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DOSSIER - Marché foncier : le tour des vignobles

ROUSSILLON Des acheteurs vigilants sur la rentabilité

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°293 - janvier 2017 - page 32

Le marché foncier s'active. De nouveaux vignerons s'installent. Et ceux qui sont déjà en place misent sur des vignes situées sur des sols profonds ou irrigués pour améliorer leurs rendements.
Les vignerons recherchent des parcelles bien structurées. © P. ROY

Les vignerons recherchent des parcelles bien structurées. © P. ROY

Le marché foncier se réveille dans le Roussillon. « Au cours des trois premiers trimestres de 2016, nous sommes intervenus dans la vente de 200 ha, contre 100 pour la même période en 2015. Et les transactions traitées directement par les notaires ont porté sur 440 ha contre 320 en 2015 », observe François Pourcelot, directeur de la Safer.

Le gros du marché porte sur la vente de parcelles. « La situation économique s'améliore. Il y a une vague de reprises dans le cadre familial, qui s'accompagne d'agrandissements ou de restructurations », note Stéphane Africano, de la chambre d'agriculture.

Les prix ne grimpent pas pour autant. Ils s'établissent entre 5 500 et 15 000 €/ha, en fonction de l'état de la vigne, de son potentiel et du cépage. Ils baissent même pour le muscat car le marché du muscat de Rivesaltes se rétrécit. « L'accessibilité est un critère important. Les petites parcelles isolées ne trouvent plus preneur », constate Philippe Nicolas, notaire dans les Pyrénées-Orientales.

Les acheteurs ne veulent pas perdre de temps sur les routes. « En ce moment, nous recevons des appels de vignerons à la recherche d'îlots en plaine ou en fond de vallée, si possible irrigués. Ce sont des biens rares ! Nous arrivons à en trouver. Mais les arboriculteurs les convoitent aussi et les prix montent jusqu'à 15 000 €/ha », explique François Pourcelot.

Pour répondre à cette demande, il faut acheter des petites parcelles et les restructurer. Les coopératives, soucieuses de sécuriser leurs volumes, s'y activent avec l'aide de la Safer. « Nous venons de constituer un îlot de 5 ha à Claira. Pour y parvenir, il a fallu convaincre dix propriétaires ! », précise-t-il.

Le rendement reste déterminant pour la rentabilité des vignes. Dans la vallée de l'Agly, il peine à dépasser 25 hl/ha. « Ce vignoble coûte cher à travailler. Des acheteurs extérieurs, découragés, sont repartis », constate Michel Veyrier, de Vinea Transaction. D'autres continuent à vouloir s'y installer. « Nous avons des demandes de Bourguignons qui cherchent de beaux terroirs pour les rouges », note François Pourcelot.

La plupart de ces acheteurs veulent des vignes avec du bâti, un bien rare. « Ici, la maison et la cave sont le plus souvent situées dans le village », précise Philippe Nicolas. Malgré tout, des transactions ont lieu. « Nous avons trouvé des repreneurs pour six domaines dont les propriétaires partaient à la retraite », note François Pourcelot.

Des négociants du Languedoc sont aussi sur les rangs. « Ils commencent à prospecter en Roussillon. Cinq d'entre eux nous ont sollicités », ajoute-t-il.

Reste que les vignerons doivent composer avec l'urbanisation et le développement des loisirs. Nombre de propriétaires rêvent de vendre en terrain à bâtir, quitte à laisser la parcelle en friche tant qu'elle n'est pas constructible. D'autres préfèrent vendre à des particuliers en quête d'un terrain de loisirs. Le prix - entre 2 et 3 €/m2 - est attractif. « En 2015, 150 ha ont ainsi changé de vocation. Actuellement, ce phénomène réduit plus la surface agricole que l'urbanisation », déplore-t-il.

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER ? Romain Balmigère, 20 ha à Maury, (Pyrénées-Orientales)

« Oui, si ce sont des îlots bien structurés. Pour m'installer à côté de mon père, j'en ai acheté un de 7 ha à 10 500 €/ha, puis un autre de 5 ha à 12 500 €/ha. Avec 3 ha plantés sur des terres nues et 5 ha en fermage, je suis arrivé à 20 ha. Depuis 2015, nous achetons des landes à 15 km, à Caudiès-de-Fenouillèdes, entre 2 000 et 3 000 €/ha. Les sols y étant plus profonds et le climat plus frais, les rendements seront meilleurs. Pour les planter avec la prime à la restructuration, nous arracherons à Maury des gobelets peu productifs. »

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER ? Patrick et Anne Colmaire, 12 ha à Saint-Hippolyte (Pyrénées-Orientales)

« Non. Les vignes sont trop chères. Leur prix est gonflé par des gens qui achètent pour leur hobby. On nous a proposé récemment une parcelle de muscat à 19 000 €/ha ! Nous préférons acheter des terres nues. Mais ce n'est pas facile à trouver. En 2015, nous avons pu acheter 2 ha de friche à 4 000 €/ha. Nous y avons planté de la syrah dans la foulée. Et nous devrions acheter 3 ha irrigables en 2017, à 4 200 €/ha. Mais il nous faudra débroussailler et tout remettre en état ! »

L'essentiel de l'offre

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