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La renaissance d'une cave vieille de six cents ans

La vigne - n°90 - juillet 1998 - page 0

Les hôpitaux universitaires de Strasbourg et trente-sept producteurs alsaciens ont remis en service la cave des hospices de la ville, construite en 1395.

Au début de l'année, quelques-uns des meilleurs vins d'Alsace du millésime 1997 sont entrés dans la cave des hospices de Strasbourg. Ils sont venus là pour un élevage de six à huit mois dans des foudres de chêne, dont la plupart sont centenaires. Ils en ressortiront sous une étiquette commune, ayant pour mission de porter haut les couleurs de la région.Les mises en bouteilles devraient avoir lieu à la veille des prochaines vendanges. Elles seront faites sur place. Trente-sept vignerons, négociants et caves coopératives récupéreront alors leurs vins. Auparavant, ils en auront remis une partie aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. C'est la redevance qu'ils doivent en contrepartie de l'utilisation de la cave, de ses foudres et de la marque ' Hospices de Strasbourg ', sous laquelle seront vendus les vins. Pour les AOC génériques, la redevance est de 5 % du volume élevé sur place. Elle décroît au fur et à mesure que les vins s'élèvent. Pour une sélection de grains nobles, elle n'est plus que de 1 %.' Nous avons voulu fonctionner comme il y a six siècles, explique Paul Borja, l'oenologue qui veille sur les vins. A l'époque, les gens n'avaient pas toujours de l'argent. Ils réglaient avec un lopin de terre. ' Certains cédaient même tous leurs biens pour finir des jours heureux à l'hôpital. ' L'hôpital du Moyen Âge et de la Renaissance apparaît comme une nef festoyante ', écrit un historien. Celui de Strasbourg ne fait pas exception. Jusqu'au XVIIe siècle, il était réputé pour sa table où l'on servait quantité de viande rouge et 2 l de vin par jour et par patient. C'est ainsi que les malades reprenaient des forces et retrouvaient le plaisir de vivre.La vie dissolue que l'on y menait fut à l'origine du plus grand désastre qu'il ait connu : l'incendie qui le ravagea en 1716 et qui n'épargna que la chapelle, la boulangerie et la cave. Lorsque le feu se déclara, les employés étaient ivres et fermèrent les portes pour que les pompiers ne les découvrent pas dans cet état. Malheureusement, ils ne purent pas venir seuls à bout du feu. Lorsqu'ils se résignèrent à rouvrir les portes, il était trop tard.Ce que l'incendie n'avait pas réussi à faire, les contraintes du monde moderne y sont presque parvenues. Elles ont failli causer la mort de la cave qui, au fil de temps, s'était reconvertie dans l'approvisionnement du personnel. En 1992, la mise en bouteilles prenait fin. Le chai était ravalé au rang de vulgaire entrepôt. ' A chaque visite (1), les gens nous demandaient s'il y avait du vin dans les foudres, rappelle Philippe Junger, le gérant. Il fallait bien leur répondre que non. ' Cet intérêt des autres pour les lieux dont il avait la charge éveilla le sien. ' Je ne voulais pas être celui qui a laissé mourir la cave. ' Ce cuisinier, passionné de vins, a fini par convaincre Pierre Sparr de l'intérêt de l'édifice. En 1995, le vigneron et négociant de Sigolsheim a fait remettre trois foudres en état puis les a remplis de ses propres moûts. L'expérience a montré que le lieu n'est pas fait pour les fermentations alcooliques; il faudra se limiter à l'élevage. Elle a également montré que les foudres étaient parfaitement récupérables. Pierre Sparr en persuade ses confrères. Il leur propose de le rejoindre au sein d'une Sica qui naît l'année suivante et signe un accord de 50 ans avec les hôpitaux universitaires de Strasbourg. Les foudres ne seront prêts que pour le millésime 1997. Aujourd'hui, 1 100 hl ont été remis en service sur une capacité totale de 2 400 hl. Et trente-sept producteurs parient que la cave des hospices de Strasbourg, qui faisait autrefois la réputation de cet établissement de soins, en fera autant, à l'avenir, pour le prestige des vins la région.(1) Visites sur rendez-vous. Tél. : 03.88.11.64.27.

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