Champagne : Vers 100 % de viticulture écologique
Le CIVC, l'interprofession champenoise, a sorti son référentiel viticulture raisonnée dès 2001. « Nous sommes partis du principe que les efforts de tous ont plus d'effet que les prouesses de quelques-uns. Si nous voulons être efficaces en matière d'environnement, c'est une affaire collective. Notre objectif est donc d'avoir 100 % des exploitants en mouvement », martèle Arnaud Descôtes, responsable environnement du CIVC.
Treize ans après, les effets sont notables : les quantités de pesticides appliquées ont diminué de 50 % en quinze ans, l'enherbement des vignes et de leurs contours s'est développé (doublement des surfaces depuis cinq ans) et la totalité des effluents vinicoles sont traités. Mais, peu à peu, la démarche s'est essoufflée. Et les écarts se sont creusés entre les viticulteurs les plus engagés en faveur de l'environnement et les autres.
En avril dernier, le CIVC a relancé la machine en offrant à ceux qui le souhaite la possibilité de se faire certifier « Viticulture durable en Champagne ». « Nous répondons à la demande de certains professionnels qui désirent une reconnaissance de leurs efforts », justifie Arnaud Descôtes. La démarche repose toujours sur un socle commun : le référentiel technique. Le CIVC l'a remis à jour et il comprend désormais 125 mesures. « Nous avons ajouté quelques points réglementaires (programme d'action nitrates, certiphyto) et de nouvelles préconisations techniques sur les paysages, le bilan carbone, etc. Nous avons également pris en compte les exigences de la certification environnementale des exploitations agricoles mise en place par le gouvernement, ce qui laisse la possibilité à tous les Champenois de demander une double certification : Viticulture durable en Champagne et HVE », précise Arnaud Descôtes.
Le référentiel champenois couvre un périmètre bien plus large que celui de la certification HVE. Il intègre en effet, des exigences liées à la protection des paysages comme par exemple la mise en place de piquets en bois, des exigences liées à la gestion des déchets ou encore à la réduction de l'empreinte carbone. Pour obtenir la certification, il faut respecter au moins 90 % des règles du référentiel : l'intégralité des 91 obligations majeures et au moins 20 des 34 mesures vis-à-vis desquelles les écarts sont jugés mineurs. La certification est valable trois ans. Les contrôles sont réalisés par un organisme indépendant agréé pour la certification environnementale des exploitations agricoles.
Première chose à faire pour les professionnels qui veulent se lancer : apprivoiser le référentiel technique et réaliser leur autodiagnostic. Pour les aider, tous les documents et un tableur Excel sont disponibles sur l'extranet du CIVC. À partir de là, ils peuvent dresser un bilan de leur situation qui distingue, dans leur façon de travailler, les écarts critiques, majeurs et mineurs, par rapport au référentiel, et établir un plan de progrès.
Cette certification est privée et spécifique au vignoble champenois. Le CIVC va encadrer la communication pour éviter la confusion entre les professionnels réellement certifiés et ceux qui appliquent le référentiel sans demander le contrôle d'un organisme tiers. Mais la création d'un logo n'est pas pour l'instant à l'ordre du jour.
Depuis le lancement de cette certification en mai dernier, les deux domaines expérimentaux du CIVC à Chouilly (Marne) et Essoyes (Aube) l'ont obtenue. Même chose pour l'exploitation de Jean-Louis Normand, un viticulteur installé sur la Côte des Bar. Bollinger et le groupe MHCS (Moët & Chandon, Veuve Clicquot) l'ont également décrochée pour leurs vignobles. « Aujourd'hui, nous ne sommes pas loin des 2 000 ha certifiés, soit 6 % du vignoble », se réjouit Arnaud Descôtes. L'interprofession n'a pas d'objectif précis sur le nombre de certifiés. Pour elle, ce qui compte, c'est que 100 % des exploitations sont en marche. Pour suivre leur avancée, elle se fie à deux indicateurs : le nombre de viticulteurs certifiés et les surfaces correspondantes.
Pour faire activer la cadence, le CIVC va organiser plusieurs réunions dans les villages, les coopératives et les organismes techniques. Il va aussi contacter les fournisseurs, les fabricants et les concessionnaires de matériels, les prestataires de services et les lycées viticoles. Côté moyens, l'interprofession a dédié un chef de projet à plein temps sur la démarche. Et, elle compte sur ses partenaires pour promouvoir également cette certification. « Nous allons signer des conventions avec la chambre d'agriculture de la Marne et avec d'autres partenaires pour qu'ils organisent des formations à l'auto-évaluation », rapporte Arnaud Descôtes.
