l'urbanisme. Or, c'est ce dernier que les communes appliquent ', explique Yves Pittard. Dernier constat, quelles que soient les avancées obtenues grâce à la loi, l'instrument juridique utilisé pour la protection des terroirs est toujours le même. Il consiste à obliger le décideur d'un projet (maire, préfet) à recueillir l'avis de l'Inao ou du syndicat d'appellation avant de prendre une décision. Or, comme son nom l'indique, le pouvoir consultatif se limite à donner un avis... Quant à la faculté de le faire respecter, c'est une autre histoire !

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