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Entre l'islam et l'arak, le vin veut trouver sa place

La vigne - n°125 - octobre 2001 - page 0

Concurrencé par l'arak, un apéritif anisé, le vin reste minoritaire en Syrie parmi les amateurs d'alcool. Inspirées par le modèle libanais, les autorités cherchent à améliorer la qualité et à produire davantage.

Pays à majorité musulmane, la Syrie n'en garde pas moins une tradition en boisson alcoolique, même si la consommation reste modeste. D'ailleurs, les Syriens ne manquent jamais une occasion de rappeler qu'ils ont inventé le vin voilà 6 000 à 7 000 ans. Depuis, les papilles se sont tournées vers l'arak, un apéritif anisé proche de l'ouzo turc et produit à partir de jus de raisin distillé deux fois, voire trois fois pour les meilleurs. Le vin, bu surtout par les chrétiens, pourrait bien prendre sa revanche si l'on en croit les volontés affichées par les autorités agricoles et industrielles du pays.

Dans un souci d'amélioration de la qualité, la Syrie a demandé une mission d'expertise à la coopération française. Conduite en 1999 par Yves Glories, doyen de la faculté d'oenologie de Bordeaux, celle-ci a mis en évidence le chemin restant à parcourir : la Syrie manque cruellement de compétences en oenologie et en pratiques culturales ; les installations ont besoin d'investissements, notamment en systèmes de thermorégulation. Ici, point de grandes caves ou de châteaux comme au Liban.
Le passé socialiste du régime a largement favorisé la collectivisation. Aujourd'hui, la production est concentrée entre deux caves coopératives : Suweida, sur les plateaux du Hauran, au sud (1 300 et 1 800 m d'altitude) et Homs, dans la vallée de l'Oronte, au centre, réunies au sein du Gofi (General Organization For Food Industry), holding publique regroupant vingt-deux entreprises agroalimentaires. Les deux caves coopératives proposent la même gamme : un rouge, un blanc sec, un moelleux (rosé) et l'arak, auxquels il faut ajouter un peu de whisky et un brandy.
Selon le ministère de l'Agriculture, les surfaces totalisaient 69 000 ha en 2000. Les ceps sont parfois palissés, quand ils ne sont pas à même le sol, le temps sec limitant les risques de maladie et donc les traitements. En outre, le feuillage abondant protège les raisins de leur principal ennemi, le soleil. Difficile toutefois de discerner des pratiques culturales rigoureuses chez de petits propriétaires ainsi que les cépages utilisés. L'un d'eux est appelé salty, proche des raisins de table selon Yves Glories.
Les deux usines, datant des années soixante-dix, achètent le raisin à une myriade de petits producteurs. Vendangé manuellement tout le mois de septembre, le raisin est destiné au vin (deux semaines de fermentation naturelle après pressurage) ou à la distillation pour l'arak selon sa qualité. Cet apéritif anisé représente 85 % de la production de Suweida, avec 1 700 000 cols d'arak (contre 300 000 cols de vin), et plus de 90 % de la production d'Homs (250 000 cols de vin).

Conscient de la qualité modeste des productions, le Gofi cherche à l'améliorer. ' Notre objectif est de parvenir à une qualité satisfaisante d'ici à deux ans. Nous voulons également augmenter la production. Avec la bière, le vin a en effet une forte valeur ajoutée ', explique Khalil Jawad, directeur général du Gofi. Des essais de cépages nobles importés, notamment du cabernet, sont d'ores et déjà menés ; les producteurs sont invités à suivre le mouvement.
Un plan d'investissement dans les deux coopératives est également envisagé pour les prochaines années. Il n'est pas exclu de faire appel, dans le futur, au savoir-faire étranger, libanais ou français, ' uniquement quand nous serons prêts ', tempère Khalil Jawad. Avec pour objectifs de concurrencer les vins libanais, séduire ainsi les touristes et viser les marchés étrangers, notamment les Etats-Unis, l'Amérique du Sud et l'Europe, trois zones où vivent de nombreux Syriens.

A côté de ces deux coopératives d'Etat, un seul privé a maintenu une production significative avec 90 000 cols en 2000. Installé à Alep, dans le nord du pays, Jean Cortas achète lui aussi le raisin, sélectionné par ses soins et celui de courtiers. Travaillant avec ses trois fils, il vinifie et met en bouteilles trois gammes vendues dans tout le pays, principalement auprès des touristes en restauration : Nectar (rouge, blanc, rosé), Dinan (rouge et blanc) et son produit phare, Saint-Siméon (rouge, blanc et rosé), issu de vignes cultivées au-delà de 1 500 m d'altitude.
Recherchant la qualité avec une limitation des rendements, ce Libanais d'origine est certain que ' les terroirs syriens peuvent produire les meilleurs vins au monde '. Pour y parvenir, il est à la recherche d'un partenaire technique et financier étranger capable de lui permettre d'investir dans de nouvelles installations (il travaille dans 400 m²), d'acheter des vignes et d'acquérir des connaissances en oenologie que sa curiosité et sa longue expérience ont du mal à pallier. Jean Cortas, inspiré par les Libanais, vise le marché français et envisage de participer prochainement à un salon professionnel.

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