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Nous avons tout quitté pour le vin

La vigne - n°120 - avril 2001 - page 0

L'envie de faire leur propre vin amène les époux Munday à quitter Londres, où ils étaient comptables, en 1993. Aujourd'hui, exploitant 14 ha en Corbières, ils n'ont pas de regrets mais des soucis financiers.

'En arrivant au village, demandez les Anglais, on vous orientera ', a conseillé Susan Munday. Un signe. A Floure, commune de 250 habitants à 15 km à l'est de Carcassonne, les époux Munday seront toujours ' les Anglais '. ' Ce n'est jamais méchant car nous sommes bien intégrés. Arriver en 1993 quand d'autres arrachaient dans le village a montré notre détermination. Le syndicat des Corbières nous a aussi appuyé, indiquent Peter et Susan Munday. Nous ne serons jamais des gens d'ici, mais notre vin, lui, l'est. 'Les Munday concrétisent leur volonté d'indépendance dans le vignoble languedocien. ' Dès notre rencontre à l'université, nous pensions un jour nous installer à notre compte, sans domaine d'activité précis en tête. Un jour, devant une bonne bouteille, je demande à mon mari, amateur de vin, quel serait son désir absolu, au-delà de toutes contraintes. ' ' Faire un vin riche et coloré à base de syrah ', fut sa réponse. ' Quand je pense qu'il ne s'occupait même pas de notre petit jardin à Londres ! ' ' C'était en 1992, nous avions 34 ans et deux filles. Nous avons pensé à la France où nous passions nos vacances ', précise Susan dans un français presque parfait. S'ensuivent les démissions et la vente de la maison, des cours du soir pour améliorer le français de Peter, des rencontres avec des cavistes britanniques expliquant ' que l'avenir est dans le Languedoc ', des voyages d'exploration dans le sud de la France où leurs interlocuteurs tentent de les dissuader. Une recherche effrénée de conseils.Et voilà Peter qui arrive à Carcassonne pour un an de formation en viticulture et en oenologie, un domaine nouveau pour ce comptable. Un changement radical avec un million de francs en poche. C'est peu. ' Le vin était notre seule obsession, pas le côté 'touriste du Nord venant chercher le soleil' '. Mais, première déception quand, en 1994, les banques sollicitées pour acquérir du foncier ne suivent pas. La question du renoncement se pose mais, finalement, ' nous avons payé comptant nos quatre premiers hectares, 200 000 F dont nous aurions eu bien besoin plus tard. ' L'année suivante, un coup de chance leur amène des parcelles en fermage et un chai (bâtiment et matériel d'occasion) est acquis grâce à un banquier plus conciliant. ' Je me souviendrai toujours de mon mari passant cinq minutes devant chaque pied lors de sa première taille. ' ' Finalement, nous aimons travailler au grand air. Un jour, j'ai aperçu un faon au bord d'une parcelle, un vrai bonheur ', ajoute le mari. Malgré les difficultés financières, l'objectif du ' vin idéal ' est atteint dès la vinification du millésime 1995 : ' Un vrai régal avec, à la clef, un coup de coeur au Guide Hachette ', explique Susan, alors que sur le mur de la salle à manger sont fièrement accrochés une vingtaine de diplômes décrochés aux concours de Paris, Mâcon et Corbières. ' On ne met le macaron que sur le rosé, leur intérêt premier est de nous rendre crédibles auprès des banques et des collègues. ' La première commande vient d'Angleterre fin 1996... et le premier chèque au printemps 1997. ' Nous avons tenu, mais c'était très juste ', avouent les époux Munday qui ont dû faire appel à la solidarité familiale. Une meilleure période a fait revenir les financiers, notamment la Banque populaire qui a décerné, début 2001, un prix national de gestion à cette exploitation du domaine des Chandelles. En 1998, après un bon salon Vinisud, un Américain souhaite même acheter toute la récolte du domaine. Refus poli. ' Cela aurait été suicidaire. ' Efforts et détermination aidant, les époux Munday trouvent la force de rester fidèles à leur idéal. Récemment, ils ont acquis 1,5 ha de vieux carignan en coteaux : ' Pour les autres, c'était à arracher ; pour nous, c'était une parcelle magnifique. ' Un néophyte a même été engagé pour la taille : ' Il n'a pas la mauvaise habitude de tailler trop long... ' Malgré cela, le ciel ne s'éclaircit pas sur le front financier : ' Les rendements étant faibles, on doit s'agrandir pour augmenter nos revenus, mais on ne trouve pas à proximité de parcelles de syrah ou d'autres cépages améliorateurs. Il faut planter et être patient. De plus, notre chai devient trop petit et il est situé dans la zone d'appellation voisine du Minervois. L'Inao est réticent. Il faut en changer... mais aucun terrain n'est adapté sur la commune. Enfin, le propriétaire de notre maison d'habitation souhaite la reprendre ! ' Regrettez-vous d'avoir changé de vie ? Long silence de ce couple qui partage toutes les tâches et les décisions. ' Nous n'avons pas de regrets mais des soucis. ' Peter rappelle alors que de père diplomate, il est né au Népal et a vécu dans une douzaine de pays : ' C'est ici que je veux planter les racines que je n'ai pas eues. '

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