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Du bois pour le vin

La vigne - n°118 - février 2001 - page 0

Pour faire le vin et le conserver, il faut beaucoup de bois. C'est surtout du bois cher, du bois d'oeuvre et du merrain (1).

A la veille de la Révolution, le vignoble français produit en moyenne 30 Mhl/an. Pour loger une vendange de cette importance, il faut beaucoup de tonneaux. En tablant sur l'utilisation du muid officiel de 268 l, il faut 11,2 M de tonneaux. Or, à l'époque, les tonneaux ne durent guère. Quand le vigneron vend en gros, le prix du tonneau est compris dans le prix du vin, et les tonneaux vides, si le vin voyage un peu loin, ne reviennent jamais car le coût du transport est trop élevé. Dans le commerce entre les provinces ou les pays, les tonneaux sont mis en pièces après usage. Tout au plus sont-ils conservés, à gueule bée, pour loger du grain ou pour recueillir l'eau sous les gouttières.Quand le vin reste dans la région de production, qui est aussi une région de consommation, les fûts sont réutilisés. Mais ils doivent être revus tous les ans par le tonnelier car beaucoup de tonneaux fuient : il les resserre, remplace une douelle... Ce n'est que dans les années d'abondance qu'on utilise tous les fûts âgés disponibles puisqu'on va même jusqu'à laisser le vin dans les cuves enfoncées (auxquelles on a mis un second fond pour les couvrir). En moyenne, on peut tabler sur la nécessité de renouveler tous les tonneaux tous les cinq ans, soit 2,24 M de tonneaux à fabriquer tous les ans. Pour la fabrication, on utilise le chêne et le châtaignier, surtout la première essence. Dans un chêne dont le bois est fendu et non scié (le merrain), il faut tailler les douelles et les fonds (les longailles et les fonçailles, disait-on) en bois d'un pouce et demi d'épaisseur (4 cm), sans noeuds, sans défauts, d'où une perte énorme mais qui est utilisée pour alimenter le feu. En moyenne, il faut 5 m³ de bois pour obtenir le merrain nécessaire à la fabrication de dix muids. Ainsi, il faut 1,12 Mm³ de bois de chêne pour fabriquer les 2,24 M de tonneaux nécessaires. Il faut aussi fabriquer les cuves, car il y a très peu de cuves en maçonnerie et, évidemment, aucune cuve en Inox ou en plastique. La cuve moyenne, de 36 hl, demande un merrain de 2 pouces (5,4 cm) ; elle n'est nécessaire que pour le vin rouge qui doit cuver, soit environ les deux tiers d'une récolte, faisant 20 Mhl. Avec cette capacité de 36 hl, il faut 550 000 cuves environ. Une cuve pouvant durer vingt ans, il faut donc fabriquer 27 500 cuves par an, chaque cuve, de merrain également, demandant 2,5 m³ de bois, soit 68 750 m³ de bois merrain. Tout le raisin doit passer par le pressoir, d'abord les blancs, puis les marcs sortis de la cuve pour faire le vin rouge. Passent donc par le pressoir 10 Mhl de blancs (un tiers de la vendange) et environ 4 Mhl de rouges, soit 14 Mhl (les 16 Mhl restant sont du vin de cuve). Soumis dans la plupart des provinces à la banalité de pressoir, le vin est élaboré par ces énormes pressoirs à levier, de 10 m de longueur, visibles encore dans certaines régions. Compte tenu des faibles rendements de ces engins, chaque pressoir ne peut donner que 500 hl environ ; 28 000 pressoirs sont donc nécessaires, pressoirs souvent réparés et dont on peut estimer la durée de vie à cinquante ans. Il faut donc construire annuellement 560 pressoirs demandant chacun 20 m³ de bois de chêne (le levier, à lui seul, demande 2,50 m³). Au total, 11 200 m³ de bois d'oeuvre sont utilisés. A ces données, il faudrait ajouter tous les objets de boissellerie (hottes, seaux, baquets, baignoires, bonbons...), sans compter le bois de chantier pour poser les tonneaux, des éléments difficiles à chiffrer. N'oublions pas non plus les vis en bois de poirier qui n'en finissaient pas de casser. Au total pour le merrain, il fallait 1,12 Mm³ de bois, qu'on peut arrondir à 1,19 Mm³, et 11 000 m³ de bois d'oeuvre, soit un peu plus de 1,2 Mm³ de bois de chêne. Si l'on ajoute les 1,11 Mm³ de bois nécessaires pour les échalas et les cercles, c'est un peu plus de 2,3 Mm³ de bois que la vigne et le vin nécessitaient annuellement, environ 12 % de la production annuelle de nos forêts de l'époque, fort dégradées on le sait. Que dire quand la récolte était pléthorique ! (1) Voir aussi ' Le bois taillis vers 1788 ', paru dans ' La Vigne ' d'octobre 2000, page 102.

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