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Afrique du Sud

La vigne - n°104 - novembre 1999 - page 0

La forte demande mondiale pour les vins rouges a modifié le paysage viticole de cette vallée. Un cas d'espèce dans un pays majoritairement tourné vers la production de vins blancs.

Il est difficile d'imaginer qu'il n'y avait pas une vigne ici avant les années quarante. Le secret de cette région, c'est l'eau... John Loubser contemple les collines arides cernant Robertson, une vallée verte et fleurie où nous découvrons un vaste vignoble parsemé d'arbres fruitiers et de cultures maraîchères. Nous sommes dans la province du Cap, à 200 km à l'est de Cap Town.Alors que d'autres régions d'Afrique du Sud (comme Franschhoek, Constantia ou Stellenbosh) perpétuent une tradition viticole de trois siècles, celle de Robertson s'est développée récemment grâce à l'irrigation. Un canal longe la rivière et alimente le vaste circuit de réservoirs, de pompes et de canalisations qui jalonne le vignoble.La récolte s'est élevée à 180 000 t de raisins en 1999 (16% de la production nationale et deuxième région productrice, derrière Worcester) pour 11 430 ha (11,6% des surfaces plantées). Ici, nous avons d'un côté, des viticulteurs fermiers produisant souvent en coopérative des vins à distiller, des moûts concentrés et des vins bon marché (les rendements de 20 à 30 t/ha ne sont pas rares), de l'autre, des domaines spécialisés dans les vins de qualité à petits rendements.A la fois propriétaire et winemaker francophile de Springfield Estate, Abrie Bruwer observe le galet qu'il tient dans la main : 'Châteauneuf-du-Pape, côtes du Rhône', annonce-t-il en souriant. La vallée de Roberston découvre donc son terroir. A 40 000 rands (1 rand = 1 franc) de frais de plantation à l'hectare, les domaines n'hésitent pas à arracher des vignes moins productives ou des cépages moins bien payés. Alors, on plante ce qui se vend le mieux. Et aujourd'hui, c'est le rouge...Voilà l'enjeu : marginaux hier, les cépages rouges représentent aujourd'hui 11% du vignoble de Robertson. En 1997, on a planté 200 ha de cépages rouges... et arraché 400 ha de blancs. Et ce n'est qu'un début. Danie de Wet, propriétaire de De Wetshof Estate, faisait figure de pionnier pour les blancs. Il s'est lancé dans l'aventure du rouge en 1998 : 1 ha de cabernet dans la plaine, 7 ha de pinot noir sur des coteaux. C'est un essai. Mais il est déjà prévu la construction d'une autre cave spécialisée pour les rouges... Juste en face, une autre cave familiale, Van Loveren, a planté 30 ha de rouges en trois ans : syrah, cabernet, ruby cabernet, merlot, pinotage et pinot noir remplacent progressivement chenin et colombard, dont les cours chutent d'année en année. Les rouges (monocépage ou assemblage) sont peu tanniques et faciles à boire ; d'un bon rapport qualité/prix, ils se vendent bien en supermarchés où ils séduisent une clientèle jeune.A la coopérative d'Ashton, le prix du chardonnay est à la baisse depuis deux ans. De 2 100 rands/tonne (R/t) en 1997, il est passé à 2 000 R en 1998 et à 1 900 R en 1999. Pendant le même temps, le prix des principaux cépages rouges est monté : 3 000 R/t en moyenne en 1999. Cette année, cette coopérative a vinifié 1 000 t de raisins rouges pour une production totale de 24 500 t, soit seulement 5%. Marna Brink, son winemaker, explique : 'Le marché anglais est saturé en chardonnay. Nous devons nous développer sur celui des rouges. L'année prochaine, nous passerons de 5 à 7% avec, pour objectif, 20% d'ici cinq à six ans. Le prix payé aux adhérents est le reflet du marché.'Très loin de cette frénésie spéculative, à Zandvliet Estate, Paul De Wet, winemaker et propriétaire du domaine, a commencé avec la syrah dans les années soixante-dix. C'était le premier. Vingt-cinq années d'essais pour arriver à une grande syrah... 'Mon père aimait ce vin et voulait en produire ici. Ce n'est pas plus compliqué', explique-t-il. De 147 ha aujourd'hui, le vignoble de Zandvliet devrait passer à 250 ha en 2003, puis atteindre 300 ha en 2005 avec un objectif de 60% de cépages rouges. Et ce type de prévision se généralise dans la vallée... 'Le marché est porteur. Alors on plante tout et n'importe quoi sans vraiment réfléchir à la qualité et à l'avenir. A cette vitesse, le marché risque de se retourner rapidement...', prévient notre interlocuteur.Pourtant, le potentiel de cette vallée est indéniable. A terme, Roberston devrait rapidement avoir le même profil viticole que d'autres régions, comme Paarl ou Stellenbosch. Loin de Roberston, à l'échelle du pays, la montée en puissance des rouges semble moins forte, même si elle reste perceptible. Entre 1990 et 1997, la proportion des rouges sud-africains est tout de même passée de 16 à 19,6%.

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