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Le bois reflète son origine sur le vin

La vigne - n°85 - février 1998 - page 0

Les origines botanique et géographique du chêne peuvent influencer sa composition et, par conséquent, celle des vins élevés en fûts. L'américain confère au vin un fort caractère boisé alors que les chênes russe et français se distinguent plus difficilement.

Les origines botanique et géographique du chêne peuvent influencer sa composition et, par conséquent, celle des vins élevés en fûts. L'américain confère au vin un fort caractère boisé alors que les chênes russe et français se distinguent plus difficilement.

La France possède l'une des plus vastes forêts de chênes d'Europe. Cependant, seule une faible part produit des arbres réellement intéressants pour la tonnellerie de qualité (140 000 ha environ, soit 1 % de la surface forestière). Il semble par ailleurs qu'on assiste à une grave détérioration de l'état de santé des chênaies. Cette situation, ajoutée à une demande croissante du marché, a entraîné une augmentation régulière du prix du chêne français de 5 à 15 % par an. Cela conduit les tonneliers à rechercher d'autres sources d'approvisionnement.Les gisements forestiers du nord-ouest du Caucase, en particulier ceux de la république d'Adhygué (Russie méridionale), sont intéressants de par leur étendue et leur diversité (chêne sessile, Quercus petrae, et chêne pédonculé, Quercus robur). La région des Ozarks (Missouri) est, elle, intéressante pour la régularité et la qualité de son chêne blanc américain (Quercus alba).L'obturation des vaisseaux du bois par des membranes épaisses et résistantes, en comparaison à celles des chênes européens, autorise le sciage du bois américain sans risque de fuite sur les douelles.A l'inverse, les chênes européens doivent toujours être fendus dans le fil pour assurer une parfaite étanchéité des fûts, ce qui entraîne des pertes considérables. En conséquence, pour un même volume de bois, le nombre de fûts fabriqués est deux fois plus important avec du chêne américain et leur prix, presque deux fois plus faible!L'impact des différentes provenances de chêne sur la composition et la qualité des vins a été mesuré dans le cadre de nombreuses expérimentations. Le chêne pédonculé (du Limousin ou du Sud-Ouest, en France) se caractérise par des accroissements annuels en moyenne relativement larges, un bois d'été dense et abondant, une grande quantité de tanins extractibles et un potentiel odorant naturellement limité. Cette espèce n'est pas la plus intéressante pour l'élevage des vins. On doit lui préférer les chênes sessiles ou blancs, beaucoup plus aromatiques, moins riches en tanins et plus poreux. Elle convient bien en revanche au vieillissement des alcools.Le chêne blanc américain est beaucoup plus aromatique et moins riche en tanins ellagiques que le chêne sessile européen. Sa richesse odorante est essentiellement liée à sa teneur en cis méthyl-octalactone, molécule responsable de l'odeur caractéristique du bois de chêne (voir infographie). Les techniques de chauffage des barriques ont dû être adaptées pour domestiquer cette odeur : l'augmentation de l'intensité de brûlage réduit la quantité de lactone tout en apportant des nuances vanillées, grillées et fumées très appréciées. Les vins conservés en barriques de chêne américain se distinguent facilement à l'olfaction. L'intensité aromatique est forte, le caractère ' boisé ' riche et complexe. Pour réduire l'impact du bois sur le vin, parfois excessif, il est préférable de jouer sur le volume du fût (350 ou 500 l) plutôt que sur la durée de l'élevage. En augmentant le volume, on ralentit la prise d'arômes tout en laissant le temps aux réactions d'oxydoréduction d'assouplir les tanins et de stabiliser la couleur. Ces réactions semblent toujours un peu plus lentes dans les barriques en chêne américain, vraisemblablement en raison d'un apport moindre en tanins hydrolysables (deux fois moins qu'un chêne sessile européen en moyenne) et de la structure particulière du bois. Le chêne blanc convient mieux aux rouges qu'aux blancs. De plus, son usage exclusif demande des vins pouvant supporter son impact aromatique. Il est souvent plus intéressant de l'utiliser en assemblage avec les autres chênes.Les chênes de Russie étudiés sont tous à grains fins et possèdent le profil analytique caractéristique des chênes sessiles. Le potentiel odorant des chênes d'Adhygué (exploités par Séguin-Moreau) est néanmoins plus faible que celui des chênes de hautes futaies du centre de la France. Le mode de conduite des forêts, le climat et la nature distincte des sols sont certainement responsables de ces différences. Cependant, les comparaisons menées depuis trois ans montrent que le chêne russe d'Adhygué peut difficilement être distingué du chêne français lors des dégustations.La principale différence distinguant le chêne russe des autres tient à sa moindre richesse en lactone (voir infographie) : l'apport est seulement légèrement supérieur au seuil de perception. Le vin présente alors un caractère boisé moins intense, jamais excessif, et un ' fruité ' plus perceptible. La matière colorante et les tanins des vins rouges évoluent de manière strictement identique dans les barriques de chêne russe et français. L'apport en ellagitanins est similaire.Le bois du centre de la France est un chêne à grain fin provenant essentiellement de hautes futaies. Il possède un potentiel aromatique relativement important en raison de sa richesse naturelle en méthyl-octalactone (apport trois à quatre fois supérieur au seuil de perception). Ce potentiel est d'autant plus grand que les conditions de séchage du bois sur parc auront permis de le révéler. Le brûlage vient renforcer l'intensité et la complexité de l'apport en substances odorantes qui reste cependant en moyenne deux fois inférieur à celui du chêne blanc américain. Ce type de bois convient parfaitement à l'élevage des vins rouges et de certains grands vins blancs.Il existe en France d'autres régions produisant des bois de grande qualité. La zone des Vosges offre des chênes relativement proches de ceux du centre. Les bois de Bourgogne sont plus difficiles à décrire. Mis à part quelques cas précis, la majorité des forêts de cette région offre un mélange de chênes pédonculés et sessiles beaucoup plus important. Les hautes futaies sont rares. Le grain du bois est moyen à grossier. Beaucoup d'exploitations sont réalisées sous taillis. Il en résulte des bois un peu intermédiaires entre chêne du centre et chêne du Limousin (pédonculé). Sous réserve d'un séchage et d'un brûlage bien adaptés, ces caractéristiques conviennent finalement assez bien à la vinification et à l'élevage des vins blancs.La majorité des barriques fabriquées en France est exportée. La raréfaction du chêne doit motiver la recherche de nouvelles provenances. On peut ainsi espérer limiter l'évolution du coût des vins élevés sous bois, conserver une fréquence de renouvellement suffisante à la propriété et s'opposer à la tentation de l'aromatisation directe.

