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L'azote sur le rang préserve la vigueur

La vigne - n°96 - février 1999 - page 0

L'herbe induit souvent une diminution de vigueur trop importante, liée à une compétition pour l'azote. En apportant cet élément sur toute la surface d'une parcelle enherbée, on risque de pénaliser encore plus la vigne. Quelques vignerons ont résolu ce problème en localisant la fertilisation sur le rang.

L'enherbement permanent est pratiqué essentiellement dans un objectif de limiter l'érosion ou de maîtriser la vigueur de la vigne. Il permet aussi d'améliorer l'état sanitaire des raisins. Mais cette technique présente des inconvénients.' Elle modifie profondément le comportement de la vigne ', souligne Vincent Dupuch, de la chambre d'agriculture de la Gironde. Les rendements peuvent diminuer, car l'herbe provoque un stress. Elle prélève dans le sol l'eau et l'azote qui lui sont nécessaires, limitant ainsi leur absorption par les souches. Un essai effectué à la chambre d'agriculture de la Gironde démontre que la compétition entre l'herbe et la vigne est importante.La parcelle d'étude a été soumise à plusieurs doses d'apport d'azote. Le témoin n'en reçoit pas. La modalité A a reçu 30 unités d'azote, B : 60 unités, C : 90 unités et D : deux apports de 45 unités. L'épandage a été réalisé sur toute la surface. Ces différentes modalités ont été étudiées afin de comparer le comportement de la vigne, la composition des raisins et la qualité des vins obtenus. Peu de différences sont apparues dans le suivi de la maturation des raisins (anthocyanes, acidité, sucres...). En revanche, à la dégustation, le témoin est significativement moins apprécié que les autres modalités.En ce qui concerne l'étude de la vigueur de la vigne, les bois de taille ont été pesés (voir infographie). On s'aperçoit que pour des apports d'azote de 30 ou 60 unités, le poids des bois de taille est plus faible que pour le témoin (sans apport d'azote). Il faut atteindre des doses de 90 unités pour obtenir une vigueur plus importante, sans pour autant déprécier l'état sanitaire de la vendange. A dose modérée (30 ou 60 unités dans l'essai), une fumure azotée peut donc exacerber la compétitivité de l'herbe au détriment de la vigne : l'azote apporté profitera en priorité à l'herbe et la rendra plus agressive vis-à-vis du cep, provoquant ainsi une baisse de vigueur de ce dernier. L'effet obtenu risque donc d'être à l'inverse de celui souhaité.C'est aussi ce qu'a remarqué Pierre Gouges, du domaine Henri Gouges, à Nuit-Saint-Georges (Côte-d'Or). ' Lorsque je mettais de l'azote en plein à 100 % de la surface des parcelles enherbées, la tonte de l'herbe était plus fréquente car sa pousse était stimulée, ce qui n'était pas le but recherché. De plus, les ceps possédaient un temps de retard au débourrement et présentaient une couleur plus jaune. J'ai alors effectué une localisation avec des granulés, mais il fallait adapter le matériel, ce qui n'est pas très pratique. Maintenant, j'utilise de l'azote liquide, à des doses de 20 unités par hectare environ ', raconte-t-il.A la chambre d'agriculture du Vaucluse, Marc Duplan explique comment compenser les pertes de vigueur et d'azote liées à l'enherbement : ' On peut faire sauter un rang sur deux, mais cela pose un problème car il faut alors faire plusieurs types d'interventions sur la parcelle. Le mieux est de localiser l'apport d'azote, avec des doses qui varient entre 15 et 45 unités/ha, le plus fréquemment entre 25 et 30 '.C'est cette pratique qu'a retenue Michel Hugues, au domaine Montplaisir, à Valréas (Vaucluse). Ses parcelles sont actuellement enherbées avec de la fétuque élevée, qui présente de bonnes racines. ' En 1992 et en 1993, nous avons eu de gros orages et l'érosion a été très importante sur mon exploitation, explique-t-il. J'ai cherché des solutions pour ne plus avoir à remonter toute cette terre. J'ai opté pour l'enherbement en 1993-1994. 'Michel Hugues a alors apporté de l'azote de manière classique. Ses vignes ont commencé à décliner. ' Je me suis renseigné auprès de la chambre d'agriculture. Je mets maintenant de l'azote sur le rang, à la dose de 50 unités par hectare. J'utilise un engrais avec un retardateur d'azote, ce qui permet une libération plus progressive et évite d'avoir des reliquats dans le sol ', explique Michel Hugues.Mais il a fallu adapter le matériel. Michel Hugues a transformé son épandeur afin de pouvoir localiser l'engrais en granulés autour du cep.Pierre Gouges utilise pour sa part de l'azote liquide qu'il applique en même temps que le Roundup avant le débourrement, à l'aide de quatre jets pinceaux. ' Je me suis même aperçu qu'il y avait une synergie entre ces deux produits, note-t-il. Je positionne l'azote en mars. Le produit que j'emploie est à plusieurs étages : il permet une libération progressive de l'azote assimilable par la plante. Au 14 juillet, il n'y a plus rien ', ajoute-t-il.Ces deux producteurs ont trouvé des vertus supplémentaires à l'enherbement. Le système racinaire se développe différemment. L'herbe qui pompe l'eau dans les couches supérieures du sol oblige les racines à plonger plus profondément. ' Un équilibre se crée et la vigne s'habitue. Les racines pénètrent plus profondément et on s'aperçoit qu'il y a une différence plus marquée entre les différentes parcelles : le terroir ressort mieux ', signale Pierre Gouges.Michel Hugues a noté que l'herbe retient les feuilles lorsqu'il y a du vent, ce qui est fréquent dans la région. Ces feuilles ne s'accumulent plus dans les fossés, qui ont donc beaucoup moins besoin d'être curés qu'auparavant. ' La commune a essayé de motiver les producteurs pour enherber, avec des aides. Car elle pense que cela limiterait les risques d'inondation. Mais ce n'est pas dans les pratiques et il y a peu de gens intéressés ', constate Michel Hugues.

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