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Le tartrate de calcium fait coup double

La vigne - n°110 - mai 2000 - page 0

La réglementation communautaire prévoit un nouveau moyen de stabilisation des vins: l'ajout de tartrate de calcium. Ce sel règle deux problèmes là où le bitartrate de potassium n'en règle qu'un. De plus, il peut s'employer à des doses plus faibles.

Un vin jeune montre une instabilité vis-à-vis des précipitations tartriques. Les vinificateurs le constatent aux dépôts de cristaux d'hydrogénotartrate de potassium (THK, appelé bitartrate de potassium) sur la paroi des cuves. Certains vins présentent aussi des instabilités vis-à-vis d'un autre sel tartrique, le tartrate de calcium (TCa). Cela est moins connu pour plusieurs raisons. L'analyse des sédiments présents dans un vin en cuve constate rarement la présence de calcium, même après stabilisation tartrique. On peut alors en déduire que le vin est stable vis-à-vis des sels de calcium comme le TCa. En fait, des expériences révèlent parfois le contraire. Si on place ce même vin à une température identique à celle de stabilisation (souvent inférieure à 0°C) et que l'on y met en suspension un peu de tartrate de calcium, après quelques jours, la concentration en calcium diminue. Cette expérience montre deux choses: le vin était instable vis-à-vis du TCa, vu qu'il a cédé du calcium; le refroidissement, tel qu'il est pratiqué pour la stabilisation tartrique, est incapable de stabiliser le vin vis-à-vis du tartrate de calcium. Le THK est également incapable d'initier la cristallisation du tartrate de calcium.
Des expériences plus récentes ont été réalisées sur des bouteilles de champagne issues du commerce. On a ainsi procédé à une analyse systématique des particules présentes dans ces contenants. Douze bouteilles furent analysées et toutes ont montré la présence de sels tartriques. Sur onze cas, l'analyse microscopique à balayage, couplée aux rayons X, révélait la présence de calcium.
Cette analyse confirme que la stabilisation vis-à-vis du TCa n'est pas encore résolue et qu'elle peut être source d'ennuis: les cristaux peuvent induire le gerbage des vins effervescents.
Les travaux que nous avons entrepris à partir de 1993 avaient plusieurs objectifs. Le premier était de stabiliser les vins au regard du TCa et, autant que faire se peut, de les stabiliser vis-à-vis des deux sels tartriques en une étape. Le second objectif était d'utiliser un stabilisant le plus naturel possible. Enfin, nous voulions mettre au point une procédure d'emploi facile et de coût identique, voire inférieur à celui des procédures actuelles.
Les premiers essais ont été réalisés sur la base des stabilisations habituellement menées avec le THK. Dans ce cas, le vin est ensemencé à des doses de 4 g/l et refroidi à des températures négatives (-3 à -4°C). A partir de cette procédure, nous avons remplacé le THK par le TCa et avons quantifié les entités capables de cristalliser. Dans l'exemple du tableau, la quantité de TCa introduite dans le vin est de 0,5 g/l. C'est la dose employée à divers stades (laboratoire comme industrie) et dans différents essais sans rencontrer de problèmes. La stabilisation est effectuée en cuve de 500 hl sous agitation à -4°C sur des vins d'assemblage champenois. Les vins restent six jours à cette température.
L'essai qui n'a pas reçu de TCa montre une bonne stabilisation vis-à-vis du THK, mais les valeurs en calcium restent inchangées. Dans l'essai additionné de TCa, les résultats présentent une diminution très significative du calcium et du potassium solubles. D'après les températures de saturation (paramètre qui rend compte de la stabilité vis-à-vis du THK), les deux vins sont bien stabilisés au regard de ce sel. Les valeurs de pH ou d'acidité totale ne sont pas différentes selon que le vin a été simplement refroidi ou qu'il a en plus subi un ajout de TCa.
Pour établir que le TCa induit bien la cristallisation du THK, nous avons réalisé une série d'expériences en solution modèle dans laquelle nous avons dissout les deux sels. Après filtration, nous avons placé cette solution deux degrés au-dessous de la température de saturation et nous y avons plongé des fils supportant des cristaux purs de tartrate de calcium.

Au cours du temps, nous avons retiré ces cristaux et analysé leur composition par microscopie électronique. Les images obtenues démontrent que le THK est capable de s'intégrer dans le réseau cristallin du TCa et que ce dernier peut donc initier la cristallisation du THK.
Des essais complémentaires ont été effectués dans le cadre de l'OIV par des pays comme l'Espagne et l'Allemagne. Là encore, les résultats sont très satisfaisants, tant au niveau technologique qu'organoleptique.
La somme des résultats accumulés sur cette technique est très encourageante. Ceci laisse espérer qu'elle devienne dans les années à venir une procédure facilement utilisable par tous les élaborateurs souhaitant diminuer les risques de cristallisation dans leurs bouteilles.
L'ensemble de ce dossier a reçu un avis positif à la fin 1997 lors d'une assemblée générale de l'OIV. L'Union européenne a aussi statué positivement au cours de l'année dernière: l'ajout de tartrate de calcium figure dans la liste des pratiques et traitements oenologiques autorisés par la nouvelle OCM qui entre en vigueur le 1er août 2000. Cependant, pour que ce sel soit utilisable dans les chais, la Commission de Bruxelles doit encore en déterminer les conditions d'emploi.

L'auteur remercie vivement le laboratoire de génie chimique de l'Ensigc de Toulouse et le laboratoire de minéralogie et de cristallographie de l'université P. Sabatier de Toulouse, sans lesquels une partie de ce travail n'aurait pas pu être exposée, le laboratoire de physique des parfums Christian Dior (Saint-Jean-de-Braye) pour l'analyse MEB/EDS.

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