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Les typhlodromes, des durs à cuire

La vigne - n°133 - juin 2002 - page 0

La lutte obligatoire contre la cicadelle de la flavescence dorée n'a pas de conséquences irrémédiables sur les typhlodromes. S'ils sont nombreux, ils se remettent facilement de l'introduction des organophosphorés, et un peu plus difficilement de celle des pyréthrinoïdes.

Maintenir une population de phytoseiidae, ces acariens prédateurs appelés typhlodromes, constitue une réelle alternative aux acaricides. Beaucoup de vignerons se sont fixés cet objectif. Malheureusement, lorsque la flavescence dorée apparaît, ils sont contraints d'introduire des insecticides toxiques vis-à-vis de ces auxiliaires. Ce changement risque d'anéantir des années d'effort.
Afin de connaître l'impact réel de la lutte obligatoire contre la flavescence dorée, l'ITV de Bordeaux a suivi une vingtaine de parcelles pendant trois campagnes. Lorsque l'arrêté préfectoral de traitement obligatoire a été pris dans le département de la Gironde, un premier prélèvement a été réalisé sur une cinquantaine de parcelles pour évaluer les populations. Au sein de cet échantillon, une vingtaine de parcelles ont été retenues sur lesquelles les typhlodromes étaient bien implantés (une à onze formes mobiles par feuille, en début de saison). Les vignerons ont mis en place l'une des trois stratégies suivantes : trois applications par an d'organophosphorés (Ekalux, Dursban ou Dursbel), trois applications de pyréthrinoïdes (Klartan, Magéos, Orytis, Sigona, Talstar), ou deux organophosphorés et un pyréthrinoïde. Deux parcelles en viticulture bio ont été ajoutées par la suite. Là, du Roténobiol a été employé.

' Les résultats de ces trois années sont assez surprenants, analyse Thierry Coulon, directeur de l'ITV Aquitaine. On craignait que la lutte obligatoire contre la flavescence dorée détruise les auxiliaires et induise une pullulation d'acariens rouges. S'il n'y a pas de scénario unique, les résultats sont néanmoins homogènes au bout de trois ans, sur 80 à 90 % des parcelles. Globalement, il ressort de cette étude que les organophosphorés sont moins toxiques que les pyréthrinoïdes. Ils ont un effet dépressif nul ou moindre sur les auxiliaires. '
En général, lors de leur introduction, les pyréthrinoïdes présentent un effet de choc assez impressionnant. Ils ramènent les populations de dix formes mobiles par feuille à moins d'une. Puis les populations se reconstituent à 50 % la deuxième année, à 75 % la troisième année. Ces résultats étonnants sont toutefois à rapprocher des conditions de départ, où les populations nombreuses maîtrisent aisément les acariens parasites.
Lors du passage d'une stratégie pyréthrinoïde à un programme organophosphoré, les populations se rétablissent. Par ailleurs, ' en agrobiologie, les produits homologués à base de roténone ne sont pas plus doux que les autres : en fin de deuxième campagne, l'effet dépressif sur les prédateurs est net ', remarque Thierry Coulon.
Pour autant, il n'est ' pas question de donner le feu vert pour la mise en oeuvre sans restriction d'organophosphorés ou de pyréthrinoïdes. Chacun doit faire le point sur l'historique phytosanitaire de son vignoble avant d'adopter une politique de traitement ', conseille Thierry Coulon.
Dans le cas où les populations sont peu nombreuses, la consigne est à la prudence la plus extrême. Il faut absolument éviter les spécialités toxiques et, si possible, celles classées moyennement toxiques. En revanche, lorsque les typhlodromes sont nombreux, le panel d'insecticides utilisables est très large. ' Les prédateurs régressent, mais ils peuvent se réinstaller... sous réserve que les premiers prélèvements de 2002 confirment encore ces observations ', dit Thierry Coulon.
Ces observations régionales coïncident avec les données nationales. Sur l'ensemble des vignobles, on assiste à une nette évolution, avec des situations de plus en plus nombreuses où les phytoseiidae sont présents.

Campagne après campagne, les tonnages d'acaricides utilisés diminuent. En fait, on craignait le pire dans les zones de lutte obligatoire contre la flavescence dorée. Or, s'il existe bien des parcelles où les traitements contre la cicadelle jaune ont éradiqué les auxiliaires, ces cas restent minoritaires. Pour expliquer ces bons résultats, ' nous émettons l'hypothèse que se met en place un phénomène de résistance des auxiliaires aux matières actives très utilisées ', analyse Patrice Escaffre, à l'ITV de Bordeaux. Dans plusieurs vignobles, l'existence de souches de typhlodromes résistantes aux pyréthrinoïdes a déjà été démontrée.
De ce fait, faut-il réviser le classement des spécialités commerciales selon leurs effets non intentionnels vis-à-vis des typhlodromes ? ' A priori non , indique Jean-Claude Laurent, de l'ITV d'Orange. La toxicité a déjà été évaluée aux doses homologuées contre les tordeuses. Même si l'on emploie des doses plus faibles pour la flavescence dorée, les passages répétés finissent par avoir raison des typhlodromes. ' Lors des traitements contre les vers de la grappe, il vaut donc mieux continuer à utiliser des produits respectueux de la faune auxiliaire.

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