La France possède l'une des plus vastes forêts de chênes d'Europe. Cependant, seule une faible part produit des arbres réellement intéressants pour la tonnellerie de qualité (140 000 ha environ, soit 1 % de la surface forestière). Il semble par ailleurs qu'on assiste à une grave détérioration de l'état de santé des chênaies. Cette situation, ajoutée à une demande croissante du marché, a entraîné une augmentation régulière du prix du chêne français de 5 à 15 % par an. Cela conduit les tonneliers à rechercher d'autres sources d'approvisionnement.Les gisements forestiers du nord-ouest du Caucase, en particulier ceux de la république d'Adhygué (Russie méridionale), sont intéressants de par leur étendue et leur diversité (chêne sessile, Quercus petrae, et chêne pédonculé, Quercus robur). La région des Ozarks (Missouri) est, elle, intéressante pour la régularité et la qualité de son chêne blanc américain (Quercus alba).L'obturation des vaisseaux du bois par des membranes épaisses et résistantes, en comparaison à celles des chênes européens, autorise le sciage du bois américain sans risque de fuite sur les douelles.A l'inverse, les chênes européens doivent toujours être fendus dans le fil pour assurer une parfaite étanchéité des fûts, ce qui entraîne des pertes considérables. En conséquence, pour un même volume de bois, le nombre de fûts fabriqués est deux fois plus important avec du chêne américain et leur prix, presque deux fois plus faible!L'impact des différentes provenances de chêne sur la composition et la qualité des vins a été mesuré dans le cadre de nombreuses expérimentations. Le chêne pédonculé (du Limousin ou du Sud-Ouest, en France) se caractérise par des accroissements annuels en moyenne relativement larges, un bois d'été dense et abondant, une grande quantité de tanins extractibles et un potentiel odorant naturellement limité. Cette espèce n'est pas la plus intéressante pour l'élevage des vins. On doit lui préférer les chênes sessiles ou blancs, beaucoup plus aromatiques, moins riches en tanins et plus poreux. Elle convient bien en revanche au vieillissement des alcools.Le chêne blanc américain est beaucoup plus aromatique et moins riche en tanins ellagiques que le chêne sessile européen. Sa richesse odorante est essentiellement liée à sa teneur en cis méthyl-octalactone, molécule responsable de l'odeur caractéristique du bois de chêne (voir infographie). Les techniques de chauffage des barriques ont dû être adaptées pour domestiquer cette odeur : l'augmentation de l'intensité de brûlage réduit la quantité de lactone tout en apportant des nuances vanillées, grillées et fumées très appréciées. Les vins conservés en barriques de chêne américain se distinguent facilement à l'olfaction. L'intensité aromatique est forte, le caractère ' boisé ' riche et complexe. Pour réduire l'impact du bois sur le vin, parfois excessif, il est préférable de jouer sur le volume du fût (350 ou 500 l) plutôt que sur la durée de l'élevage. En augmentant le volume, on ralentit la prise d'arômes tout en laissant le temps aux réactions d'oxydoréduction d'assouplir les tanins et de stabiliser la couleur. Ces réactions semblent toujours un peu plus lentes dans les barriques en chêne américain, vraisemblablement en raison d'un apport moindre en tanins hydrolysables (deux fois moins qu'un chêne sessile européen en moyenne) et de la structure particulière du bois. Le chêne blanc convient mieux aux rouges qu'aux blancs. De plus, son usage exclusif demande des vins pouvant supporter son impact aromatique. Il est souvent plus intéressant de l'utiliser en assemblage avec les autres chênes.Les chênes de Russie étudiés sont tous à grains fins et possèdent le profil analytique caractéristique des chênes sessiles. Le potentiel odorant des chênes d'Adhygué (exploités par Séguin-Moreau) est néanmoins plus faible que celui des chênes de hautes futaies du centre de la France. Le mode de conduite des forêts, le climat et la nature distincte des sols sont certainement responsables de ces différences. Cependant, les comparaisons menées depuis trois ans montrent que le chêne russe d'Adhygué peut difficilement être distingué du chêne français lors des dégustations.La principale différence distinguant le chêne russe des autres tient à sa moindre richesse en lactone (voir infographie) : l'apport est seulement légèrement supérieur au seuil de perception. Le vin présente alors un caractère boisé moins intense, jamais excessif, et un ' fruité ' plus perceptible. La matière colorante et les tanins des vins rouges évoluent de manière strictement identique dans les barriques de chêne russe et français. L'apport en ellagitanins est similaire.Le bois du centre de la France est un chêne à grain fin provenant essentiellement de hautes futaies. Il possède un potentiel aromatique relativement important en raison de sa richesse naturelle en méthyl-octalactone (apport trois à quatre fois supérieur au seuil de perception). Ce potentiel est d'autant plus grand que les conditions de séchage du bois sur parc auront permis de le révéler. Le brûlage vient renforcer l'intensité et la complexité de l'apport en substances odorantes qui reste cependant en moyenne deux fois inférieur à celui du chêne blanc américain. Ce type de bois convient parfaitement à l'élevage des vins rouges et de certains grands vins blancs.Il existe en France d'autres régions produisant des bois de grande qualité. La zone des Vosges offre des chênes relativement proches de ceux du centre. Les bois de Bourgogne sont plus difficiles à décrire. Mis à part quelques cas précis, la majorité des forêts de cette région offre un mélange de chênes pédonculés et sessiles beaucoup plus important. Les hautes futaies sont rares. Le grain du bois est moyen à grossier. Beaucoup d'exploitations sont réalisées sous taillis. Il en résulte des bois un peu intermédiaires entre chêne du centre et chêne du Limousin (pédonculé). Sous réserve d'un séchage et d'un brûlage bien adaptés, ces caractéristiques conviennent finalement assez bien à la vinification et à l'élevage des vins blancs.La majorité des barriques fabriquées en France est exportée. La raréfaction du chêne doit motiver la recherche de nouvelles provenances. On peut ainsi espérer limiter l'évolution du coût des vins élevés sous bois, conserver une fréquence de renouvellement suffisante à la propriété et s'opposer à la tentation de l'aromatisation directe.

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