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Château Yquem

La vigne - n°119 - mars 2001 - page 0

Une thèse récente attire l'attention sur les Lur Saluces et sur ce qui demeure le fleuron de la famille, le château Yquem (1).

Dès le X e siècle, on trouve la trace de la lignée Lur en Limousin, une famille qui s'établit en Guyenne au XV e siècle quand Pierre de Lur épouse Isabelle de Montferrand. A la fin du XVI e siècle, à la suite de nombreuses péripéties guerrières mettant en cause Français et Italiens du Nord, Jean de Lur épouse Catherine-Charlotte de Saluces et, désormais, la famille adopte ce nom de Lur Saluces. Comme au Moyen-Age, les Lur Saluces continuent à servir le roi, en grands féodaux qu'ils sont, en même temps qu'ils vivent noblement en Guyenne, seigneurs parmi d'autres et possesseurs de châteaux. Au XVIII e siècle, la famille est étroitement liée à la cour du duc de Penthièvre, fils du comte de Toulouse né du double adultère de Louis XIV et de Madame de Montespan.Les Lur Saluces fréquentent alors Versailles et occupent un appartement dans l'hôtel du duc, à Paris, hôtel devenu le siège de la Banque de France. A l'époque, la famille possède déjà les châteaux de Fargues et de Malle, en Sauternais (Gironde). En 1785, une alliance matrimoniale bien étudiée oriente davantage l'avenir de la lignée vers le Sauternais. Cette année-là, Louis Amédée de Lur Saluces, âgé de 24 ans, épouse Françoise-Joséphine de Sauvage d'Yquem, jeune fille de 17 ans qui vient de perdre son père et sa mère. Elle apporte en dot le fameux château Yquem que l'un de ses aïeux, Jacques Sauvage, a acquis en 1593, la famille ayant été anoblie par charge de secrétaire du roi en 1572. Louis-Amédée meurt en 1788, laissant la jeune veuve (20 ans) avec deux enfants. Françoise-Joséphine prend alors la direction de l'empire viticole. Cette maîtresse-femme fera la réputation du château familial jusqu'en 1788, date de sa mort. Elle est aidée quelques décennies plus tard par son petit-fils Romain-Bertrand, lui-même décédé en 1867. Si les châteaux de Fargues et de Malle sortent de la famille après la Révolution (le premier nommé reviendra ensuite à la lignée d'origine), deux autres châteaux agrandissent le patrimoine, par mariage du fils, en 1807 : il s'agit des châteaux de Filhot (Sauternes) et de Coutet (Barsac). C'est à cette époque que des efforts tirent les vins vers le haut. Au XVIIIe siècle, on sait produire des vins liquoreux en faisant des vendanges tardives par tries successives. Au XIX e siècle, à Yquem, on systématise l'échelonnement des vendanges et on multiplie les tries. Preuve de la rigueur recherchée, le château, au XIX e siècle, avec plus de 100 ha de vignes, ne produit pas plus que le vignoble du XVIII e siècle avec 60 ha seulement. On n'en est pas encore au grain par grain, mais presque. Selon les années, la production oscille entre 30 et 120 tonneaux de 900 l, jamais plus. Le vin fermente en barriques neuves ; on ouille systématiquement, on mèche dès le XVIII e siècle, on colle à la colle de poisson, et on conserve des vins vieux. En 1810, d'après un inventaire d'Yquem, 40 % des stocks ont plus de cinq ans d'âge ; à cette date, il y a encore trois barriques de 1753 et un tonneau de 1779. Les prix suivent l'augmentation de la qualité : en 1784, Yquem ne se vend encore que 300 F le tonneau, quand Latour et Margaux valent déjà 2 400 F. Mais dès 1787, Thomas Jefferson, ambassadeur des Etats-Unis, propose un classement des liquoreux : en tête, Yquem, suivi de Filhot, Suduiraut, Coutet ; trois de ces châteaux feront partie du patrimoine des Lur Saluces au XIX e siècle. Vers 1850, Yquem a rejoint les grands crus du Médoc ; en 1840, il vaut 2 000 F le tonneau, quand Latour est à 2 400 F et Margaux à 4 000 F. Vers 1867, Yquem atteint 6 000 F, Margaux 5 500 F et Latour 5 000 F. Le classement de 1855 concrétise l'avantage décisif pris par Yquem sur tous les autres châteaux du Sauternais. Il est le seul à être classé premier cru supérieur, titre qu'il mérite toujours cent cinquante ans après, tant ce vin a de noblesse, de chaleur et de finesse dans sa robe d'or. (1) Marguerite Figeac- Monthus, les Lur Saluces d'Yquem, de la fin du XVIII e siècle au milieu du XIX e siècle, Bordeaux, librairie Mollat, 351 pages.

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