CÉPAGES :La réduction des intrants en ligne de mire
Alain Bouquet, un chercheur de l'Inra de Montpellier (Hérault) aujourd'hui décédé, a réalisé de nombreux croisements entre des Vitis vinifera et Muscadinia rotundifolia, une vigne américaine résistante au mildiou et à l'oïdium. « Nous testons ses obtentions depuis plusieurs années. Leur résistance à l'oïdium est quasi totale. Celle au mildiou est plus nuancée. Des plants donnent des vins de bonne qualité. Mais comme il s'agit d'hybrides avec une résistance monogénique (un seul gène de résistance pour le mildiou et un seul gène pour l'oïdium), celle-ci pourrait être facilement contournée par les athogènes. L'Inra a donc décidé de ne pas les diffuser », regrette Emmanuel Rouchaud, de la chambre d'agriculture de l'Aude. L'Inra s'active donc pour obtenir d'autres variétés résistantes dotées de plusieurs gènes de résistance. Les premières pourraient être inscrites au catalogue en 2016.
Autre piste : les variétés tolérantes au mildiou et à l'oïdium obtenues en Allemagne. Cette année, les chambres d'agriculture de l'Aude et de l'Hérault en ont implanté quatre : le cabernet cantor, le cabernet cortis, le muscaris et le souvignier gris. « Il faut voir comment elles s'adaptent aux conditions méditerranéennes et comment elles se comportent quand la pression de mildiou et d'oïdium est forte », expose Laurent Audeguin, le responsable de la sélection à l'IFV.
Valorisation des cépages étrangers
Les chercheurs vont également travailler sur la résistance au black-rot et aux maladies du bois. Pour ces dernières, « l'idée est de cribler la diversité au sein de différents Vitis, pour voir s'il existe des résistances », ajoute Loïc Le Cunff, de l'IFV.
Un autre axe de travail est la valorisation des cépages étrangers, ces derniers pouvant avoir un intérêt concernant l'adaptation au changement climatique. Ces travaux ont déjà abouti à l'inscription au catalogue d'un clone d'alvarinho, un cépage blanc du Vinho Verde, au Portugal. D'autres travaux sur des cépages grecs, italiens ou de la péninsule ibérique, comme l'agiorgitiko N ou le xynomavro, N sont en cours.
PORTE-GREFFES :Objectif : une nouvelle gamme pour 2020
Là, les recherches portent sur la tolérance à la sécheresse et sur la résistance aux nématodes qui transmettent le virus du court-noué. Bien évidemment, ces porte-greffes devront également contrôler le phylloxéra. « L'idée est de sélectionner et de créer une nouvelle gamme pour 2020 », explique Nathalie Ollat, de l'Inra de Bordeaux (Gironde). Les chercheurs de Bordeaux étudient ainsi les aspects physiologiques et génétiques de la résistance à la sécheresse. En lien avec les centres Inra d'Antibes (Alpes-Maritimes), de Colmar (Haut-Rhin) et de Montpellier, ils travaillent également sur la résistance au court-noué. Le Némadex AB a été inscrit au catalogue fin 2010. « Ce porte-greffe retarde la contamination par le court-noué », affirme Nathalie Ollat. Mais il semble peu adapté aux sols très chlorosants ou séchants. L'idée est donc de créer d'autres porte-greffes plus résistants au court-noué et supportant des conditions plus difficiles.
CLONES : Moins productifs ou plus résistants à la pourriture
En Gironde, la chambre d'agriculture, avec l'Inra et l'IFV, a sélectionné deux nouveaux clones de cabernet sauvignon, agréés fin 2010 sous les numéros 1 124 et 1 125. Ils sont amenés à remplacer les clones 337 et 191, porteurs de l'enroulement. Ces deux nouveaux clones sont indemnes de ce virus. Ils présentent les mêmes caractéristiques organoleptiques que leurs prédécesseurs, tout en donnant des vins plus riches en anthocyanes. Les premiers plants devraient être disponibles pour les viticulteurs en 2014.
