Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2003

A Marcillac en 1830

La vigne - n°145 - juillet 2003 - page 0

Au XVIII siècle, le vignoble de Marcillac couvre 2 000 ha. L'accroissement de la demande incite les vignerons à privilégier les plants productifs au détriment du pinot noir.

Entre Conques et Rodez, sur des pentes de terre rouge baignées par un lacis de rivières, le Vallon, région aveyronnaise qui produit le marcillac, jouit déjà d'une forte personnalité, vers 1830. Au centre de ces vallées, la commune de Valady et, tout autour, près de 2 000 ha de vignes. Ces terres sont exploitées par des petits propriétaires, en faire-valoir direct. Elles attisent la convoitise de la bourgeoisie de Rodez. Longtemps isolé, le vignoble de Marcillac-Vallon, dans le Rouergue, bénéficie des routes créées à la fin du XVIII e siècle.

Deux types de sols : le rougier et l'aubugue. Le premier, issu du sous-sol calcaire ou gréseux, est coloré en rouge par le fer. Il a alors la réputation de donner le meilleur vin et le plus coloré. Le second, décomposition de la roche argilo-calcaire, a la couleur grise de l'argile. Peu de vins blancs sont produits, mais beaucoup de vins rouges à la couleur très foncée.
Sur les pentes raides, on se préserve du ruissellement par des fossés appelés capalières, les rigoles étant les capes pratiquées le long des murs de soutènement, dits murailles. A l'époque, la vigne fait vivre plus de 1 500 familles, alors que les plateaux calcaires, voués aux céréales, n'en font subsister que 400.
Le crottin des moutons est le fumier le plus employé. Les bourgeois donnent leurs vignes à prix-fait à des ouvriers, qui sont rémunérés de 5 à 7 F par journée de vigne de 5 ares, en argent, en seigle et en vin. Au besoin, le prix-faiteur est secondé par une aide à l'année, le vicaire.
Les cépages préférés sont le menu, nom local du pinot noir, considéré comme le meilleur, mais le moins productif, et le mansois (le fer servadou). En revanche, on n'apprécie pas le mouyssaguès qui mûrit plus tôt, mais qui donne un vin abondant et médiocre, à la saveur douceâtre. C'est le plant du pauvre, l'apanage des petits vignerons.
Les vendanges ont lieu du 10 au 30 octobre, et le raisin n'a pas toujours acquis une parfaite maturité. Il est porté dans des paniers bilobés, posés sur les deux épaules, la tête formant un axe entre les deux lobes du panier. Chaque panier contient 40 à 45 kg de raisin et repose sur un coussin rembourré. Ce portage est pénible sur les pentes escarpées. Aussi le porteur gagne-t-il 2 F/jour quand le simple vendangeur n'est payé que 0,70 F.
En général, le raisin n'est pas égrappé. Le gabyaire le foule au fur et à mesure dans la cage à trappe (gabio), placée sur la cuve de 40 à 50 hl. On laisse fermenter une dizaine de jours, à cuve ouverte. Quand le temps est frais, il faut ajouter un chaudron de raisin bouillant pour hâter la fermentation. On entre une fois par jour dans la cuve pour achever de fouler le raisin grossièrement écrasé. Si la couleur laisse à désirer, on ajoute des raisins teinturiers. Le vin est mis en pipes de 415 l, la demi-pipe prenant le nom de barrique. On soutire au printemps en transvasant dans des tonneaux soufrés, mais le collage au blanc d'oeuf n'en est qu'à ses débuts. C'est l'affaire des gros propriétaires.
En 1830, le vin de Marcillac est déjà connu à Paris. C'est ce que dit un Rouergat qui en a bu de cinq ans d'âge du coteau de Gradels. Il se conserve longtemps. Avec le vin tiré du menu, on pratique le tonneau perpétuel, conservé cinq ans, que l'on remplit de vin nouveau au fur et à mesure qu'on le vide.

Au XIX e siècle, la demande s'accroît et la qualité tend à disparaître. Le petit propriétaire cherche à produire le plus possible (45 hl/ha, rendement exceptionnel pour l'époque) avec de mauvais cépages, dits plants mous, qui donnent des vins plats tournant au gras ou à l'aigre. C'est qu'à proximité de Marcillac, il y a un débouché facile avec Decazeville, ville alors en plein essor avec ses houillères, ses mineurs et ses forgerons.
Alors que la vigne se vend, en moyenne, 2 500 F/ha. Le propriétaire d'un vignoble de 5 ha, qui a investi 25 000 F bâtiments et matériel compris, produit 225 hl de vin à 12,50 F. Si l'on retranche ses frais de culture (environ 1 600 F), son capital lui rapporte 5 à 6 % par an, chiffre considérable à une époque de monnaie stable.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :