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Rivesaltes frôle la crise de nerfs

La vigne - n°84 - janvier 1998 - page 0

Le Roussillon a traversé une année agitée. Le plan de sauvetage de l'appellation Rivesaltes adopté en 1996 a soulevé de vives oppositions.

Le Roussillon a traversé une année agitée. Le plan de sauvetage de l'appellation Rivesaltes adopté en 1996 a soulevé de vives oppositions.

La veille de Noël 1996 paraît au Journal officiel un arrêté urgent. Il repousse de six mois la libération des rivesaltes et grands-roussillons du millésime 1995. Il était temps que ce texte sorte : huit jours plus tard, les vins étaient autorisés à la vente. Leurs producteurs devront attendre jusqu'au 1er juillet pour mettre leurs vins sur le marché. Tous les négociants se plient à la nouvelle règle, sauf un : la Socodivin.Gilbert Conte, l'un de ses gérants, attaque l'arrêté devant un tribunal administratif pour plusieurs motifs.Ce négociant s'approvisionnera auprès d'une vingtaine de caves coopératives et particulières. Normalement, il aurait dû s'acquitter, en plus des cotisations volontaires obligatoires, d'un supplément de 50 F/hl. Il refuse de le faire. Il enraye ainsi un volet essentiel du plan Rivesaltes qui avait été officiellement adopté en décembre 1996. Le prélèvement supplémentaire sert à financer le gel d'une partie des surfaces de cette appellation qui produit plus qu'elle ne vend. Non content de le refuser, Gilbert Conte l'attaque en justice.Des affaires se font entre lui et ses fournisseurs. Quelques mois s'écoulent jusqu'à ce que les douanes mettent le holà à ce commerce et saisissent à leur tour les tribunaux, cette fois pour ventes illicites. Entre temps, la tension est montée. Les autres acheteurs se demandent pourquoi ils paieraient la cotisation supplémentaire alors que leur concurrent refuse de le faire. Le plan de sauvetage, qui a déjà subi une avarie avec la défection de Maury, risque de sombrer. Les responsables syndicaux qui l'ont conçu ou soutenu demandent à leurs adhérents de se mobiliser pour faire pression sur ceux qui ne s'y plient pas. Mi-juin, près de 1 500 manifestants descendent dans les rues de Perpignan.Un mois plus tôt, une association loi 1901 tenait sa réunion inaugurale et le faisait savoir en invitant la presse. Elle a pris le nom de Comité interprofessionnel pour la défense et la promotion des vins doux naturels (CIDPVDN). Sur place, on l'appelle rapidement le Comité bis. On ne connaît pas ses adhérents. Claude Ortal, son président, refuse d'en communiquer la liste. En revanche, il est plus enclin à expliquer ses motivations et son action. Il s'engage aux côtés de la Socodivin et des vignerons avec lesquels elle travaille, demande un audit de la gestion du CIVDN et attaque son conseil d'administration. ' C'est l'insatisfaction d'une large part de la production et du négoce, face à une situation désastreuse du marché, qui a conduit à la création de cette nouvelle association ', explique-t-il dans un communiqué.Depuis le début des années quatre-vingt, le rivesaltes et le grand-roussillon ne cessent de décliner. Ces deux vins doux naturels ne parviennent pas à se défaire de leur image de vin cuit pour