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Le rendement moyen décennal, un système apprécié

La vigne - n°142 - avril 2003 - page 0

Le bilan de dix années d'expérimentation du rendement moyen décennal, à Bordeaux, devrait être présenté au prochain Comité national de l'Inao. Sur place, l'avis est unanime : le dispositif a fait ses preuves. D'autres régions s'y intéressent.

Un système expérimental de fixation du rendement annuel a été mis en place, en 1993 à Bordeaux, par les syndicats, sous le contrôle de l'Inao, le rendement moyen décennal (RMD). Toutes les appellations de la Gironde (sauf AOC Crémant, Entre-deux-Mers, Entre-deux-Mers Haut-Benauge et les liquoreux à coefficient K) y adhèrent.

Lorsque les syndicats viticoles se réunissent pour fixer leur proposition de rendement annuel, ils retiennent, en fonction des événements climatiques et de l'état du vignoble, le chiffre qu'ils estiment convenir le mieux au nouveau millésime. Mais ils prennent aussi en compte les neuf derniers rendements autorisés. La somme des rendements autorisés les neuf années précédentes et du rendement de l'année ne doit pas dépasser dix fois le rendement moyen décennal.
Le RMD s'élève à 68 hl/ha pour le bordeaux blanc sec, 64 hl/ha pour le bordeaux rouge, 62 hl/ha pour le bordeaux supérieur rouge. Ces niveaux ne peuvent pas être dépassés, en moyenne, sur dix ans.
Mais ils peuvent l'être une année donnée, tout en restant inférieurs au rendement butoir. Ainsi, en 2000, les producteurs de bordeaux rouges ont-ils été autorisés à récolter 66 hl/ha. Ce système incite les appellations à faire une proposition modérée les années défavorables, pour se réserver la possibilité de vendanger un volume plus important une année favorable. Il a été imaginé par les professionnels girondins pour éviter les dérives constatées dans les années 80. Il a été mis en place en même temps que le volume substituable individuel (VSI) et le rendement butoir.
Au bout de dix ans d'expérimentation, une commission nationale d'enquête est chargée d'en faire un bilan. Un groupe d'experts de l'Inao s'est rendu à Bordeaux, le 13 janvier. Les conclusions devraient être présentées au Comité national, qui se réunira du 21 au 23 mai. Le rôle de la commission est de définir si l'Inao peut entériner de façon définitive le système pour Bordeaux. Le rendement moyen décennal intéresse d'autres régions viticoles, notamment la Bourgogne, qui avait souhaité l'adopter dès 2002, et le Val de Loire. Une fois validé, elles pourraient l'adopter.
' Le système du rendement de base, qui avait prévalu jusqu'en 1992, fixe des chiffres très bas dans les décrets mais, à quelques exceptions près, ils n'étaient jamais appliqués ', explique Pierre Langlade, ingénieur à l'Inao Bordeaux, en charge des conditions de production. Les Bordelais en avaient assez des interminables discussions avec le comité régional et national de l'Inao. Sous l'impulsion du syndicat Médoc et Haut-Médoc, ils ont décidé de créer un nouveau mode de calcul qu'ils ont proposé de tester, à partir de 1993, sous le contrôle de l'Inao.
Aujourd'hui, le rendement moyen décennal satisfait tout le monde. ' Encore plus sérieux que le système général et globalement plus restrictif, avec un deuxième garde-fou à l'intérieur du rendement butoir ', pense Pierre Langlade.

Selon lui, le premier intérêt du rendement moyen décennal a été de responsabiliser chaque syndicat sur la nécessité de maîtriser les rendements par un système bien cadré, mais qui laisse quand même une liberté de choix. ' C'est un bon régulateur prévisionnel, un bon système qu'il faut maintenir ', déclare Alain Vironneau, président des bordeaux et des bordeaux supérieurs.
' Le rendement moyen décennal permet de mieux gérer les rendements , explique Hubert Bouteiller, viticulteur en Médoc, l'un de ses initiateurs, aujourd'hui président du comité régional de l'Inao. C'est un système de gestion collectif du rapport entre le volume et la qualité, adapté au choix majoritaire de l'appellation. Il oblige les viticulteurs à sélectionner, avec des rendements plus faibles les années médiocres, et permet aux syndicats de se préserver 1 ou 2 hl de plus lorsque le millésime s'annonce superbe. '
Au-delà du rendement annuel, un vigneron peut aller jusqu'au rendement butoir, en faisant jouer le volume substituable individuel. Il peut ainsi récolter davantage du millésime de l'année, à condition de détruire la même quantité de vin plus ancien qu'il détient en cave. Il peut ainsi accroître l'effet de sélection qualitative. ' Aujourd'hui, les syndicats incitent les viticulteurs à bien travailler, en utilisant les deux dispositifs ', souligne Hubert Bouteiller.

Pour Yann Le Goaster, directeur de la Fédération des syndicats des grands vins de Bordeaux, le RMD permet ' de lisser les rendements, d'éviter les à-coups et les abus des années 80, et d'induire une production plus responsable, avec un système de crédit sur un glissement décennal '. La méthode incite à la prudence, à l'anticipation. L'appellation ne se gère plus à court terme, mais à moyen ou long terme. Le RMD apporte aussi une grande souplesse : ' On a vraiment une gestion, par l'appellation, de son rendement, en respectant la hiérarchie des appellations . '
' Avant le RMD, en août, on faisait une réunion dite des sages, avec quelques viticulteurs de l'AOC, du bureau, du conseil d'administration, et on décidait : ce sera tant d'hectolitres par hectare , raconte Nicole Noël, présidente du syndicat de Fronsac. Aujourd'hui, les viticulteurs savent qu'on a un RMD, que sur un bon millésime, on pourra demander 1 ou 2 hl de plus. Le RMD leur permet de gérer raisonnablement leurs parcelles en fonction de ce qu'ils voient, des conditions climatiques... On a une certaine latitude. En 2002, par exemple, où il y a eu de la coulure et du millerandage, on a baissé le rendement annuel afin de permettre une réserve de quelques hectolitres qui pourront être utilisés sur dix ans. Cette année ou l'année prochaine, si la nature nous permet de faire une belle qualité, on pourra demander 2 ou 3 hl de plus. '

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