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Les origines d'un polluant

La vigne - n°92 - octobre 1998 - page 0

Le carbamate d'éthyle est présent dans tous les vins mais surtout dans ceux du quart nord-est de la France. Outre un réel enjeu pour éviter des refus à l'exportation, il est important de comprendre les origines et maîtriser la teneur de cette substance cancérigène.

Dans les vins français, la moyenne en carbamate d'éthyle, pondérée par les quantités de vins produites, est inférieure à 6 microgrammes par litre (ug/l). Cependant, pour les vins produits dans le quart nord-est de la France, un tiers d'entre eux contient plus de 15 ug/l et pour les rouges, 20 % dépassent la dose de 30 ug/l, qui est la limite légale pour l'importation de vins au Canada. Cette limite est en fait abaissée à 21 ug/l par les importateurs eux-mêmes car ils craignent que le vin évolue au cours du vieillissement.Les facteurs responsables de la teneur en carbamate d'éthyle sont nombreux. Le cépage est l'un d'entre eux : les cépages traditionnels de l'est de la France, dont le pinot noir ou blanc, le riesling, le chardonnay et le gewürztraminer, donnent les vins les plus riches en carbamate d'éthyle. Il est cependant probable que le climat et la culture de la vigne sont pour beaucoup dans cette différence. Ainsi, en Espagne, les vins issus de tempranillo situé en altitude contiennent-ils plus de carbamate d'éthyle.La fumure azotée excessive de la vigne (100 kg/ha/an sur du merlot) augmente l'azote total du moût et du vin dans des proportions importantes, de 50 à 150 %. Dans cette expérimentation, la teneur en carbamate d'éthyle des vins jeunes ne semble pas corrélée avec la fumure azotée. Toutefois, le carbamate d'éthyle ' poten- tiel ', révélé par le chauffage du vin à 70°C pendant 72 h, augmente de 35 %.La vinification apporte ensuite des quantités variables de carbamate d'éthyle. Par exemple, pour un nombre limité d'échantillons de vins de Bordeaux, il a été observé qu'une macération finale à chaud pouvait amener quelques microgrammes supplémentaires de carbamate d'éthyle. Le non-éraflage de la vendange (cas de vins expérimentés en Bourgogne) apporte un tiers de carbamate d'éthyle potentiel supplémentaire par rapport aux vins témoins issus de vendanges éraflées. La fermentation alcoolique produit généralement moins de 4 ug/l de carbamate d'éthyle. Quelle que soit la levure utilisée, si le taux d'azote des moûts est faible, le taux de carbamate d'éthyle juste après la fermentation alcoolique l'est aussi. Quant à la fermentation malolactique, sur quatorze vins de cabernet sauvignon, elle avait apporté 5,2 ug/l de carbamate d'éthyle en moyenne et 5,1 ug/l sur seize vins de merlot. Les souches de bactéries lactiques ne semblent pas équivalentes : sur un milieu artificiel identique, Leuconostoc oenos produit 2 ug/l contre 8,1 ug/l pour Lactobacillus plantarum.Après fermentation malolactique, la teneur moyenne des vins en carbamate d'éthyle se situe aux environs de 8 ug/l.Lors de la fermentation malolactique, les bactéries dégradent les acides malique et citrique ainsi que beaucoup d'autres substrats. Si l'activité bactérienne se poursuit après la dégradation de l'acide malique et que le taux d'acide citrique devient inférieur à 100 mg/l, le taux de carbamate d'éthyle augmente vite. Pratiquement aucun vin ne contient moins de 10 ug/l de carbamate d'éthyle lorsque tout l'acide citrique a été dégradé. De même, lors d'un début de piqûre lactique comme il peut se produire lors d'une fermentation malolactique sous marc, les productions d'acide butyrique, d'amines biogènes et de carbamate d'éthyle sont corrélées et d'autant plus amplifiées que le pH est élevé. Sur une quinzaine d'essais comparatifs, il a été montré que la malo sous marc apportait 5 ug/l de carbamate d'éthyle supplémentaire par rapport aux témoins.Pendant le vieillissement, les teneurs des vins sont encore susceptibles d'évoluer. Le risque dépend de la teneur en précurseurs du carbamate d'éthyle, constituants du cycle de l'urée : arginine, citrulline, ornithine et urée. Les essais de chauffage de solutions modèles puis de vins contenant ces précurseurs ont permis de constater que les conditions de chauffe influencent énormément la production de carbamate d'éthyle : en effet, pour des quantités identiques de précurseurs, la quantité de carbamate d'éthyle formée est globalement dix fois plus importante pendant 72 heures à 70°C que pendant dix jours à 40°C. Ces observations ont conduit à la mise au point d'un modèle de prévision de l'évolution dans les vins. L'urée intervient pour les deux tiers de la formation du carbamate d'éthyle au cours du vieillissement en cinq ans. Si ceux-ci contiennent moins de 2 mg/l d'urée, il n'y a généralement pas non plus de quantités notables d'acides aminés précurseurs et on n'observe pratiquement aucune évolution au cours du vieillissement. En revanche, si la teneur en urée est supérieure à 2 mg/l, on peut prévoir une augmentation du carbamate d'éthyle voisine de 20 ug/l.

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