grands-mères. Ils perdent du terrain en même temps qu'elles vieillissent, car l'habitude de les consommer disparaît avec elles. Seuls quelques domaines parviennent à inverser la tendance avec des produits haut de gamme mais ne représentent qu'une petite part du marché.Avec 250 000 hl produits en 1996, Rivesaltes et Grand Roussillon sont les premières appellations françaises de leur catégorie. Vient ensuite le muscat de Rivesaltes qui connaît un sort plus envié. Son marché s'accroît doucement. Les prix suivent. En moyenne, en 1993-1994, l'hectolitre valait 1 340 F au départ de la propriété. Lors de la campagne passée, il se vendait 100 F plus cher. Les autres appellations de muscat (Saint-Jean de Minervois, Frontignan, Mireval, Lunel et Beaumes de Venise) sont à des prix supérieurs.Il fut un temps où le rivesaltes était considéré comme la sécurité sociale du département des Pyrénées-Orientales : il assurait un revenu confortable et régulier à ses producteurs. Afin d'y revenir, syndicats et interprofession ont conçu un plan en trois volets. Le premier vise à réduire de 30 % les surfaces qui revendiquent l'appellation. A condition de s'engager sur ce taux pendant cinq ans, chaque propriétaire perçoit une compensation de 5 000 F/ha gelé. Cette somme est financée par le prélèvement de 50 F/hl. Pour éviter qu'au bout des cinq ans les vignes retournent dans l'appellation, chaque contractant est incité à se lancer dans le muscat, les côtes-du-roussillon ou les vins de pays. Il a droit à une prime de réencépagement qui est le double de la normale.Le gel a commencé avec la récolte 1996. Aux dires des responsables de l'interprofession, il n'a pas suffi à assainir le marché. L'offre reste excédentaire. Selon les opposants au plan, la première source de ce déséquilibre proviendrait de 1 500 ha de vignes fiscales qu'il suffirait de rayer pour voir la production diminuer. Il s'agit d'une sorte de serpent de mer local qui, une fois de plus, est remonté à la surface. Régulièrement, on parle de parcelles fictives qui serviraient à éponger des excès de rendement. Au cours de l'année, l'Inao a mené une opération de contrôle pour les débusquer. On n'en connaît pas les résultats.Maury n'a pas eu besoin de cela pour se rayer du plan de restructuration. Cette appellation possède un potentiel de 48 000 hl. Jusqu'alors, elle ne vendait que 10 000 hl sous son nom. Le reste était déclassé en rivesaltes. Elle ne le fera plus. La récolte 1996, qui arrive sur le marché en septembre cette année, ainsi que les suivantes seront intégralement vendues sous le nom de Maury. Au coeur du pays des vins doux, on préfère que d'autres, installés sur des terroirs moins propices, lâchent prise les premiers. Voilà beaucoup d'oppositions à un plan qui paraissait faire l'unanimité.' Les gens sont un peu perdus ', reconnaît un responsable syndical. En attendant que les décisions de justice tombent, un fils de pub leur apportera ses lumières. Jacques Séguéla sera l'auteur de la prochaine campagne de publicité qui affirmera les racines catalanes des rivesaltes, qui sont également les siennes. Les messages seront dans cette langue. Reste à savoir si les Français y comprendront quelque chose!

