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VIN

Œnologie : la recherche porte ses fruits

Marine Balue - La vigne - n°229 - mars 2011 - page 60

Plusieurs thèses ont été soutenues fin 2010, à Bordeaux. Ces travaux ont été présentés début février lors d'une réunion organisée pour les viticulteurs.
SULFITES. Des chercheurs ont mis au point un traitement à base de polymère de vinylbenzène qui limite la part de dioxyde de soufre combiné dans les vins. Il permet de libérer du SO2 pour protéger le vin, tout en limitant la teneur en SO2 total. © C. WATIER

SULFITES. Des chercheurs ont mis au point un traitement à base de polymère de vinylbenzène qui limite la part de dioxyde de soufre combiné dans les vins. Il permet de libérer du SO2 pour protéger le vin, tout en limitant la teneur en SO2 total. © C. WATIER

Début février, lors de la dixième journée technique du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, des chercheurs ont dévoilé les résultats de plusieurs thèses d'œnologie soutenues fin 2010. Voici les découvertes les plus marquantes.

VINS BLANCS : Les tanins peuvent détériorer des arômes

Certains tanins des raisins blancs se combinent aux thiols des vins, ces composés présents dans de nombreux cépages et responsables des arômes typiques du sauvignon. C'est ce qu'a mis en évidence Maria Nikolantonaki, dans sa thèse réalisée à l'Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV).

Au pressurage, les flavanols, les tanins en question, sont extraits de la pellicule du raisin. Plus tard, dans les vins, ces composés peuvent former des « pièges à thiols », en réagissant avec l'oxygène.

Pour montrer cela, la chercheuse a ajouté deux types de flavanols, catéchine et épicatéchine, à des vins de sauvignon lors de la mise en bouteille. Les teneurs en 3SH, un thiol à l'odeur de pamplemousse, ont diminué plus fortement dans ces vins que dans les témoins. Après un an, ils possédaient 45 % de 3SH en moins que les témoins. La perte d'arômes a été plus rapide dans les bouteilles fermées avec un bouchon synthétique qu'avec une capsule à vis.

Séparer les fins de presse

En outre, elle a comparé le pressurage de sauvignon d'une part sous inertage à l'azote et d'autre part, en présence d'oxygène. Les moûts d'égouttage contiennent des quantités en flavanols similaires. En revanche, les jus à l'abri de l'oxygène sont plus chargés en flavanols, surtout ceux de la fin du pressurage. De plus, les vins qui sont issus de pressurage inerté sont plus riches en thiols. C'est moins le cas pour les fins de presse. Toutefois, comme ils contiennent plus de flavanols, ils sont susceptibles de perdre plus rapidement ces arômes en bouteille. « D'où l'intérêt de mesurer les teneurs en flavanols dans les moûts blancs et de travailler séparément les jus de fin de presse », souligne Philippe Dariet, le chercheur de la faculté de Bordeaux qui a encadré cette thèse.

ÉLEVAGE : Plus de tanins avec les fûts

« Les vins rouges élevés en barriques neuves renferment quatre fois plus de tanins du bois que les mêmes vins élevés en cuves inox avec des copeaux de bois », a exposé Mickaël Jourdes, qui vient de terminer sa thèse à l'ISVV. Ce jeune chercheur a comparé l'effet de la barrique et de copeaux de deux tailles différentes sur l'extraction des tanins du bois, encore dénommés ellagitanins. Il a réalisé ses essais sur du merlot et du cabernet-sauvignon de 2008. Il a constaté que l'extraction est beaucoup plus rapide avec les copeaux, employés à 2,5 g/hl, surtout les plus petits. En cuve, il a fallu un mois ou deux pour atteindre le maximum de tanins extraits, contre trois ou quatre mois après un entonnage. Mais, quel que soit le cépage testé, la quantité d'ellagitanins apportée au vin est toujours bien plus élevée avec la barrique.

CONSERVATION : Un collage limite la combinaison du SO2

Deux thèses ont permis de mettre au point un traitement pour réduire les teneurs en dioxyde de soufre total dans les vins. Il s'agit de limiter la part de SO2 combiné, tout en conservant suffisamment de SO2 libre pour protéger les vins.

