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Trois opérateurs testent les préférences des consommateurs

La vigne - n°149 - décembre 2003 - page 0

La cave de Crouseilles adapte le profil d'un vin avant de le lancer. Les Vignerons de la Méditerranée ajustent le positionnement de leur Cuvée mythique. Chinon va modifier sa communication. Tous trois ont sondé leurs consommateurs selon des méthodes de marketing.

'Avant de décliner notre madiran Carte d'or en haut de gamme, nous avons fait une enquête auprès des consommateurs. La cuvée testée a été jugée trop dure. Nous en avons donc modifié le profil pour proposer un vin plus souple. Dès la première année, nous en avons vendu 150 000 cols sous la marque Grande réserve d'or. Si nous n'avions pas fait ces adaptations, nous aurions touché moins de consommateurs ', explique Eric Ballade, chef des ventes à la cave de Crouseilles (Pyrénées-Atlantiques), qui fait partie du groupe Plaimont.

Cette coopérative commercialise près de 600 000 cols de madiran sous la marque Carte d'or, qui existe depuis plus de vingt ans. Elle se vend au détail entre 3,50 et 4,00 euros/col, soit 1,00 euros de moins que la Grande réserve d'or. ' L'enquête nous a permis de vérifier que le Carte d'or est toujours en phase avec les attentes des consommateurs. Ils boivent ce vin le midi, le soir, en semaine ou durant le week-end, avec des mets très variés. C'est un produit bien calé par rapport à la demande, nous pouvons envisager de le lancer en Bib ', souligne Evelyne Doumecq-Lacoste, responsable marketing du groupe.
Pour réaliser ce travail, la coopérative a fait appel à une société d'études. Sur un fichier clients établi à l'occasion d'une promotion, elle a recruté 60 consommateurs de la marque et les a rencontrés à leur domicile. Elle les a fait réagir d'abord au goût, puis à la présentation et au prix de deux vins dégustés à l'aveugle. L'un d'entre eux était le madiran Carte d'or. Elle les a aussi fait parler de leurs achats et de leur mode de consommation.
La prestation a coûté près de 15 000 euros. Elle a permis à la cave de Crouseilles de repérer les points forts et les points faibles de sa marque, et de mieux connaître ses consommateurs. ' Les 50 ans et plus tiennent une place importante. Avec la déclinaison en haut de gamme, nous avons cherché à toucher les 35-45 ans pour rajeunir notre clientèle ', explique Eric Ballade.
La présentation de la bouteille a été modifiée, mais la couleur jaune de l'étiquette a été conservée, car elle constitue un repère visuel important pour les acheteurs. De nouveaux outils de communication ont été élaborés. Les suggestions de consommation ne sont plus centrées sur les plats d'hiver, et le visuel évoque la proximité de la montagne. ' Nous devons aider les consommateurs à mieux nous situer géographiquement. Lorsqu'ils savent où le vin est produit, ils se sentent en confiance et ils rachètent plus facilement. '
' Connaître les réactions des consommateurs nous permet de réajuster le positionnement de nos marques. Cela nous donne aussi des arguments pour discuter avec les acheteurs ', explique Juliette Allain, responsable marketing des Vignerons de la Méditerranée, qui fait partie du groupe coopératif Val d'Orbieu.
En 2002 et 2003, deux enquêtes ont été menées en Grande-Bretagne sur la Cuvée mythique. Ce VDP d'Oc, positionné en haut de gamme, décolle à l'export depuis l'an 2000. La première avait pour objet de demander aux Anglais ce qu'il leur évoque, le but étant d'élaborer un message pour les séduire. La deuxième, plus complète, a été réalisée sur un échantillon représentatif des consommateurs visés, pour vérifier que les éléments de positionnement du produit étaient cohérents.

' Nous leur avons d'abord demandé de réagir au packaging, l'objectif étant de détecter ce qui facilite ou freine le premier achat. Après la dégustation du vin, nous leur avons reposé les mêmes questions pour évaluer leur perception du rapport qualité-prix et cerner les critères de réachat. Nous les avons aussi interrogés sur le magasin où ils achèteraient ce vin. A partir de ces données, nous allons faire évoluer notre stratégie en 2004. '
Et Chinon va éclaircir sa communication. Le syndicat de cette appellation du Val de Loire a fait appel au laboratoire Grappe, de l'Ecole supérieure d'agriculture (Esa) d'Angers. ' Une appellation doit se regarder en face de temps en temps. Nous avons d'abord fait réaliser un audit du bassin de production pour mieux connaître les opérateurs. Ensuite, nous avons voulu savoir comment les consommateurs perçoivent notre appellation ', explique Jean-Max Manceau, président du syndicat, qui a investi 7 500 euros pour obtenir la réponse. Cette somme a été complétée par l'Onivins et Interloire.
208 personnes, issues de trois régions et constituant un échantillon représentatif des consommateurs de vins de Loire, ont dégusté sept chinons. Ils leur ont attribué une note de 0 à 10. Le jury expert de l'Esa a dégusté ces mêmes vins. Il est constitué de 15 personnes entraînées chaque semaine à évaluer des vins au moyen d'une vingtaine de descripteurs.

' Pour expliquer les goûts des consommateurs, nous avons utilisé la cartographie des préférences, une méthode statistique qui permet de relier leurs appréciations avec les profils sensoriels établis par le jury expert ', explique Catherine Thibault, du laboratoire Grappe.
Les consommateurs ont bien perçu l'existence de deux profils au sein de l'appellation : l'un correspond à des vins complexes, aromatiques et colorés, l'autre à des vins plus légers et plus fruités. ' Il y a des consommateurs pour les deux. Il n'y a pas de raison de changer. Mais nous devons trouver une façon plus claire de communiquer, qui tienne compte de la diversité de l'AOC ', affirme Jean-Max Manceau.
Pour être bien compris des consommateurs, mieux vaut utiliser leur vocabulaire. ' Au cours de l'enquête, nous les avons interrogés sur leurs habitudes d'achat, sur leur relation avec le vin et sur les images qu'évoque l'AOC Chinon. Nous avons ainsi généré un vocabulaire qui pourra être repris pour construire un argumentaire ', précise Catherine Thibault.
La démarche, encore peu utilisée dans le secteur, a suscité de l'intérêt. Plusieurs appellations envisagent de faire appel à la cartographie des préférences et à l'analyse sensorielle. Cet outil a été retenu dans le programme européen Typic, mis en place sur 2003-2006 pour définir la notion de typicité. Les exercices pratiques porteront sur le jambon sec et le vin. Alléchant programme !

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