La veille de Noël 1996 paraît au Journal officiel un arrêté urgent. Il repousse de six mois la libération des rivesaltes et grands-roussillons du millésime 1995. Il était temps que ce texte sorte : huit jours plus tard, les vins étaient autorisés à la vente. Leurs producteurs devront attendre jusqu'au 1er juillet pour mettre leurs vins sur le marché. Tous les négociants se plient à la nouvelle règle, sauf un : la Socodivin.Gilbert Conte, l'un de ses gérants, attaque l'arrêté devant un tribunal administratif pour plusieurs motifs.Ce négociant s'approvisionnera auprès d'une vingtaine de caves coopératives et particulières. Normalement, il aurait dû s'acquitter, en plus des cotisations volontaires obligatoires, d'un supplément de 50 F/hl. Il refuse de le faire. Il enraye ainsi un volet essentiel du plan Rivesaltes qui avait été officiellement adopté en décembre 1996. Le prélèvement supplémentaire sert à financer le gel d'une partie des surfaces de cette appellation qui produit plus qu'elle ne vend. Non content de le refuser, Gilbert Conte l'attaque en justice.Des affaires se font entre lui et ses fournisseurs. Quelques mois s'écoulent jusqu'à ce que les douanes mettent le holà à ce commerce et saisissent à leur tour les tribunaux, cette fois pour ventes illicites. Entre temps, la tension est montée. Les autres acheteurs se demandent pourquoi ils paieraient la cotisation supplémentaire alors que leur concurrent refuse de le faire. Le plan de sauvetage, qui a déjà subi une avarie avec la défection de Maury, risque de sombrer. Les responsables syndicaux qui l'ont conçu ou soutenu demandent à leurs adhérents de se mobiliser pour faire pression sur ceux qui ne s'y plient pas. Mi-juin, près de 1 500 manifestants descendent dans les rues de Perpignan.Un mois plus tôt, une association loi 1901 tenait sa réunion inaugurale et le faisait savoir en invitant la presse. Elle a pris le nom de Comité interprofessionnel pour la défense et la promotion des vins doux naturels (CIDPVDN). Sur place, on l'appelle rapidement le Comité bis. On ne connaît pas ses adhérents. Claude Ortal, son président, refuse d'en communiquer la liste. En revanche, il est plus enclin à expliquer ses motivations et son action. Il s'engage aux côtés de la Socodivin et des vignerons avec lesquels elle travaille, demande un audit de la gestion du CIVDN et attaque son conseil d'administration. ' C'est l'insatisfaction d'une large part de la production et du négoce, face à une situation désastreuse du marché, qui a conduit à la création de cette nouvelle association ', explique-t-il dans un communiqué.Depuis le début des années quatre-vingt, le rivesaltes et le grand-roussillon ne cessent de décliner. Ces deux vins doux naturels ne parviennent pas à se défaire de leur image de vin cuit pour grands-mères. Ils perdent du terrain en même temps qu'elles vieillissent, car l'habitude de les consommer disparaît avec elles. Seuls quelques domaines parviennent à inverser la tendance avec des produits haut de gamme mais ne représentent qu'une petite part du marché.Avec 250 000 hl produits en 1996, Rivesaltes et Grand Roussillon sont les premières appellations françaises de leur catégorie. Vient ensuite le muscat de Rivesaltes qui connaît un sort plus envié. Son marché s'accroît doucement. Les prix suivent. En moyenne, en 1993-1994, l'hectolitre valait 1 340 F au départ de la propriété. Lors de la campagne passée, il se vendait 100 F plus cher. Les autres appellations de muscat (Saint-Jean de Minervois, Frontignan, Mireval, Lunel et Beaumes de Venise) sont à des prix supérieurs.Il fut un temps où le rivesaltes était considéré comme la sécurité sociale du département des Pyrénées-Orientales : il assurait un revenu confortable et régulier à ses producteurs. Afin d'y revenir, syndicats et interprofession ont conçu un plan en trois volets. Le premier vise à réduire de 30 % les surfaces qui revendiquent l'appellation. A condition de s'engager sur ce taux pendant cinq ans, chaque propriétaire perçoit une compensation de 5 000 F/ha gelé. Cette somme est financée par le prélèvement de 50 F/hl. Pour éviter qu'au bout des cinq ans les vignes retournent dans l'appellation, chaque contractant est incité à se lancer dans le muscat, les côtes-du-roussillon ou les vins de pays. Il a droit à une prime de réencépagement qui est le double de la normale.Le gel a commencé avec la récolte 1996. Aux dires des responsables de l'interprofession, il n'a pas suffi à assainir le marché. L'offre reste excédentaire. Selon les opposants au plan, la première source de ce déséquilibre proviendrait de 1 500 ha de vignes fiscales qu'il suffirait de rayer pour voir la production diminuer. Il s'agit d'une sorte de serpent de mer local qui, une fois de plus, est remonté à la surface. Régulièrement, on parle de parcelles fictives qui serviraient à éponger des excès de rendement. Au cours de l'année, l'Inao a mené une opération de contrôle pour les débusquer. On n'en connaît pas les résultats.Maury n'a pas eu besoin de cela pour se rayer du plan de restructuration. Cette appellation possède un potentiel de 48 000 hl. Jusqu'alors, elle ne vendait que 10 000 hl sous son nom. Le reste était déclassé en rivesaltes. Elle ne le fera plus. La récolte 1996, qui arrive sur le marché en septembre cette année, ainsi que les suivantes seront intégralement vendues sous le nom de Maury. Au coeur du pays des vins doux, on préfère que d'autres, installés sur des terroirs moins propices, lâchent prise les premiers. Voilà beaucoup d'oppositions à un plan qui paraissait faire l'unanimité.' Les gens sont un peu perdus ', reconnaît un responsable syndical. En attendant que les décisions de justice tombent, un fils de pub leur apportera ses lumières. Jacques Séguéla sera l'auteur de la prochaine campagne de publicité qui affirmera les racines catalanes des rivesaltes, qui sont également les siennes. Les messages seront dans cette langue. Reste à savoir si les Français y comprendront quelque chose!

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