Les chercheurs ont testé des microbilles de polymère de vinylbenzène. Sur vins liquoreux, grâce à un traitement de deux semaines avec quelques grammes de polymère par litre, sans agitation, les quantités de SO2 total ont pu être abaissées au maximum de 330 à 210 mg/l, quand le SO2 libre a pu augmenter de 34 mg/l. Le traitement a été également efficace sur vins blancs secs et vins rouges. Il n'a pas modifié la composition du vin (sauf les teneurs en SO2), ni ses propriétés gustatives, cela jusqu'à douze mois de conservation. Le polymère fixe les composés carbonylés du vin qui combinent fortement le SO2. Ce faisant, il libère du SO2. « Malgré des analyses très fines, nous n'avons détecté aucun résidu qui puisse avoir un impact sur la santé, après traitement et élimination du polymère », précise Jean-Christophe Barbe, chercheur à l'ISVV.

Une thèse en cours met en évidence des résultats similaires et très prometteurs avec des polymères de lignine.

SUCROSITÉ : Les levures et le bois y participent

Certains vins secs, qui ne contiennent pas, ou très peu, de sucres paraissent sucrés. Axel Marchal, lors de sa thèse menée à l'ISVV, a identifié plusieurs molécules à l'origine de cette « sucrosité sans sucre » : les unes issues des levures, les autres du bois de chêne.

Il a d'abord introduit des quantités croissantes de levures à un même vin rouge. Après dix jours de conservation en bouteille, un panel de dégustateurs a classé les vins selon leur sucrosité celle-ci augmente avec la quantité de levures ajoutée. Le chercheur a alors mis en évidence que les levures qui produisent la protéine Hsp12 ont un impact significatif sur la sucrosité des vins secs. Les peptides issus de cette protéine sont donc à l'origine d'une saveur sucrée.

Par ailleurs, à la dégustation, des vins de sauvignon blanc ont montré une sucrosité d'autant plus importante qu'ils ont été vinifiés et élevés dans une cuve inox, une cuve en bois neuve, une barrique d'un an ou une barrique neuve. Grâce à une nouvelle technique d'analyse, la « gustatométrie », Axel Marchal a identifié des molécules non volatiles, présentant une saveur douce : des quercotriter-pénosides (QTT). Comme leur nom l'indique, elles sont issues du bois de chêne.

DÉGUSTATION : On peut s'améliorer

Selon Sophie Tempère, les dégustateurs ont une sensibilité variable aux différents arômes. Certaines personnes présentent une hypersensibilité à un arôme quand d'autres, au contraire, ne le perçoivent pas (voir « La Vigne » n° 224, p. 46).

Pour améliorer les performances des professionnels, Sophie Tempère a testé plusieurs méthodes d'entraînement, dont une très efficace, simple et peu coûteuse. Elle a sélectionné des dégustateurs peu sensibles à un arôme. Ils ont respiré un échantillon de cet arôme à forte concentration, de façon répétée, sur une période plus ou moins longue. Par exemple, vingt-et-une personnes ont senti du diacétyle, à l'odeur beurrée, tous les jours pendant un mois. Leur sensibilité au diacétyle a été presque dix fois améliorée. Sophie Tempère a répété le même exercice avec des dégustateurs ayant des difficultés avec d'autres arômes. Leur sensibilité a été multipliée par dix en moyenne. En outre, moins ils étaient sensibles au départ, plus l'entraînement a été efficace.

Bon début pour le SME en Gironde

Pour Eva Mondini, du service technique du CIVB, la première année du système de management environnemental (SME) à Bordeaux a été une vraie réussite. En 2010, un groupe pilote de vingt-cinq entreprises (propriétés, coopératives et négociants) a testé le SME. Le principe est de mettre en commun les ressources humaines et financières des participants, pour essayer de diminuer son impact sur l'environnement.

Après un diagnostic des points faibles des entreprises, chacune doit désigner un responsable du SME, se fixer des objectifs, préciser les actions qu'elle va mettre en œuvre pour s'améliorer et contrôler l'avancée du plan d'action.

« Les membres du groupe doivent obtenir leur certification Iso 14 001 (management environnemental) en mai 2011 », s'enthousiasme Eva Mondini. La technicienne appelle les entreprises volontaires à contacter le CIVB. Elle souligne que l'interprofession a formé quinze personnes pour les suivre et mis plusieurs outils très pratiques en ligne : diagnostic environnemental, veille réglementaire, calculs d'indicateurs de performance…

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