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De contenant à bonificateur, le fût change de fonction

La vigne - n°104 - novembre 1999 - page 0

Pendant longtemps, le fût a été utilisé comme simple contenant pour stocker et transporter le vin. Il est maintenant considéré comme un élément important du style du vin.

Le mariage du bois et du vin ne date pas d'hier. Mais les termes du contrat ont considérablement évolué. Pendant longtemps, les vignerons n'ont eu que le bois à leur disposition pour loger leur vin. Il s'agissait parfois de chêne, mais aussi de châtaignier, de hêtre, d'acacia, d'eucalyptus ou de palétuvier selon les régions et les pays. Dès le début du XVIIIe siècle, les tonneliers ont dû trouver des sources d'approvisionnement dans d'autres pays d'Europe et en Amérique pour satisfaire la demande. L'apport du bois neuf, très variable selon les essences, n'était pas apprécié et dans de nombreux ouvrages du début du siècle, on trouve des consignes pour affranchir les fûts par un rinçage à l'eau salée.Jusqu'aux années 50-60, les vins étaient expédiés en fûts de châtaigniers considérés comme des emballages perdus. Mais, compte tenu de l'amertume des tanins, les utilisateurs cherchaient à isoler le vin du bois, notamment en encollant l'intérieur du fût. Le parc à barriques était très ancien et il n'était pas rare de trouver des goûts aigre et de moisi.Dans les années 60, les cuves ont fait leur apparition et l'utilisation des fûts a reculé de telle sorte que de nombreux tonneliers ont disparu. Jusqu'alors, on en comptait un par village pour assurer notamment toutes les réparations. C'est au milieu des années 70 que des professionnels se sont interrogés sur le bien-fondé d'un élevage en cuves pour des vins de garde. A cette période en effet, seuls les plus grands vins étaient encore en fûts. Des études ont commencé et, en vingt ans, les connaissances sur la fabrication et l'utilisation ont énormément évolué.Le fût est alors revenu sur le devant de la scène mais, cette fois, par choix et non plus par obligation. 'Après une période où la tonnellerie a connu une forte crise, la demande est repartie à la hausse, constate un professionnel. Les pays du Nouveau Monde émergeaient et dans leur quête d'identité, ils ont pris exemple sur les grands vins qui étaient toujours élevés en fûts.' Les consommateurs ont bien accueilli ces produits à l'arôme boisé prononcé et la mode de l'élevage en fûts neufs a fait son apparition en Europe avec les excès que l'on connaît. 'Si on voulait avoir une médaille à un concours, reconnaît un vigneron, il fallait qu'il y ait le tonnelier dans la bouteille.'Les premières études ont porté sur l'origine des bois et les nuances selon la provenance. Les observations ont ensuite été affinées et on a vu que dans un même massif forestier, on trouvait des bois de qualité différente. Actuellement, la notion d'origine géographique perd d'ailleurs du terrain. Certains s'en réjouissent, estimant que cela fera disparaître du même coup les escroqueries à l'origine, comme le Tronçais qui n'en est pas toujours! En effet, on ne dispose d'aucune mesure pour contrôler la provenance d'un arbre abattu et encore moins du bois constituant un fût.La tendance actuelle est donc de sélectionner des qualités de bois en France et à l'étranger. On retrouve la problématique des siècles précédents où la forte demande avait obligé les tonneliers à chercher des massifs forestiers en dehors de l'Hexagone.La chauffe a aussi connu sa révolution. Il y a encore vingt ans, elle intervenait dans la fabrication pour permettre le cintrage. Puis en étudiant les vins, on a vu tout l'intérêt oenologique de cette étape. Les tonneliers ont alors proposé différents niveaux de chauffe. Actuellement, les travaux portent sur la maîtrise et le contrôle de la chauffe afin d'apporter une garantie. Le séchage des merrains a aussi connu sa part d'évolution. Les modifications du bois pendant cette période essentielle étant mieux connues, on arrive à réduire l'hétérogénéité des résultats obtenus en travaillant les bois plutôt qu'en les abandonnant sur les parcs pendant de nombreux mois. Chez certains tonneliers, les piles sont ainsi arrosées, bougées...Du côté des utilisateurs, chacun se fait peu à peu sa religion en matière d'élevage sous bois en fonction des connaissances générales et de son expérience personnelle. Premier choix, celui du tonnelier et du fût. Il faut aussi déterminer la proportion de bois neuf et la durée de l'élevage nécessaires, en fonction du résultat recherché et des impératifs économiques à respecter. Après les excès du début des années 90, on arrive aujourd'hui à une phase de maturité. Certains utilisent des fûts neufs, mais en toute connaissance de cause et uniquement sur les vins qui le supportent. D'autres cherchent surtout l'apport de l'oxygénation ménagée et du travail des lies, et privilégient les fûts de un ou deux vins. On voit d'ailleurs un marché se développer, celui de fûts d'occasion parfaitement nettoyés et garantis.Il reste enfin une catégorie de vins qui, pour des raisons commerciales, ont besoin du goût de bois mais dont la valorisation financière n'est pas suffisante pour imaginer un élevage en fûts neufs. Les nouveaux pays producteurs ont depuis longtemps trouvé la réponse avec l'utilisation des copeaux, morceaux de douelles ou extraits de bois. Cette pratique en est toujours au stade de l'expérimentation en France sur les vins de table et de pays. Certains sont contre. D'autres sont pour et réclament sa légalisation, de même que l'évolution de l'étiquetage afin qu'on ne puisse pas tromper les consommateurs en leur faisant prendre un goût boisé pour un élevage en fûts.

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