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Charentes, un rendement agronomique plafond

La vigne - n°117 - janvier 2001 - page 0

Doucement, les Charentes trouvent des voies pour sortir de la crise. L'année 2000 est chargée en réformes permettant à la région d'arrêter progressivement son système particulier de cépage à double fin (raisin de cuve ou autre utilisation, notamment eau-de-vie) et ce à l'horizon 2006, échéance fixée depuis deux ans. La principale nouveauté est la mise en place d'un rendement agronomique plafond fixé à 130 hl/ha, pour la campagne 2000-2001. Une vraie révolution dans une région aux rendements jusqu'alors illimités. C'est le résultat d'une première application de l'article 79 de la nouvelle organisation commune du marché du vin (règlement 1 493/1999). ' Il faut arrêter la course aux rendements et la surenchère peu rémunératrice. On fait l'objet de nombreuses critiques ', explique Bernard Guionnet, vigneron et président du BNIC (Bureau national interprofessionnel du cognac). Rappelons que l'ugni blanc, plutôt facile à mener, peut atteindre sans difficultés 200 hl/ha...Pour 2000-2001, la quantité normalement vinifiée (QNV) est fixée pour le cognac à 6 hl d'alcool pur/ha (soit l'équivalent de 60 hl de vin à 10°), et pour le vin de table à 105 hl/ha. Au-delà (de 60 à 130 hl pour le premier cas et de 105 à 130 hl pour le deuxième), le producteur peut fournir le marché des jus de raisin, celui de l'exportation vers des pays tiers, ou aller à la distillation obligatoire (article 28 de la nouvelle OCM, ex-article 36) financée par Bruxelles à 10-11 F/°hl (le texte officiel prévoit 1,34 euro par °hl, mais ce prix est modulable). Dans ce cas, le producteur peut toucher les aides européennes (jus de raisin, stockage, élaboration de moût concentré). Par contre, si le rendement agronomique est supérieur à 130 hl/ha, il n'y aura plus, au-delà de la QNV, la possibilité de fournir le marché des jus de raisin et tout devra être livré au titre de l'article 28... payé à 6 F/°hl ; les aides européennes ne seront pas versées. Un nouveau système très pénalisant pour les hauts rendements. Avec la récolte moyenne obtenue en 2000, à 8,3 Mhl (à 9°6 en moyenne), cette nouvelle barre fatidique des 130 hl/ha n'a pas été souvent dépassée. ' En revanche, si on avait eu la récolte pléthorique de 1999 (12 Mhl), cela aurait été plus difficile, reconnaît un responsable. Mais maintenant, tout le monde est averti et il faudra, dès cette année, mener sa vigne en conséquence '. L'interprofession vient ainsi de sortir un communiqué de deux pages intitulé Quelques conseils pour la maîtrise des rendements en 2001. Une première. Si la récolte 2000 est de ce niveau, c'est essentiellement dû à une campagne difficile sur le front du mildiou et à un orage de grêle dévastateur le 25 juillet. Par ailleurs, la campagne pluvieuse a favorisé l'eutypiose et on a noté des jaunissements liés à l'emploi de l'herbicide flazasulfuron. Un bilan des prospections concernant la flavescence dorée a également montré une progression légère des foyers existants mais aucun nouveau foyer. Par ailleurs, en octobre, les instances européennes ont lancé un pavé dans la marre qui a fait grand bruit. L'affaire comporte deux volets : les aides versées par le Feoga (Fond européen d'orientation et de garantie agricole) et une notification de la Commission sur un complément d'aides nationales à la restructuration du vignoble. Sur le premier volet, le contentieux porte sur deux financements européens : la distillation de retrait (article 36 de l'ancienne OCM) et l'aide à l'élaboration de moûts concentrés. Pour le Feoga, la QNV a été fixée à un niveau trop bas et il a dû financer de trop nombreux hectolitres au titre de l'article 36 ; ensuite, les moûts concentrés qui, au final, reviennent dans le vin n'ont pas à être élaborés hors QNV (comme autorisé par la France) mais dedans. ' Nous avons des interprétations différentes, nous sommes en discussion ', indique-t-on à Paris. Le second volet a suscité plus de controverses. Pour accélérer la nécessaire restructuration du vignoble charentais, les collectivités locales et l'Etat ont versé, pendant plusieurs campagnes, des primes complémentaires au-delà du tarif européen. La Commission n'a pas apprécié. La France a porté le contentieux devant la Cour de Justice. ' C'est le complément qui est en cause, et non le principe de la restructuration, assure-t-on à l'Onivins. Non seulement ce qui a été versé aux producteurs n'aura pas à être restitué, mais on encourage à l'avenir à la restructuration dans les Charentes. ' Rappelons que sur les 80 000 ha du vignoble actuel, quelque 50 000 ha suffiraient pour subvenir aux besoins du cognac. ' L'objectif est de reconvertir au moins 5 000 ha d'ici à 2006 ', rappelle-t-on sur place. Durant la campagne 1999-2000, les demandes de restructuration se montent à 615 ha, soit deux fois plus que la campagne précédente. Deux unités de vinification pour du rouge (type coopérative) vont d'ailleurs voir le jour à Segonzac et à Hiersac. ' Il s'agit d'enclencher la pompe. Plus de deux cents producteurs sont impliqués. Ce sont des projets de 7 à 8 millions de F ', explique-t-on. Sur le front des arrachages primés, c'est aussi l'accélération : des demandes pour 750 ha ont été formulées durant la campagne écoulée, contre 458 ha en 1998-1099. Concernant l'organisation de la filière, le Syndicat général des vignerons pour la défense de l'AOC Cognac est né en juin, scellant ainsi une unité syndicale dans un vignoble divisé. Sa composition ' plutôt politique ' sera revue vers une direction ' plus terroir ', avec la représentation des crus, et ce pour l'échéance de décembre 2002 constituée par les prochaines élections à l'Interprofession. Un BNIC qui, crise du cognac oblige, a dû lui aussi se restructurer en début d'année 2000 : après un audit, quinze postes ont été supprimés. Ces ' cadrages ' dans l'évolution du vignoble se sont accompagnés d'une légère reprise des ventes de cognac. Sur un an, au 30 novembre 2000, les sorties s'élèvent à 389 000 hl d'alcool pur, soit + 3,9 % sur la même période précédente. Mais si l'export progresse de 8,3 %, le marché hexagonal baisse de 10,8 %, malgré la reconduction d'une campagne d'affichage. Aucune raison claire n'est avancée sur ce recul. Pour la campagne, les engagements à la production pourraient atteindre 400 000 hl d'alcool pur. A signaler que pour la première fois, le pineau a franchi le cap des 100 000 hl vendus sur une campagne. Dernier évènement de l'an 2000 : le rachat de Martel, poids lourd du négoce charentais, par Pernod Ricard ; il était dans la corbeille des alcools vendus par Seagram après son rapprochement avec le Français Vivendi.

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