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Les difficultés gagnent les appellations de base

La vigne - n°123 - juillet 2001 - page 0

Très belle récolte en perspective, alourdissements des stocks de fin de campagne avec une croissance à deux chiffres, consommation et exportation en perte de vitesse... Les difficultés gagnent les appellations de base.

Cette année non plus, les vignerons n'ont pas taillé court. La récolte s'annonce belle : 59 millions d'hectolitres selon les estimations de l'Onivins à fin juin. Sauf accident climatique de dernière heure, la vendange 2001 sera abondante pour la troisième année consécutive. Nos voisins italiens et espagnols s'attendent également à une très belle année. Les stocks de fin de campagne devraient connaître une croissance à deux chiffres, entre 10 et 20 % selon les régions.La consommation intérieure française continue de décroître depuis la campagne 97-98, au rythme soutenu moyen de 1,4 million d'hl par an. Fait nouveau et alarmant, le recul de la consommation taxée sur les VQPRD semble se confirmer. Avec - 350 000 hl/an entre 97-98 et 99-00, la baisse atteindrait 400 000 hl sur les six premiers mois de l'année 2001, soit le double (sous réserve que la réforme des contributions indirectes n'ait pas eu d'impact). Les exportations fléchissent. A deux mois de la vendange à peine, la filière vitivinicole retient son souffle. Tous les ingrédients pour un début de campagne tendu, voire explosif, sont réunis. Et d'aucuns de se demander si la crise qui frappe les vins de table et certains vins de pays n'est pas en passe de toucher les appellations. D'autant que la tendance naturelle dans les régions mixtes sera de revendiquer davantage d'hectares en appellation, ce qui risque d'alourdir encore les marchés. ' Les appellations supportent mieux les stocks, si bien que les méventes sont pour l'instant masquées ', remarque un opérateur. ' Nous sommes confrontés à de graves difficultés conjoncturelles, il faut simplement veiller à ce qu'elles ne se transforment pas en crise structurelle ', avance un expert. Pour les plus pessimistes, la France aurait près de 8 millions d'hl d'excédents, tous vins confondus, dont près de 3 millions en AOC. L'Onivins avance une fourchette de 3 à 6 millions d'hl, mais ' plutôt dans le haut de la fourchette ', avec 1 million d'hl excédentaire par an pour les seuls VQPRD depuis trois ans. Sur le plan communautaire, l'excédent oscille entre 10 et 15 millions d'hl en 1999. Et les effets des plantations nouvelles en Europe ne se feront sentir qu'à partir de 2002-2003. ' Une crise potentielle sur deux ou trois ans est prévisible, analyse Patrick Aigrain, économiste pour l'Onivins. Quant à savoir si elle va s'installer dans un cycle long de dix à quinze ans comme on l'a déjà vu par le passé, impossible de le dire. ' Seule certitude, fin juin, les marchés à la production des vins de table affichent un retard de 30 % en valeur par rapport à juin 2000, et de - 23 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Certaines petites appellations et les appellations de base sont en retrait en volume. Fin avril, le vin d'Aquitaine rouge est en retrait de 16 %, les bourgognes de 37 % (sur le vrac), les beaujolais de 14 %, la vallée du Rhône de 23 %. Fin juin, les transactions seraient globalement en retard de 20 %. Les marchés à l'export sont saturés pour les AOC, notamment sur l'Allemagne et la Grande-Bretagne, en 1999 et 2000. Les bordeaux, un indicateur de la tendance, sont vendus mi-juin entre 6 000 et 6 500 F le tonneau, 3 000 à 3 500 F pour les blancs. ' Un simple phénomène de réajustement qui se fait par à-coups avec reconstitution des stocks ', selon l'interprofession. Pour d'autres opérateurs, difficile d'imaginer que les AOC de base, dites de repli ou génériques, ne soient pas concernées par la crise des vins de table et de certains vins de pays. D'abord parce que 30 % des appellations jouent, en terme de tarifs, dans la cour de ces vins, avec un prix inférieur à 12 F/col. Les bordeaux vendent des milliers de bouteilles à 8 F. La bagarre est sévère. Ensuite parce qu'il existe une interférence entre les différentes catégories de vins sur le plan de la notoriété. La plus grande confusion règne chez le consommateur moyen français qui, au final, n'y connaît pas grand-chose dans les subtilités des classements et a bien du mal à établir une différence entre vin de pays, AOC ou marques commerciales. ' Nous entrons dans une crise viticole majeure, une crise d'adaptation à des conditions nouvelles, où les marchés des vins de table et vins de pays souffrent et ont engendré une contamination qui touche celui de toutes les appellations de base. C'est une crise structurelle de surproduction : certains produits non adaptés n'ont pas et n'auront plus de marchés à l'avenir. Il ne faut plus demander aux professionnels de vendre des vins qui ne sont pas vendables ', explique un metteur en marché, qui lance un véritable cri d'alarme. ' La crise n'est pas assez forte, on n'a pas eu assez mal pour réagir vite et bien. Encore un an ou deux de difficultés notoires sont nécessaires pour qu'on parvienne à changer quelque chose. ' Le propos est dur, les exemples sans indulgence : terminées les productions à 110 hl où on en déclare 50 ; au placard les raisins surchargés, cueillis non mûrs et enrichis par la suite ; renforcé l'agrément, le seul système de contrôle où le vigneron est à la fois juge et partie. On n'est plus dans une époque où l'on peut régler simplement les problèmes par des retraits de volume. ' La réalité va faire mal, assène un opérateur du Midi. Les vignerons produisent sans s'interroger sur le marché, tout en se plaignant de la baisse de consommation de vin autour d'un verre de pastis. Ils pratiquent une politique de bouc émissaire (c'est la faute des négociants, de la grande distribution, du gouvernement, de l'Europe...) qui ne porte plus ses fruits. ' ' Nous devons dire aux viticulteurs européens : préparez-vous ou vous allez mourir ', expliquait, alarmiste, Miguel Torres, président de la firme espagnole Torres, au cours d'un débat organisé à Vinexpo par la société Amorim. Signe d'un changement en profondeur nécessaire. ' Le vigneron de base ne réalise pas la gravité des problèmes sur les marchés, admet un autre intervenant. Il convient d'abord d'en prendre conscience, puis un travail de filière nous attend, de restructuration, de réorganisation complète sur la base des attentes des consommateurs '.

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