Bordeaux : 300 entreprises engagées dans le SME
12 500 ha du vignoble bordelais, soit 11 % de la surface totale, sont engagés dans le SME (Système de management environnemental). C'est en 2010 que le CIVB, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, lance cet outil de gestion. Le projet a démarré avec un groupe pilote de 28 entreprises. Aujourd'hui, elles sont trois cents, propriétés viticoles, coopératives et maisons de négoces à avoir intégré la démarche. L'objectif ? Diminuer l'impact d'une exploitation sur l'environnement tout en améliorant ses performances globales.
Le système repose sur plusieurs piliers. D'une part, les entreprises intègrent un groupe de travail et sont suivies par l'un des vingt animateurs formés et accrédités par le CIVB, avec, au programme, des visites techniques, formations et audits croisés entre les entreprises. Le but étant d'améliorer les pratiques et d'échanger les expériences. D'autre part, le CIVB met à leur disposition des outils informatiques en ligne. Ainsi, une plateforme leur permet d'accéder à de la veille réglementaire, à une grille de diagnostic, à des indicateurs sur la consommation d'eau et d'énergie. De même, ils ont accès au SIG (Système d'information géographique) du vin de Bordeaux. Il s'agit d'un atlas environnemental en ligne qui permet d'identifier notamment les points d'eau, les zones de biodiversité, les points sensibles à préserver sur son exploitation.
Après avoir fait réaliser un diagnostic environnemental par un cabinet-conseil extérieur, chaque entreprise élabore un plan d'action. Celles qui le souhaitent peuvent aller jusqu'à la certification Iso 14 001. Pour l'obtenir, les 28 entreprises pionnières se sont réunies dans une association baptisée « Première association pour le SME du vin de Bordeaux ». En juin 2011, elle a été certifiée Iso 14 001. Aujourd'hui, elle regroupe 122 PME. En février dernier, l'association a recruté Jeanne Chaumont, une ingénieure agronome pour accompagner les nouveaux venus vers l'Iso 14 001. « Ce qui est frappant c'est le côté collectif de la démarche. Il y a beaucoup d'échanges d'expériences et de compétences entre les entreprises. La mutualisation des bonnes pratiques est réelle. En fait, tout le monde va dans le même sens mais chacun à son rythme », indique-t-elle.
Bourgogne : Un autodiagnostic de développement durable
Depuis janvier 2011 et son plan Amplitude 2015, le BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne) fait du développement durable son cheval de bataille. Il a recruté une personne dédiée : Claire Pernet. Et chaque année, il alloue 150 000 euros pour financer à hauteur de 50 % des actions collectives en faveur de la préservation de l'environnement.
Depuis ce printemps, il propose à ses professionnels un autodiagnostic de développement durable, disponible sur son extranet. Domaines, coopératives et maisons peuvent le remplir de manière anonyme. Cela leur permet d'évaluer leurs pratiques vitivinicoles, leur engagement social, la qualité de leurs produits, la satisfaction des clients, leur engagement territorial, sociétal et solidaire, etc. Pour chaque thème, le viticulteur, le négociant ou la cave coopérative évalue ses performances sur une échelle de 1 à 5 (1 = aucune action mise en oeuvre ; 5 = excellence/exemplarité).
Cet outil a avant tout un but pédagogique. « L'objectif est que les professionnels appréhendent les différents thèmes du développement durable, lequel est beaucoup plus vaste que la préservation de l'environnement. Nous souhaitons aussi qu'ils aient accès aux informations sur les bonnes pratiques », explique Claire Pernet. Début octobre, un peu moins d'une cinquantaine de professionnels avaient fait leur autodiagnostic qui peut être un préalable à une certification. Mais le BIVB ne souhaite pas développer sa propre certification, ni inciter les professionnels à aller vers une certification en particulier. Libre à chacun de faire son choix.
Le Point de vue de
Vincent Malherbe, directeur des vignes et des approvisionnements chez Moët & Chandon, à Éperney (Marne)
« Une certification qui prend en compte les spécificités de la Champagne »
« Nous appartenons au groupe LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy) qui a fait du respect de l'environnement l'une de ses priorités. Depuis une dizaine d'années, nous nous sommes engagés dans la démarche viticulture raisonnée et la viticulture durable mise en place par l'interprofession. Nous respectons le référentiel technique et avons accentué nos efforts sur l'enregistrement des pratiques et l'entretien des sols.
