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Deux régions dans l'embarras

La vigne - n°116 - décembre 2000 - page 0

La Champagne et la Bourgogne ont décidé de se passer des triazines et du diuron. La première de ces régions paraît mieux préparée que la seconde pour y parvenir.

Malgré les circonstances, la Champagne maintient le cap. Pour la troisième année consécutive, l'interprofession (CIVC) et les distributeurs ont convenu de décourager l'utilisation d'herbicides à base de triazine et de diuron. ' Nous ne mentionnons ces produits nulle part dans nos documents, ni dans nos préconisations ', détaille Jean-François Perrot-Minot d'Appro-Champagne. Ils ne sont pas retirés de la vente, simplement déconseillés. Jusqu'à présent, ces mesures, prises en raison de la découverte de captages d'eau potable contaminés, ont porté leurs fruits.' A l'issue de la campagne 1999, l'utilisation de diuron avait chuté de 80 %, celle de triazines de 60 %. Cette année, nous avons observé un nouveau recul ', affirme Marie-Laure Panon des services techniques du CIVC. Les vignerons champenois ont d'autant plus facilement renoncé à ces matières actives que des solutions neuves et techniquement alléchantes s'offraient à eux. En 1999, ils s'étaient tournés vers le Pledge qui s'annonçait persistant et pourvu d'un large spectre. A l'usage, il s'est révélé très délicat d'emploi. Dans plusieurs parcelles, il a provoqué des brûlures. Cette année, Mission/Katana a pris le relais. Il fut appliqué sur 17 000 ha, soit plus de la moitié du vignoble. Lui aussi est entré en scène sous un profil attractif. Lui aussi a causé des déconvenues : il est suspecté d'avoir aggravé la chlorose dont les vignes ont souffert. En 2001, rien de tel. Aucune nouveauté. Pour éviter que ces maigres perspectives incitent au relâchement, l'interprofession a agit rapidement. Sa commission technique s'est réunie et a tranché dès la fin des vendanges. Fin novembre, tous les déclarants de récolte recevaient un courrier du CIVC les engageant une fois de plus à renoncer au diuron et aux triazines. Cette lettre leur indiquait les solutions de remplacement. S'ils veulent poursuivre le désherbage de prélevée, elle leur suggère de choisir entre le Surfassol, le Pledge, le Zorial ou l'Emir. Elle leur indique qu'ils peuvent aussi opter pour les désherbants foliaires, le travail ou la couverture du sol. Vu ce choix, certains distributeurs redoutent que les consignes soient plus dures à respecter que les années précédentes. Du côté de l'interprofession, on se veut optimiste. ' Nous nous appuyons sur le volontariat. Nous sommes sûrs que plus de 80 % des vignerons suivront nos recommandations ', affirme Ghislain de Montgolfier, le président de la commission technique du CIVC. D'une part, les Champenois sont soucieux de leur image. Ils hésiteront à la compromettre. D'autre part, Mission/Katana a laissé leur vignoble propre. Dans les parcelles où il fut appliqué, le potentiel d'adventices est faible. ' Avec deux passages d'herbicides foliaires, on devrait s'en sortir ', estime Marie-Laure Panon. Philippe Mangold compte également sur la longue persistance de ce désherbant. La coopérative de Beaune Verdun qui l'emploie s'est engagée à déconseiller le diuron, la simazine, la terbuthylazine et l'oxadixyl (antimildiou). Début juillet, elle s'est jointe à six autres distributeurs, à l'Association des viticulteurs de Côte-d'Or, qui fédère les syndicats de tous les villages du département, et à l'Association de défense de l'environnement viticole. Tous ont signé une charte affirmant leur volonté de se détourner des quatre matières actives qui polluent leurs sources. A la différence des Champenois, au moment où ils s'engageaient, ils ne savaient pas quelles difficultés les attendaient. Ils ne savaient pas qu'ils seraient privés de Surflan et, selon toute vraisemblance, de Mission/Katana. ' Certains s'en mordent les doigts ', note un technicien local. Pas Philippe Mangold. Pour lui, il n'est pas question de revoir la charte. ' Nous allons conseiller l'enherbement naturel maîtrisé. Les parcelles sont très propres après une année où l'on a énormément employé le Mission. Pour cette raison, nous allons tenter le coup. Nous ferons d'importants suivis de parcelles pour faire déclencher les traitements au bon moment. Nos propositions sont très bien accueillies. ' Notre interlocuteur ne voit qu'un obstacle sérieux : les amarantes. Il redoute que trois applications d'herbicides foliaires ne suffisent pas dans les terres qu'elles infestent. Cette espèce inquiète aussi Jean-Claude Janus, le responsable vigne de la coopérative Dijon céréales, signataire de la charte. ' Contre l'amarante, on n'a rien d'autre que le diuron, indique-t-il sans détour. Comme il n'est pas interdit, on ne pourra pas empêcher les vignerons de s'approvisionner là où ils le trouveront. Je ne vous cache pas que ça va être compliqué. ' Face à cette difficulté, les signataires n'auront que leur force de conviction et l'appui des services publics de leur département. Début décembre, la chambre d'agriculture et le service régional de la Protection des végétaux devaient publier une note sur l'entretien des sols, dans laquelle ils déconseillent le diuron et les triazines, et encouragent ceux qui souhaitent utiliser des désherbants à se tourner vers les foliaires. Cette note devait également être signée de la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire, mais non des syndicats viticoles de ce département. Un temps, il était aussi question que le Comité de développement du Beaujolais s'y joigne. Mais à la demande de ses responsables professionnels, cet organisme de conseil s'est ravisé. La Champagne et la Côte-d'Or sont les seules régions françaises où les vignerons, par l'intermédiaire de leurs organisations syndicales ou interprofessionnelles, se sont prononcés contre des désherbants. Les uns saluent leur attitude courageuse et exemplaire. Les autres la trouvent trop radicale. Quant aux intéressés, il entendent tenir bon jusqu'à ce que leurs sources retrouvent leur pureté.

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