Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 1998

Parité contestée avec le régime général

La vigne - n°88 - mai 1998 - page 0

A prestations égales, cotisations égales. Telle était l'ambition de la réforme des cotisations sociales. Ambition louable qui se révèle néanmoins imparfaite pour l'imposition au réel puisque le calcul des cotisations s'effectue sur l'assiette fiscale et non sur le revenu du travail. Quelques aménagements ont été apportés mais ils restent insuffisants. Parlez-en à vos députés...

Le principal grief des viticulteurs envers la réforme des cotisations sociales est toujours d'actualité : il est injuste de payer des cotisations sur le revenu du capital et non sur le revenu du travail. En réponse à ce sentiment d'iniquité, un rapport sur la parité des différents régimes a été effectué par Yannick Moreau, conseiller d'Etat, à la demande du ministère de l'Agriculture en novembre 1995. Les conclusions de ce rapport sont (trop?) claires : la profession agricole ne paie pas plus de cotisations - voire même moins! - à prestations égales que l'ensemble des actifs français. En effet, le taux de cotisation du régime agricole s'élevait, en 1995, à 38,8 % contre 41,3 % pour le régime général (somme des cotisations patronales et salariales). La différence de 2,5 % se justifiait par l'absence d'indemnités journalières pour les exploitants agricoles et par un calcul de la retraite moins favorable. Les salariés comptabilisent leur retraite sur leurs dix meilleures années, ce qui n'est pas le cas des exploitants. En ce qui concerne les indemnités journalières, la déduction s'avère souvent insuffisante. A titre d'exemple, pour obtenir une indemnité journalière de 355 F/jour en cas d'arrêt maladie de l'exploitant en Bourgogne, le montant de l'assurance s'élève à 10 000 F/an, soit un coût nettement plus élevé que les 1,9 % de déduction du taux global. A la décharge des pouvoirs publics, il faut admettre que les indemnités journalières des salariés sont difficilement transposables au monde agricole. Quand un exploitant est malade, il n'est pas nécessairement remplacé, surtout en période de creux.Quant à l'argument, souvent avancé par la profession, selon lequel les exploitants cotisent sur un revenu non disponible puisqu'il intègre les capitaux investis dans l'exploitation (foncier, plantations, bâtiments, stocks), la réponse du rapport Moreau est la suivante : ' Il résulte de nombreuses simulations que la différence entre les revenus professionnels et les revenus du travail (disponibles) est de l'ordre de 15 %. Ce chiffre, approximatif, n'a pas fait l'objet de contestations. Or, l'assiette des salariés est basée sur le salaire brut alors que celle des exploitants repose sur le revenu net. Cette différence est également évaluée à 15 %, ce qui rétablit la parité '. Sans contestation? Cette interprétation n'est pas du goût de nombreux responsables professionnels, qui ont vu dans le rapport Moreau une véritable provocation.Selon les professionnels, un minimum de 20 % du revenu brut serait réinvesti dans l'entreprise.' Les cultures spécialisées telle que la viticulture sont comparables à l'industrie lourde, témoigne un vigneron. Elles nécessitent d'énormes investissements, génèrent de gros chiffres d'affaires pour un revenu disponible assez faible, comparé aux autres secteurs économiques, notamment le tertiaire. ' En 1986, le conseil économique et social estimait que pour créer 1 F de richesse, il fallait 8 F dans l'agriculture contre 2,40 F dans l'industrie. Ces données restent très générales mais elles montrent que la différence entre le revenu du capital et du travail varie énormément selon le secteur d'activité. Ce dont les pouvoirs politiques ne veulent pas tenir compte (voir encadré ' Un doux rêve : payer des cotisations selon l'intensité capitalistique de son entreprise ', page 41).Depuis janvier 1990, quelques réajustements ont été obtenus, fruits de nombreuses manifestations : possibilité de calculer les cotisations sur l'année n et non sur une moyenne triennale, déduction d'une partie des investissements, ou encore déduction partielle de la rente du sol.Mais d'autres désavantages sont également apparus, comme l'augmentation du taux de cotisations pour financer l'exo-jeune, le calcul de la CSG sur l'assiette triennale et non sur l'année n, ou encore l'accroissement de la CSG, insuffisamment compensée par une baisse du taux Amexa. De nombreux points restent à régler, qui dépendent en partie d'une réforme fiscale. Cette situation risque donc de perdurer encore quelques décennies. ' Globalement, ce sont les vignerons au réel, dont le bénéfice agricole n'est pas suffisamment élevé (moins de 700 000 à 800 000 F) pour créer une société intéressante, qui subissent certaines injustices, témoigne un juriste. Pour les petits revenus, le calcul est équitable, voire avantageux. 'Malgré des imperfections persistantes, l'équilibre est donc en passe d'être atteint entre l'ensemble des cotisants français pour le régime de base. En ce qui concerne les régimes complémentaires de retraite, les différences restent encore très importantes. Elles sont légitimes quand elles sont le résultat d'importantes cotisations des actifs d'une profession. Mais quand c'est l'Etat qui finance partiellement les régimes spéciaux (SNCF, EDF, RATP, Banque de France) avec des retraites anticipées, il flotte comme un air d'injustice. Ces avantages particuliers des régimes spéciaux coûtent chaque année environ 50 milliards de francs aux contribuables. La première tentative d'harmonisation s'est soldée par la grève de décembre 1995. Qui osera reprendre le flambeau?

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :