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Le génie génétique vise à réduire les traitements chimiques

La vigne - n°109 - avril 2000 - page 0

A travers le monde, de nombreuses équipes de recherche mènent des travaux de transformation génétique de la vigne. Elles espèrent la rendre résistante aux virus, aux champignons, aux bactéries ou aux jaunisses.

Bien que les vignes transgéniques soient encore loin d'être répandues en Europe, les recherches sont mal perçues par une partie de la profession. L'implantation d'essais se heurte souvent à des réactions hostiles. En Allemagne, les premières vignes transgéniques ont été plantées sous protection policière, face à une manifestation d'écologistes. Pourtant, cet essai ne visait qu'à étudier l'intérêt de ces vignes pour limiter l'emploi de produits phytosanitaires.En France, des événements récents ont montré qu'une campagne de presse était plus efficace pour compromettre dix ans de recherche contre le court-noué qu'un commando armé de sécateurs! Tant mieux pour l'industrie phytosanitaire qui trouvera là un argument pour demander un sursis à l'interdiction des nématicides dans notre pays. Tant pis pour les lombrics et la vie biologique des sols. Il est donc urgent d'ouvrir un débat sur les avantages et les inconvénients des plantes génétiquement transformées en viticulture et, auparavant, de faire un état des lieux.Qu'en est-il des recherches menées en France et à l'étranger? L'objectif principal est d'obtenir une moindre sensibilité aux parasites. Le respect de l'environnement est l'argument mis en avant dans les pays où la pression parasitaire exige une protection permanente. Mais pour d'autres pays, l'intérêt se situe ailleurs. Il est significatif que les recherches bénéficiant d'un soutien financier massif ont lieu dans des pays où la pression parasitaire est faible. L'objectif non avoué est donc clair. L'utilisation de vignes génétiquement modifiées tolérantes aux parasites permettra d'imposer au niveau international des normes 'zéro résidus', constituant autant de barrières protectionnistes ou d'arguments à l'exportation.Les recherches les plus avancées concernent la lutte contre les virus. Elles consistent à introduire des gènes viraux dans le génome de différents porte-greffes afin de perturber la multiplication du parasite au sein de la plante. Le gène le plus employé à ce jour est celui qui engendre la synthèse de la coque protectrice du virus (capside). Les principales cibles de ces travaux sont les virus du court-noué. D'autres recherches sont en cours aux Etats-Unis, en Afrique du Sud, en Italie et en Autriche, et visent les virus associés à l'enroulement ou au complexe du bois strié.Les recherches ciblent également les maladies cryptogamiques. Elles ont pour but d'obtenir que la vigne produise des enzymes dégradant la paroi des myceliums fongiques ou qu'elle active la synthèse de resvératrol, un polyphénol qu'elle produit naturellement en réponse aux agressions. Pour ce faire, on utilise des gènes provenant de plantes ou de champignons antagonistes de ceux que l'on veut combattre. D'autres travaux moins avancés visent à introduire des gènes intervenant sur les signaux de défense de la plante ou la constitution de barrières physiques. Un cas particulier concerne le gène Run 1, conférant une résistance totale à l'oïdium. Issu de la vigne muscadine, il provoque une mort tellement rapide des cellules infectées par l'oïdium que celui-ci ne peut s'étendre faute de nourriture. Son séquençage fait l'objet d'une collaboration entre l'Inra et le Csiro (centre australien de recherches scientifiques).D'autres recherches menées en France concernent la résistance à l'eutypiose. Elles sont fondées sur l'expression chez la vigne d'un gène issu du haricot Mungo, une légumineuse comestible. Le gène en question code pour une enzyme capable de dégrader la toxine (eutypine) produite par le champignon Eutypa lata. Dans l'avenir, il pourrait être utilisé pour sélectionner les cellules transformées en remplacement des gènes de résistance aux antibiotiques très décriés.Vis-à-vis des bactéries et des phytoplasmes responsables des jaunisses de la vigne, différentes stratégies sont à l'étude. Certaines, testées aux USA contre la maladie de Pierce, sont fondées sur des gènes codant pour des peptides qui détruisent la bactérie. D'autres visent à bloquer la traduction des gènes d'Agrobacterium tumefaciens qui provoquent l'apparition de ces tumeurs appelées broussins. D'autres encore utilisent des gènes codant pour la production d'anticorps. Cette dernière stratégie, dite 'planticorps', est testée en France contre le stolbur, agent du bois noir, avant d'être éventuellement appliquée à la flavescence dorée.Si la lutte contre les tordeuses de la grappe par l'introduction dans la vigne du gène Bacillus thuringiensis (Bt) ne fait pas l'objet de recherches, en revanche, des travaux sont en cours en Californie pour obtenir une résistance au phylloxéra chez les cépages de cuve.La transgénèse peut également modifier les caractéristiques physiologiques ou qualitatives de la vigne. En France, les travaux ont un caractère fondamental. A l'étranger, notamment en Australie et en Israël, certains travaux sont plus appliqués avec, en particulier, l'utilisation de gènes bloquant l'enzyme responsable du brunissement des raisins secs, susceptibles de rendre apyrènes les baies de raisin de table ou de modifier leur rapport glucose/fructose.Cet inventaire est loin d'être exhaustif. Il témoigne cependant du caractère irréversible du processus. Tôt ou tard, des vignes transgéniques feront leur apparition dans certains vignobles. Elles constitueront une révolution culturale, et dans les pays à vieille tradition viticole, une révolution culturelle. Il faut donc utiliser le délai qui nous est imparti pour chercher les moyens de gérer au mieux les conséquences d'une innovation aussi considérable.

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