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L'air de la nuit rafraîchit les chais

La vigne - n°81 - octobre 1997 - page 0

La climatisation n'est pas le seul moyen de rafraîchir les chais. La ventilation nocturne y parvient également et à moindre coût.

La climatisation n'est pas le seul moyen de rafraîchir les chais. La ventilation nocturne y parvient également et à moindre coût.

Lorsqu'il s'agit de préparer un lot de bouteilles, Jean-Michel Pokee commence tôt. Il se rend dans son chai dès six heures du matin. Le bâtiment est frais, même au plus fort de l'été. ' Quand on démarre, on arrive à avoir 13°C. Il fait presque froid ', explique ce vigneron de Saint-Seurin-de-Cadourne, dans le nord du Médoc.Ce n'est pas que la climatisation tourne à fond : il n'y en a pas. Jean-Michel Pokee n'a pas eu les moyens de l'installer. Il s'est contenté de faire percer deux murs : celui exposé à l'est pour y loger en hauteur un puissant ventilateur et celui exposé à l'ouest pour y tailler, à quelques centimètres du sol, une entrée d'air d'une surface inférieure au m². Cette ouverture est protégée des voleurs par une grille. ' Il y en a pour 3 300 F de matériel et 1 000 F d'installation ', explique-t-il. Le chai mesure 20 m de long, 10 m de large et 7 m de haut. Il abrite les cuves de vinification et de stockage et la chaîne d'habillage.Le ventilateur s'enclenche la nuit. Lorsqu'il tourne, on sent nettement qu'un courant d'air parcourt le château la Hontête, situé à quelques mètres de l'embouchure de la Gironde. Si près de ce fleuve, les températures descendent souvent autour de 8 à 9°C au cours des nuits de juillet et d'août. Elles sont assez basses pour venir à bout de la chaleur qui s'est accumulée le jour. ' C'est tout ce qu'il y a de plus simple. Le système est installé depuis deux ans et fonctionne très bien ', apprécie notre interlocuteur.A quelques kilomètres vers l'intérieur des terres : Vertheuil. Jacques Pedro y possède son chai à barriques. Fin juillet l'an dernier, il l'a équipé d'une ventilation semblable à celle de son voisin. L'aspiration est située au-dessus des combles. L'air pénètre dans le bâtiment par des meurtrières taillées dans la façade ouest. Le jour, ces meurtrières sont fermées par des volets en bois. Avant de quitter les lieux, on décroche les volets pour qu'ils puissent s'ouvrir sous la poussée de l'arrivée d'air.' Je maintiens 17-18°C lorsqu'il fait vraiment chaud, affirme le propriétaire du château Meynieu. Avant d'avoir la ventilation, on montait à 19, voire 20°C. ' Pour parvenir à ce résultat, Jacques Pedro a dû faire quelques réglages dans l'installation qu'il a posée lui-même. Il avait réparti des évacuations d'air sur toute la surface du plafond du chai. Il a dû fermer celles qui étaient les plus proches des meurtrières afin d'allonger le parcours du courant de fraîcheur. ' Il faut que l'air balaie tout le chai pour que ce soit efficace. 