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Vignerons du Beaujolais

La vigne - n°109 - avril 2000 - page 0

Au XVIIIe siècle, François Brac, notable lyonnais et propriétaire viticole, avait de beaux projets de développement pour le vignoble du Beaujolais.

En 1768, paraît un livre intitulé Le commerce des vins. C'est l'oeuvre d'un certain François-Pierre-Suzanne Brac, propriétaire d'un beau domaine viticole, à Saint-Lager (Rhône), en plein Beaujolais. Comme son père, un autre François, il est avocat à Lyon et même échevin de la ville en 1775 et 1776. Né en 1725, mort en 1800, il milite pour assurer aux vins du Beaujolais des débouchés plus faciles sur Paris et des prix plus rémunérateurs. Comme tous les propriétaires de l'époque, il fait travailler ses vignes par des vignerons qui n'ont que leurs bras pour vivre.Renonçant à la main-d'oeuvre salariée, il met ses vignes en valeur par le système du vigneronnage, c'est-à-dire le métayage à mi-fruit qui lie le bailleur et le preneur, les frais de culture et les récoltes étant partagés par moitié (aujourd'hui, le preneur a des deux tiers aux trois quarts). Démuni d'argent, le preneur ne peut travailler qu'avec les avances monétaires consenties par le propriétaire, avances qui sont remboursées au moment de la récolte. Surendetté, le vigneron est souvent obligé de vendre massivement dès le vin entonné, entraînant une baisse des prix qui le plonge un peu plus dans la misère. Brac rêve d'une association du Haut-Beaujolais, une véritable société de propriétaires coopérateurs qui contrôlerait les conditions de vente de la récolte afin de mettre au pas les commissionnaires intermédiaires. Les vins seraient achetés par les propriétaires de la paroisse qui les céderaient à un meilleur prix en connaissant mieux le marché parisien. Les propriétaires assureraient l'approvisionnement régulier en grains des vignerons en organisant des magasins à Beaujeu et à Belleville, s'occuperaient de l'achat des tonneaux suivant les prévisions de récolte, régleraient les impôts (taille), toutes avances à prendre sur la récolte.Selon Brac, le vigneron aurait une vie plus aisée. Cela l'attacherait davantage à la terre et ôterait à ses enfants l'idée de partir chercher fortune ailleurs. Son discours moralisant est plein d'attachement pour les vignerons. Il vante leurs qualités morales puisqu'ils s'entendent bien en famille et avec leurs voisins. Ils ont même des vertus: ils ne jouent pas, ils ne boivent pas, ils ne volent pas, si ce n'est quelques chapardages excusés dans les champs. Ils se contentent de peu pour vivre et acceptent avec résignation la maladie et la mort. Leurs femmes sont courageuses et reprennent très vite le travail à la vigne après leurs accouchements. Ils ont juste ce qu'il faut de religion populaire. Enfin, ils savent se contenter de peu.Hélas, les projets de Brac ne devaient pas connaître de lendemain. Publié dans un contexte climatique plus que défavorable, ce livre d'un rêveur, pourtant bon observateur, était en avance sur son temps.Au XXe siècle, le Beaujolais a atteint une prospérité à laquelle François Brac n'avait pas osé rêver.

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