La chambre d'agriculture travaille aussi sur le cabernet franc pour proposer des clones moins productifs, portant de plus petites grappes et de plus petites baies que ceux disponibles aujourd'hui. Les clones 1 166 et 1 167 viennent ainsi d'être inscrits au catalogue. Ils procurent des vins très riches en tanins et en anthocyanes, avec un côté fruité. Ils seront disponibles à partir de 2018. Deux autres clones de cabernet franc encore moins productifs devraient être inscrits au catalogue prochainement. Un clone de petit verdot est également dans les tuyaux. Il procure des petites grappes, composées de petites baies et moins compactes que le clone 400. Il donne des vins très colorés et très riches en tanins.
Dans le Beaujolais, la Sicarex a sélectionné deux clones de gamay à port droit : 1 108 et 1 109. Ils sont peu productifs et présentent des grappes assez lâches et résistantes à la pourriture grise. Ils seront disponibles dans deux ans. Elle a également sélectionné un gamay à baies ovoïdes (en forme d'olive). Comme le rapport pulpe/surface de pellicule est faible, les vins sont concentrés et tanniques. Les raisins sont peu sensibles à la pourriture grise car les grappes sont lâches. Ce clone inscrit au catalogue sous le numéro 1169 sera disponible dans quatre ans. La Sicarex a aussi fait agréer le clone 1170, un gamay d'Auvergne peu fertile mais dont les grappes sont assez grosses. « Dans les tiroirs nous avons encore un clone issu d'un somaclone, c'est-à-dire d'un plant obtenu in vitro par culture de cellules de l'inflorescence, indique Jean-Michel Desperrier, de la Sicarex. Il est peu productif et donne des grappes très lâches et très résistantes à la pourriture grise. Sa maturité est retardée de quinze jours, donc il pourrait être intéressant par rapport au réchauffement du climat. »
Regain d'intérêt pour l'arbane et le petit meslier en Champagne
En Champagne, le CIVC a relancé des prospections dans les vieilles parcelles d'arbane et de petit meslier, deux cépages inscrits dans le cahier des charges de l'AOC mais peu multipliés. « Il n'y a pas de clone agréé pour l'arbane et qu'un seul de petit meslier, précise Géraldine Uriel, du CIVC. Ces cépages ont des rendements limités et un cycle végétatif long. Leur maturité est de deuxième époque, soit en moyenne une à deux semaines après le pinot noir, le chardonnay et le meunier. En toute logique, il faudrait les vendanger plus tard pour qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. En assemblage, ils peuvent être intéressants car ils gardent bien l'acidité. » Aujourd'hui, le CIVC a sélectionné une centaine de ceps de petit meslier et une trentaine de ceps d'arbane. Il va réaliser les tests sanitaires et mettre ceux qui sont sains en collection pour les étudier. Des cépages qui pourraient revenir au goût du jour à cause du réchauffement climatique.
1 700 clones agréés conservés au domaine de l'Espiguette
Le domaine de l'Espiguette, implanté sur le site de l'IFV au Grau-du- Roi (Gard), couvre 80 ha dont 40 ha sont plantés en vignes et en pépinières. Sa mission principale est la conservation du matériel végétal. Le conservatoire comprend ainsi 1 700 clones agréés. Chaque tête de clone est conservée sous la forme de dix souches pour les Vitis vinifera. Les porte-greffes sont conservés sous la forme de cinq souches. Le conservatoire est implanté dans les sables du littoral pour s'affranchir du phylloxéra et du court-noué. Les têtes de clone sont regroupées dans des clos de huit rangs chacun et de 200 souches. Les clos sont séparés par des haies de canne à sucre pour lutter contre l'érosion. L'ensemble des clones agréés est aussi conservé en culture hors sol, sous serres anti-insectes. Le conservatoire comprend également près de 4 000 clones non agréés représentant plus de 580 variétés différentes, conservés pour préserver le patrimoine génétique.