L'élevage sous bois apporte quatre nuances aromatiques : la noix de coco, le clou de girofle et la vanille diffusés par les douelles, les notes torréfiées formées au contact du vin.
'Communiqués par les contenants en chêne, les arômes boisés peuvent être directement cédés par le bois ou transformés à partir de précurseurs libérés par le bois ', expose Denis Dubourdieu, professeur à la Faculté d'oenologie de Bordeaux. C'est dans son laboratoire qu'ont été menés la plupart des travaux sur les arômes boisés, avec le soutien du tonnelier Seguin-Moreau. ' On distingue quatre nuances dans le goût boisé, poursuit-il. La noix de coco, les nuances épicée, vanillée et torréfiée. ' Ce sont les mêmes, que l'on utilise des fûts ou des copeaux.
Les lactones sont responsables des arômes de noix de coco. En particulier, la méthyl-octalactone existe sous la forme de deux isomères aux propriétés différentes. La cis-octalactone est perceptible à partir de 74 µg/l dans les rouges et 92 µg/l dans les blancs, d'après l'ouvrage OEnologie de Claude Flanzy. La trans-octalactone est quatre à cinq fois moins odorante. Quand la somme de ces deux molécules dépasse 235 µg/l dans les rouges, leur qualité aromatique s'en trouve altérée.
L'odeur de fumée ou de clous de girofle est liée à des phénols volatils, en particulier à l'eugénol détecté au-delà de 7 µg/l environ. Son extraction est presque complète après six mois d'élevage.
Troisième famille d'arômes boisés, les aldéhydes phénols qui confèrent les notes vanillées. La vanilline est la principale de ces molécules. Son seuil de reconnaissance est de 0,4 mg/l dans les blancs et 0,32 mg/l dans les rouges. Dans les vins élevés en fûts, elle peut dépasser ces niveaux. Mais sa participation à l'arôme vanillé du vin est parfois remise en cause, tant ils sont élevés. De plus, quand la vinification a lieu en fûts, les levures transforment une partie de la vanilline en alcool vanillique presque inodore. Ainsi, la perception de l'arôme vanillé est encore plus faible.
Quant au syringaldéhyde, qui a lui aussi un arôme vanillé, sa concentration dans le vin est trop faible pour qu'il soit perceptible.
Ces trois catégories de substances sont présentes dans le bois et diffusent directement dans le vin. Ce n'est pas le cas des arômes de torréfaction.
Au début des années 2000, Takatoshi Tominaga, de la faculté de Bordeaux, a démontré que les barriques libèrent un précurseur de l'arôme torréfié, le furfural, peu perceptible dans le vin. Au contact du vin, il se transforme en un thiol, le 2-furaneméthanethiol ou furfuryl-thiol, à l'odeur de café. Ce composé a un seuil de perception très bas (2 à 3 ng/l), ce qui en fait l'une des molécules les plus odorantes du vin, selon Takatoshi Tominaga. Le vin en contient 2 à 3 ng/l s'il est non boisé, et jusqu'à 100 ng/l quand il est élaboré en fût neuf.
Deux mécanismes conduisent à la formation de ce composé. Dans les vins fermentés en fûts, c'est la levure qui transforme le furfural en furfuryl-thiol. Dans les vins rouges, qui sont seulement élevés en fûts, il se produit une simple réaction physico-chimique. ' Les notes torréfiées apparaissent dans les jours qui suivent la fin de la malo quand celle-ci a lieu en fûts ', note Denis Dubourdieu, c'est-à-dire juste après le sulfitage qui apporte le soufre nécessaire à la réaction. ' En revanche, si les vins sont entonnés après malo, ces notes ne se développent que plus tard, au cours de l'été suivant. Toutefois, au bout de douze ou treize mois d'élevage, il n'y a plus de différence entre les deux méthodes. '
Cette différence entre la malo en fût ou en cuve n'est pas encore élucidée. Ce qui est sûr, c'est qu'elle n'est pas liée à une intervention des bactéries. Celles-ci ne sont pas capables de transformer le furfural. Il est possible que la malo en fût accélère la diffusion du furfural, car le vin est chaud. Dans ce cas, la température favoriserait également la réaction chimique transformant le furfural. ' Par ailleurs, certaines colles, comme le blanc d'oeuf, favorisent l'apparition du caractère torréfié, même en cuve, sans que l'on sache encore pourquoi ', conclut Denis Dubourdieu. D'autres composés proches du furfuryl-thiol jouent peut-être un rôle synergique dans la perception de ces arômes torréfiés.
Tous les fûts ne produisent pas les mêmes effets sur le vin. La nature du bois, son séchage et le mode de fabrication du tonneau sont autant de facteurs qui influent sur sa qualité aromatique. L'origine du bois détermine notamment la quantité de lactones libérées dans le vin. Le plus aromatique est le chêne américain, suivi du chêne sessile européen (Centre et Vosges), puis du chêne pédonculé (Limousin). La teneur en ellagitanins de ces espèces est inverse. Le chêne américain est ainsi très aromatique, mais peu tannique.
D'autre part, ' ces composés odorants n'existent pas dans le bois frais , signale Denis Dubourdieu. Ils sont transformés au cours du séchage, qui est une maturation et pas seulement une déshydratation. Au cours de cette étape, le merrain perd l'odeur de planche pour acquérir celle de boisé. ' Cette odeur de planche, liée à un mauvais séchage, est due au nonénal.
Enfin, la chauffe du fût joue un rôle essentiel dans les arômes qu'il transmettra. Les chauffes moyennes favorisent la production de la vanilline, des lactones et des phénols volatils. ' Au delà, on favorise les notes torréfiées ', indique le professeur Dubourdieu.