Le printemps arrive. La végétation reprend ses droits dans les vignes. Gare à ne pas se laisser déborder par les couverts semés dans les interrangs ! Le moment venu, il faut les détruire. Par roulage, broyage, tonte ou enfouissement ? Avant de se lancer, mieux vaut se poser les bonnes questions.
« Tout dépend des objectifs que l'on se fixe : lutte contre l'érosion, structuration du sol par le système racinaire, apport d'azote ou de matière organique », explique Éric Maille, technicien viticole à AgroBio Périgord. Lorsqu'on recherche des apports rapides de matière organique ou d'azote, il faut tondre ou broyer finement la biomasse. Dans les autres cas, un simple roulage sera suffisant.
Mais avant que les viticulteurs n'interviennent, Éric Maille leur suggère de se poser deux questions : le couvert en place maintient-il une hygrométrie favorable aux maladies ? Gêne-t-il le passage du pulvérisateur pour un traitement ? « Si la réponse est non aux deux questions, rien ne sert d'intervenir. De plus, on maintient de la biodiversité dans les vignes en laissant le couvert se développer », ajoute-t-il.
Quant au coût, « pour un broyage et un enfouissement, la consommation en carburant sera d'environ 10 l/ha, soit dix fois plus qu'un simple roulage », avertit Christophe Gaviglio, expert en machinisme à l'IFV. Éric Maille raisonne en tenant compte de l'équipement des viticulteurs : « Certes, le Rolofaca consomme peu, admet-il. Mais peu de viticulteurs en possède. Il s'agit donc d'un investissement. Un gyrobroyeur ou une tondeuse, tout le monde en a. Mieux vaut s'en servir tout en limitant au maximum le nombre de passages pour réduire les coûts. »
Le choix des techniques de destruction des couverts n'est donc pas simple. À chaque méthode, ses contraintes et ses avantages. Et le sujet fait encore débat entre les techniciens viticoles.
Le roulage
Rapide et économique
Les Rolofaca ont la cote. Faciles d'utilisation et économiques, ils s'emploient pour la création d'un mulch dans les interrangs sans aucun travail du sol. Si cette méthode s'avère efficace sur des plantes à tiges cassantes et creuses comme la féverole, elle se révèle plus périlleuse face à un couvert de céréales. Après le passage du rouleau, elles ont en effet tendance à se relever au risque de terminer leur cycle végétatif et de monter en graines. Mais pour Thierry Massol, conseiller viticole à la chambre d'agriculture du Tarn, rien ne vaut le roulage : « Pour gagner en efficacité, je conseille systématiquement d'installer les rouleaux à l'avant des tracteurs pour éviter que les roues ne couchent la végétation. Dans ce cas, le rouleau hache davantage la végétation pour stopper les flux de sève et le couvert ne se relève pas. »
Des viticulteurs procèdent autrement. Ils attellent leur rouleau à l'arrière de leur tracteur et l'utilisent durant toute la saison des travaux en vert pour limiter la végétation. « Certains ajoutent même des poids sur l'outil pour plus d'efficacité. Mais je ne pense pas que ce soit sans effet sur le compactage des sols », prévient Éric Maille. Selon Thierry Massol, le risque de compactage par le roulage reste moindre qu'avec un travail du sol, même léger : « Un sol non travaillé est plus aéré. Il présente un réseau racinaire développé grâce au couvert et à une vie microbienne riche. »
Quant à l'effet mulch visé par ceux qui pratiquent le roulage, les techniciens viticoles restent prudents. « Un mulch de féverole, c'est surtout de l'eau et du vide. Avec ses tiges creuses, la féverole se dégrade rapidement », constate Christophe Gaviglio. Éric Maille partage les mêmes doutes : « Je ne suis pas convaincu de l'effet mulch. Bien souvent, le couvert est peu épais, la lumière passe encore au travers et le vent assèche le sol. »
Le broyage
Pour empêcher toute repousse
L'usage d'une tondeuse, d'un gyrobroyeur ou d'un broyeur à axe horizontal procure le même résultat. La seule différence tient dans la taille du broyat obtenu. Le gyrobroyeur ou la tondeuse permettent l'obtention d'un broyat plus fin que les broyeurs à marteaux ou à fléaux. Par rapport au roulage, ces méthodes accélèrent la dégradation de la matière organique du couvert et interdisent plus sûrement toute éventuelle repousse.
« Mais ça ne sert à rien de broyer le couvert à ras, souligne Éric Maille. Même si cela reste encore difficile à accepter psychologiquement pour certains viticulteurs, une coupe à 8 ou 10 cm suffit. D'une part, on maintient de la biodiversité. Et d'autre part, on contient la végétation tout en limitant l'effet splash des pluies. Les gouttes d'eau ne rebondissent pas sur le sol lorsqu'il pleut. On évite ainsi une éventuelle contamination du sol à la vigne par le mildiou. »
L'enfouissement
Pour dégrader la matière organique
Quelques jours après une tonte ou un broyage, il est possible d'opter pour un léger enfouissement de la matière végétale sur 2 ou 3 cm. On accélère ainsi la dégradation de la matière organique en la mettant à la disposition des micro-organismes et de la microfaune du sol. « Le problème, c'est que l'enfouissement va générer un effet de boost sur la vigne. C'est-à-dire qu'elle va rapidement disposer de l'azote libéré par la matière organique du couvert. Et à long terme, à force de travailler le sol, on minéralise aussi l'azote déjà présent dans le sol », avertit Thierry Massol.
Dans tous les cas, rien ne sert d'enfouir de la matière végétale fraîche dans des conditions anaérobies. En pareil cas, elle se minéralise et n'apporte aucune matière organique au sol.
Pour ne pas compromettre le passage d'un engin dans les vignes après enfouissement, des viticulteurs ne travaillent qu'un rang sur deux ou sur trois afin de garder de la portance dans les rangs de passage des tracteurs. Ils peuvent ensuite changer le rang travaillé l'année suivante pour limiter le compactage du sol dans le rang de passage.
Mais l'enfouissement du couvert fait débat, notamment avec les défenseurs des techniques sans labour.i
Visez le maximum de biomasse !
Thierry Massol conseille de semer le plus tôt possible les couverts hivernaux. Pour ce chargé d'un réseau Dephy à la chambre d'agriculture du Tarn, « le but est d'obtenir le maximum de biomasse au moment de la destruction du couvert. Son réseau racinaire sera alors bien développé et, en surface, l'effet mulch souhaité n'en sera que meilleur ». Le conseiller préconise donc un semis réalisé fin août ou début septembre, avant les vendanges. « Le passage d'une machine à vendanger ou d'une équipe de vendangeurs ne gênera pas la levée du couvert », indique Thierry Massol. Et dans tous les cas, les viticulteurs devront détruire ces couverts en avril avant que la végétation ne puisse gêner les engins de pulvérisation ou le travail des opérateurs qui effectuent les travaux en vert.