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L'Union européenne pour assainir le marché des vins de table

La vigne - n°104 - novembre 1999 - page 0

Depuis trente ans, nous avons une politique européenne pour la viticulture. Elle a surtout consisté à stocker, distiller et arracher. Au vu de sa dernière mouture, datant de juillet dernier, elle a porté ses fruits.

Pour ceux qui ont vu Nikita, le film culte de Luc Besson, l'OCM (organisation commune de marché) vitivinicole aurait le visage de Jean Reno. L'acteur y incarne un tueur, appelé à la rescousse pour éliminer des gens louches, embarqués dans une piteuse affaire d'espionnage. Les premiers mots qu'il prononce pour se présenter sont : 'Bonjour, Léon, nettoyeur'. L'émergence du pouvoir européen dans la filière française du vin aurait pu répondre à la même logique : 'Bonjour, je suis l'Europe, je vais faire le ménage'. C'est en effet sur le front du désengorgement du marché des vins de table, dont la consommation a été rapidement en chute libre, que l'Europe a agit, le tout avec l'artillerie lourde : distillation et arrachage. Rappel d'une naissance.Le 25 mars 1957 est signé le traité de Rome : la Communauté économique européenne (Marché commun) est née. L'article 3 instaure une politique agricole commune (Pac). La France est le seul Etat membre (les autres signataires sont la Belgique, la RFA, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas) disposant d'une réglementation calée en matière de vin. Les textes européens s'en inspireront. La première OCM du vin date du 28 avril 1970 (règlement 816/70) ; entre temps, les cogitations sont allées bon train pour déterminer son contenu.La décision capitale fut de distinguer les vins d'appellations (appelez VQPRD sur le plan communautaire, vins de qualité produits dans une région déterminée) des vins de table. Les conditions de production des premiers relevant de chaque Etat membre, seuls les seconds font l'objet d'une politique communautaire, du moins dans un premier temps. Le stockage et quelques distillations 'douces' sont au menu. L'arsenal se met en place avec, notamment, de nouveaux textes en 1979. Son but : connaître le potentiel viticole de la Communauté européenne et le maîtriser.En 1976, des mesures complémentaires sont instaurées pour financer la reconversion du vignoble. Elles seront confortées en 1980 (règlement 458/80). Mais tout cela ne suffit pas à équilibrer le marché des vins de table, et dans la perspective de l'entrée de l'Espagne et du Portugal en janvier 1986, les accords de Dublin (Irlande) des 3 et 4 décembre 1984 marquent la décision politique, au niveau des chefs d'Etat, d'un sérieux serrage de vis. La distillation obligatoire apparaît et un règlement de 1985 (777/85) instaure une prime d'arrachage attractive. Le puzzle est prêt pour aboutir à l'OCM de 1987 (règlement 822/87 du 16 mars), encore en vigueur jusqu'au 31 juillet 2000.Six types de distillation y sont prévus! Le bilan de cette politique est éloquent: en vingt-cinq ans, la communauté a financé l'envoi à la chaudière de 414 Mhl (un quart pour la France), soit l'équivalent de presque trois récoltes européennes d'aujourd'hui. Sur vingt ans, les producteurs hexagonaux ont arraché 218 000 ha... soit deux fois le vignoble bordelais actuel.Ce traitement de choc a laissé des hommes sur le bord de la route et coûté des milliards de francs, bien moins d'ailleurs que les politiques européennes gérant les autres filières. Mais le résultat est là : la production et la consommation sont équilibrées et la dernière OCM, en négociation depuis deux ans, paru au Journal officiel le 14 juillet dernier, est de philosophie bien plus positive et conquérante, même si pour les 'Léon' européens, ces termes ne peuvent avoir qu'une acception timide. L'une des plus belles réussites est celle de faire cohabiter les trois plus grands pays producteurs du monde (France, Italie et Espagne), plus habitués dans le passé à se livrer de véritables 'guerres' qu'à négocier autour d'une même table.Sur d'autres fronts, la politique européenne a été bien moins performante. Le casier viticole informatisé, instauré en 1986 (règlement 2 392/86) n'a pas donné grand chose, y compris pour la gestion des plantations.Sur le front de l'enrichissement, la grande idée consistant à privilégier les moûts concentrés et les moûts concentrés rectifiés au détriment de la chaptalisation, afin de trouver un débouché marchand aux excédents, est un échec. Le nord de l'Europe y est farouchement opposé. Ce thème, finalement utilisé de manière très polémique, a même été laissé de côté afin de conclure la récente OCM.Le seul véritable volet sur lequel l'Europe réglemente tous les vins (y compris les appellations) est l'étiquetage. Le texte de base date de 1979 (règlement 355/79) ; cela est en voie de toilettage. Des listes positives (tout ce qui n'est pas autorisé est interdit) énumèrent les termes utilisables, les mentions obligatoires, facultatives... Par exemple, il est étonnant de se remémorer que la mention obligatoire du degré sur les étiquettes ne date que de 1986! Pour l'étiquetage, la mention d'une plus grande partie des ingrédients composant le vin devrait revenir sur la table des négociations.Enfin, le volet fiscal a été complètement délaissé : les taux d'accises et de TVA sont différents suivant les Etats membres. Malgré l'euro, il reste finalement beaucoup à faire pour construire l'Europe.

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