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Les tanins mis à l'épreuve

La vigne - n°102 - septembre 1999 - page 0

On prête de nombreuses propriétés aux tanins oenologiques. Des essais montrent que certaines ne se vérifient pas. D'autres travaux commencent à l'échelle nationale pour permettre une remise à plat de l'utilisation des tanins.

Les trois quarts des tanins sont utilisés pour des propriétés qu'ils n'ont pas, annonce d'emblée Nicolas Vivas, chercheur à la tonnellerie Demptos, en Gironde. Il est donc urgent de faire le point sur les qualités des produits disponibles et d'optimiser leur utilisation. Clarifiant, antioxydant, bactéricide, stabilisateur de la couleur, améliorateur de la structure, voici quelques-unes des propriétés que l'on prête aux tanins oenologiques.A ce stade, on pourrait presque parler de produit miracle! Il faut cependant tempérer l'enthousiasme commercial de certains. En effet, d'un point de vue réglementaire, les tanins oenologiques ne sont utilisables qu'à des fins bien précises dont les actions sur la couleur et la structure ne font pas partie (lire La Vigne d'avril 1998, p.48).D'un point de vue technique, il semble que certaines des propriétés annoncées ne soient pas vérifiées. Dans ce contexte, un groupe de travail national sur les tanins a été mis en place l'hiver dernier. Six matières premières (sur les dix-huit recensées) ont été retenues car elles représentent bien les différentes origines végétales. Pour chacune, on a stocké 10 kg de matière afin de réaliser les trois années d'expérimentation avec les mêmes préparations. Sept propriétés technologiques attribuées aux tanins seront testées en laboratoire dès les vendanges 1999 et dans différentes régions de France. En l'an 2000, après un bilan d'étape, les essais continueront en conditions pratiques. Les résultats de l'étude seront présentés à l'OIV et serviront certainement de base pour clarifier la réglementation actuelle.Dans cette étude, on utilise des matières premières et non des tanins du commerce. 'Dans ces derniers, il est en effet impossible de caractériser précisément les lots car l'étiquetage n'est pas assez précis. On ne connaît pas, par exemple, la teneur réelle en principe actif - autrement dit en tanins - de la préparation. Or, celle-ci est extrêmement variable et peut représenter moins de 20% du produit commercialisé', précise un chercheur.Les tests initiés dans le cadre du groupe national ne débuteront que sur la vendange de 1999, mais des essais ont déjà été menés dans différentes structures. En ce qui concerne l'utilisation des tanins pour éliminer l'excédent de protéines dans les vins, Nicolas Vivas a observé en laboratoire que seuls les tanins condensés, appelés proanthocyanidines, sont actifs. 'Il faudrait éliminer toute une gamme de produits traditionnels qui se révèlent inefficaces pour cette application', explique-t-il.A l'Institut coopératif du vin (ICV), dans l'Hérault, une série d'essais est en cours depuis 1992. L'objectif est de vérifier les effets, annoncés par les fournisseurs, de ces additifs sur la couleur et le profil sensoriel de vins rouges et rosés dans les conditions de vinification locales. En 1992, sur du grenache vinifié en rouge, on a étudié l'effet des tanins sur la casse oxydasique de vins issus de raisins atteints partiellement de botrytis. Des doses différentes ont été apportées sur le raisin ou sur le vin après décuvage. Une seule préparation commerciale était testée. Quelques mois après la vinification, les analyses sensorielles montrent que les lots traités sont plus amers et astringents que le témoin. On obtient en réalité 'une amplification des caractères négatifs des raisins botrytisés', constate Dominique Delteil, directeur scientifique de l'ICV. Après cinq ans en bouteilles, les vins ont été dégustés à nouveau. Les différences entre le témoin et les lots traités s'étaient amplifiées au détriment de ces derniers.En 1997, l'ICV a testé l'effet antiseptique annoncé d'un tanin sur les bactéries du vin dans le cadre d'une vinification de syrah en rouge. Le produit était présenté par le fournisseur comme un gallotanin. Une piqûre lactique a été provoquée et on a comparé l'acidité volatile d'un témoin non traité à un lot sulfité (3 g/hl) et à un lot recevant 3 g/hl de SO2 et 20 g/hl de tanins. Le témoin est le lot sur lequel la volatile est la plus élevée. On constate aussi que l'apport de SO2 et de tanins donne de moins bons résultats que l'apport de SO2 seul. On ne retrouve donc pas l'effet antibactérien annoncé. De plus, on constate en bouche que 'la sensation brûlante et desséchante de l'acide acétique est amplifiée par les tanins exogènes', conclut Dominique Delteil.En 1998, la même équipe a voulu évaluer l'effet annoncé sur la couleur et sur le profil sensoriel d'un vin rouge de merlot destiné au marché des vins de cépage à rotation rapide. Deux tanins commerciaux ont été testés, un tanin condensé et un tanin hydrolysable, l'écart de prix entre les deux étant de l'ordre d'un facteur 10. On a ajouté 20 g/hl de tanins à l'encuvage. Après mise en bouteilles, les analyses ne montrent pas de différence d'intensité colorante. L'indice de polyphénols totaux est, lui, plus élevé sur les deux vins traités. L'analyse sensorielle montre que ceux-ci sont plus astringents et asséchants que le témoin.Il semble donc qu'au royaume des tanins, on promette beaucoup mais qu'on obtienne peu, voire encore moins. En attendant les résultats du groupe de travail national et une éventuelle clarification de la réglementation, la prudence semble donc s'imposer.

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