Dans 65 à 70 % de nos vignes, nous n'utilisons plus d'herbicides. Les interrangs sont enherbés et la ligne des souches est désherbée mécaniquement. Alors que sur l'ensemble de la Champagne, seules 10 à 15 % des vignes sont enherbées. Nous avons acquis quatre tracteurs électriques et les avons équipés de broyeurs à sarments, de pulvérisateurs et de matériel de travail du sol. Nous avons aussi relevé les plans de palissage pour mieux aérer le feuillage et limiter ainsi l'usage des fongicides. Il y a trois ans, tout notre parc de pulvérisateurs a été changé avec des machines à jet porté et nous faisons vérifier les rampes et la qualité de la pulvérisation au début et au milieu de chaque campagne.
Pour améliorer la biodiversité, nous avons replanté quelques arbres et des arbustes en bordure des vignes, et nous préservons les murs de soutènement, les loges de vigne...
Nous voulions une reconnaissance de tout le travail effectué mais les certifications existantes (Terra Vitis, bio) ne prennent pas en compte les spécificités de la Champagne. Avec d'autres maisons et en collaboration avec le Syndicat général des vignerons, nous avons donc sollicité l'interprofession pour qu'elle rende certifiable sa démarche viticulture durable, ce qu'elle a fait. En juillet, nous avons donc passé l'audit et décroché cette certification et obtenu en parallèle la certification HVE, car nous ne voulions pas être à l'écart de la démarche officielle. Ainsi, aujourd'hui, toutes nos vignes sont certifiées comme celles de Veuve Cliquot qui fait aussi partie du groupe LVMH. Au total, cela fait 1 500 ha. Cette certification est une bonne chose pour la Champagne, c'est un vrai défi technique. C'est une démarche de progrès avec une reconnaissance champenoise de ceux qui font des efforts. Dans les deux ans à venir, toutes les grandes maisons devraient être certifiées. C'est une bonne nouvelle. »
Le Point de vue de
Stéphane Dignac, co-gérant Vignobles Dignac, à Montagne (Gironde), 14 ha en AOC Montagne Saint-Émilion et 3 ha en AOC Pomerol
« J'aimerais que nos clients connaissent davantage le SME »
« En 2005, j'ai quitté mon métier d'éducateur sportif pour m'impliquer dans la propriété familiale conduite en agriculture raisonnée. En 2013, nous avons intégré le SME. C'était une évidence. Outre les hectares de vignes, nous avons 40 ha de bois et de prairies. Cet environnement, comme la pérennité de l'entreprise, me tient à coeur. Dès lors, j'ai voulu faire les choses dans les règles de l'art en matière de démarche environnementale. D'abord, un cabinet conseil extérieur a réalisé un diagnostic sur nos deux propriétés. Il a notamment mis en évidence une consommation très importante d'eau et l'absence d'équipements pour le traitement des effluents viniques et phytosanitaires. Ensuite, j'ai intégré un groupe de travail composé d'une quinzaine de viticulteurs. On discute beaucoup. C'est important. Face à la problématique de l'eau, un collègue m'a conseillé d'adopter un karcher à eau chaude. Cela m'a permis de diviser la consommation par quatre. Avec notre groupe, je suis des formations au travers de visites techniques. Dans le domaine de la sécurité, une journée a été consacrée aux extincteurs. Du coup, j'en ai acheté neuf que j'ai répartis sur nos deux propriétés. Peu à peu, j'ai adopté d'autres pratiques : le recyclage des palettes, le tri sélectif des déchets, l'utilisation de l'eau du puits pour éviter de consommer celle de la commune. J'ai investi dans une plateforme pour laver et remplir mon pulvérisateur dotée du procédé d'Osmofilm qui traite les effluents phytosanitaires par évaporation. J'ai également acquis une cuve pour stocker les effluents de cave. Nous avons été certifiés collectivement Iso 14001 en juillet dernier. On a fourni de gros efforts en termes de temps et d'investissements (au total 30 000 € avec 40 % d'aides). J'aimerais que nos clients connaissent davantage le SME. Il faudrait une campagne de communication pour promouvoir cette démarche. Je ne vais pas arrêter les efforts engagés. En 2015, je vais investir dans un tracteur moins polluant et une charrue pour travailler les sols. On est dans l'amélioration continue. »