'Le ventilateur tourne dès que la température extérieure est inférieure de 2°C à celle du chai. Il aspire 16 000 m³/h. Le chai occupe 1 560 m³. Le volume d'air est donc renouvelé dix fois par heure. Malgré cela, il n'y a pas d'augmentation de la consume.Jacques Pedro n'est pas satisfait de son installation. Il juge que ses barriques ont un peu trop chaud : ' Il faudrait arriver autour de 15 à 16°C. ' Pour y parvenir, il envisage de climatiser son chai.A Saint-Emilion, au château Laroze, règnent les mêmes températures : 19°C au maximum en été. A la différence de son confrère, Guy Meslin s'en accommode parfaitement. Elles permettent à ses vins d'évoluer à un rythme suffisant pour être mis en bouteilles après douze à quatorze mois d'élevage.Malgré la température que d'aucuns pourraient juger élevée pour un chai à barriques, Guy Meslin n'observe aucune déviation. ' Il faut une hygiène rigoureuse, ne pas laisser de creux et garder la bonde propre, poursuit notre interlocuteur, Pour que le système marche, il doit fonctionner tôt, dès le mois de mai. 'Comme d'autres, ces trois vignerons se sont fournis auprès de la société AEIB (Ateliers électriques et industriels du Bordelais). Ce fabricant de ventilateurs bat le vignoble girondin depuis plusieurs mois pour placer ses équipements. A en juger par la liste de ses références, il parvient à ses fins.' Nous intervenons pour utiliser au mieux les frigories gratuites de la nuit ', explique Robert Aznar. Ses fonctions technico-commerciales l'amènent à dimensionner les installations. ' Entre 8 000 et 30 000 F, on équipe la plupart des chais, assure-t-il, et les coûts de fonctionnement sont ridicules. On ventile environ trois heures par nuit. Cela représente au maximum 10 kW, soit 5 F, c'est très faible. 'Un équipement complet comprend le ventilateur, les sondes de température, l'armoire de commandes et le système qui analyse le différentiel de température entre l'intérieur et l'extérieur des bâtiments. Chacun peut régler le différentiel à la hauteur qu'il souhaite mais en général, il est fixé à 2 ou 3°C. Dès que cet écart est atteint, l'armoire commande le démarrage du ventilateur. ' Si le chai est bien fait, on ne dépasse pas 19 à 20°C, garantit Robert Aznar. En revanche, si l'objectif est de ne pas dépasser 17°C, il faut climatiser. 'Par son dynamisme commercial, AEIB relance un moyen de maîtriser les températures que la vogue de la climatisation avait presque relégué dans l'oubli. En fait, cette société n'introduit pas de principe nouveau. On trouve çà et là des chais ventilés de longue date. Souvent, leurs propriétaires en sont satisfaits mais leur choix n'a pas fait école, les installateurs préférant promouvoir et vendre la climatisation, plus lucrative.Il en est ainsi de Didier Richou, un vigneron du Maine-et-Loire. En 1989, il construit un chai de stockage à Mozé-sur-Louet, entre Angers et la vallée du Layon. Il l'équipe d'un ventilateur relié à un thermostat réglé à 13-14°C. ' A l'époque, je ne savais pas si ça allait marcher ', se souvient-il. Par prudence, il dispose un réseau de tuyaux sur le sol avant de couler la chape de ciment. En cas de besoin, il n'aura qu'à le relier à une centrale d'eau froide. Il n'a pas eu à le faire. ' Je tourne autour de 14°C à moindres frais, assure ce vigneron. Je les maintiens même lors des étés chauds. ' Grâce à l'isolation, la température varie peu au cours de la journée. Didier Richou trouve un autre avantage à son système : ' Les bouteilles restent propres. Il n'y a pas de moisissures. Je n'ai pas besoin de les laver avant de les étiqueter. 'Avant d'envisager ce moyen de rafraîchir son chai, il faut se soucier de son voisinage. La ventilation présente l'inconvénient d'émettre un bourdonnement que quelques oreilles supportent d'autant moins qu'il démarre en plein milieu de ces nuits d'été où l'on garde les fenêtres ouvertes pour trouver le sommeil...

