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La réforme à laquelle on en demande trop

La vigne - n°131 - avril 2002 - page 0

A peine sur les rails, la réforme de la reconversion progressive paraît déjà mal née. A l'origine outil pour reconvertir son encépagement sur trois ans, on voudrait la transformer en accélérateur d'arrachage pour régler la crise des vins de table, voire en préretraite pour les vignerons en fin de carrière.

Comment faire échouer une réforme ? En demandant à un simple outil technique de jouer un rôle qui n'est pas le sien, en l'instrumentalisant pour régler un problème politique de filière. C'est ce qui arrive à la reconversion progressive. Rappel des faits.
En décembre, le conseil de direction de l'Onivins met en place un nouvel instrument : la reconversion progressive. Jusqu'alors, il n'existait qu'une seule modalité de reconversion du vignoble consistant à arracher et à replanter dans la foulée, en touchant la totalité de l'aide au moment de la reconversion. Avec la nouvelle OCM, le système et les montants ont d'ailleurs été revus. Il y a donc des nouveautés à ' digérer ', même si le principe reste le même. En revanche, avec la reconversion progressive, on perçoit une partie de l'aide dès l'arrachage, puis une indemnisation annuelle pour perte de recettes, pendant trois campagnes au maximum, et enfin, l'aide à la replantation en bout de processus quand les cépages améliorateurs sont effectivement en terre. Les deux systèmes coexistent. Le vigneron peut choisir, sachant qu'au final, il touchera la même somme : en moyenne 7 570 euros/ha (49 656 F), avec de nombreux critères (1). Il n'y a donc pas de ' plus ' financier à opter pour la reconversion progressive.

' L'intérêt de cette dernière est essentiellement au niveau de la trésorerie : le producteur touche une partie des fonds dès l'arrachage, puis pendant les années sans production. Il a donc trois ans pour attendre des jours meilleurs et investir dans une plantation. Et pendant ce temps, ce sont autant de volumes qui ne pèsent pas sur les marchés. Si, au bout de la période, le producteur ne replante pas, il rembourse tout. Un dépôt de garantie de 3 070 euros/ha (20 138 F) est prévu. Nous avons toujours été clairs sur le fait qu'il n'y avait pas plus de subventions à la clé ', explique-t-on du côté de l'administration.
Sur le terrain, certains l'ont peut-être cru un peu vite, d'où des malentendus. Si, fin mars, l'arrêté n'était pas encore paru au Journal officiel , les pouvoirs publics publient, depuis plusieurs semaines, des notes d'information sur cette réforme. Les dossiers de demande sont disponibles depuis fin février. ' Le premier bilan n'est pas réalisé. Beaucoup de dossiers ont été retirés, ce qui dénote un intérêt pour la mesure, mais peu sont renvoyés ', indique-t-on.
Beaucoup sur le terrain pensent que la reconversion progressive - comme on vient de la présenter - intéressera peu de monde. En effet, face aux vins de table en crise, notamment dans le Languedoc-Roussillon, elle n'apparaît (elle ne se révèle !) que comme une mesure technique qui ne peut pas avoir pour ambition de régler les questions de fond. Réforme vraisemblablement ' survendue ', elle génère donc une frustration, car les attentes sont d'un autre niveau : arracher pour arrêter définitivement de produire tout en offrant une porte de sortie digne aux vignerons en fin de carrière et qui, manifestement, n'ont pas envie - ni les moyens - de s'endetter en se reconvertissant.

La reconversion progressive est donc mal née, car on souhaite lui confier des habits trop grands pour elle. A tel point qu'avant d'être mise en musique sur le terrain, on veut déjà la modifier !
Ainsi, dans un mémorandum en préparation que les autorités françaises vont aller défendre à Bruxelles (2), il est demandé deux évolutions : un passage de trois à cinq ans de la durée maximale de la reconversion, donc deux ans de plus pendant lesquels le vigneron toucherait l'indemnisation pour pertes de recettes ; la possibilité de transmettre le droit de plantation à la fin de la période, c'est-à-dire ne pas être obligé de planter. Autrement dit : un vigneron s'engagerait dans une reconversion progressive tout en sachant qu'au final, il ne se reconvertira pas ! Pour lui, c'est un moyen de toucher des aides, puis de vendre son droit de plantation, comme une espèce d'aide à la cessation d'activité sur les surfaces concernées, voire de préretraite pour les vignerons âgés. Pour la région, à condition qu'il y ait des acheteurs pour les droits, c'est un moyen de garder son potentiel. Peut-on être plus hypocrite ? Les préretraites agricoles ne sont pas, aujourd'hui, financièrement intéressantes et, politiquement, personne ne veut officiellement remettre sur la table le sujet tabou d'un retour éventuel à l'arrachage définitif, même si la digue vient de céder dans les Pyrénées-Orientales. On charge donc la barque de la reconversion progressive au risque de la faire couler avant même qu'elle ne quitte le port. Il est légitime d'aider les vignerons en difficultés, mais il faut poser les questions clairement et que chacun prenne ses responsabilités pour mettre en place les outils idoines.
Certains sont conscients des limites de la démarche à mener à Bruxelles, sachant que la reconversion progressive est déjà une interprétation française des textes européens. Du coup, parallèlement, ressurgit le concept ' d'arrachage temporaire ' : le vigneron arrache, garde ses droits gelés dans son portefeuille pendant une période à définir, puis replante ou cède ses droits à la bourse régionale. C'est en fait le même principe que la deuxième modification demandée à Bruxelles... mais nous ne serions plus là dans le cadre d'une reconversion mais dans celui d'un arrachage, donc de diminution de potentiel de production, ce qui n'est pas du tout la même démarche.

(1) Pour tous les montants, suivant les cas de figure, voir le nouveau site internet de l'Onivins, plutôt bien fait : www.onivins.fr
(2) Voir pages ' Actualité '.



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