Lorsqu'il s'agit de préparer un lot de bouteilles, Jean-Michel Pokee commence tôt. Il se rend dans son chai dès six heures du matin. Le bâtiment est frais, même au plus fort de l'été. ' Quand on démarre, on arrive à avoir 13°C. Il fait presque froid ', explique ce vigneron de Saint-Seurin-de-Cadourne, dans le nord du Médoc.Ce n'est pas que la climatisation tourne à fond : il n'y en a pas. Jean-Michel Pokee n'a pas eu les moyens de l'installer. Il s'est contenté de faire percer deux murs : celui exposé à l'est pour y loger en hauteur un puissant ventilateur et celui exposé à l'ouest pour y tailler, à quelques centimètres du sol, une entrée d'air d'une surface inférieure au m². Cette ouverture est protégée des voleurs par une grille. ' Il y en a pour 3 300 F de matériel et 1 000 F d'installation ', explique-t-il. Le chai mesure 20 m de long, 10 m de large et 7 m de haut. Il abrite les cuves de vinification et de stockage et la chaîne d'habillage.Le ventilateur s'enclenche la nuit. Lorsqu'il tourne, on sent nettement qu'un courant d'air parcourt le château la Hontête, situé à quelques mètres de l'embouchure de la Gironde. Si près de ce fleuve, les températures descendent souvent autour de 8 à 9°C au cours des nuits de juillet et d'août. Elles sont assez basses pour venir à bout de la chaleur qui s'est accumulée le jour. ' C'est tout ce qu'il y a de plus simple. Le système est installé depuis deux ans et fonctionne très bien ', apprécie notre interlocuteur.A quelques kilomètres vers l'intérieur des terres : Vertheuil. Jacques Pedro y possède son chai à barriques. Fin juillet l'an dernier, il l'a équipé d'une ventilation semblable à celle de son voisin. L'aspiration est située au-dessus des combles. L'air pénètre dans le bâtiment par des meurtrières taillées dans la façade ouest. Le jour, ces meurtrières sont fermées par des volets en bois. Avant de quitter les lieux, on décroche les volets pour qu'ils puissent s'ouvrir sous la poussée de l'arrivée d'air.' Je maintiens 17-18°C lorsqu'il fait vraiment chaud, affirme le propriétaire du château Meynieu. Avant d'avoir la ventilation, on montait à 19, voire 20°C. ' Pour parvenir à ce résultat, Jacques Pedro a dû faire quelques réglages dans l'installation qu'il a posée lui-même. Il avait réparti des évacuations d'air sur toute la surface du plafond du chai. Il a dû fermer celles qui étaient les plus proches des meurtrières afin d'allonger le parcours du courant de fraîcheur. ' Il faut que l'air balaie tout le chai pour que ce soit efficace. 'Le ventilateur tourne dès que la température extérieure est inférieure de 2°C à celle du chai. Il aspire 16 000 m³/h. Le chai occupe 1 560 m³. Le volume d'air est donc renouvelé dix fois par heure. Malgré cela, il n'y a pas d'augmentation de la consume.Jacques Pedro n'est pas satisfait de son installation. Il juge que ses barriques ont un peu trop chaud : ' Il faudrait arriver autour de 15 à 16°C. ' Pour y parvenir, il envisage de climatiser son chai.A Saint-Emilion, au château Laroze, règnent les mêmes températures : 19°C au maximum en été. A la différence de son confrère, Guy Meslin s'en accommode parfaitement. Elles permettent à ses vins d'évoluer à un rythme suffisant pour être mis en bouteilles après douze à quatorze mois d'élevage.Malgré la température que d'aucuns pourraient juger élevée pour un chai à barriques, Guy Meslin n'observe aucune déviation. ' Il faut une hygiène rigoureuse, ne pas laisser de creux et garder la bonde propre, poursuit notre interlocuteur, Pour que le système marche, il doit fonctionner tôt, dès le mois de mai. 'Comme d'autres, ces trois vignerons se sont fournis auprès de la société AEIB (Ateliers électriques et industriels du Bordelais). Ce fabricant de ventilateurs bat le vignoble girondin depuis plusieurs mois pour placer ses équipements. A en juger par la liste de ses références, il parvient à ses fins.' Nous intervenons pour utiliser au mieux les frigories gratuites de la nuit ', explique Robert Aznar. Ses fonctions technico-commerciales l'amènent à dimensionner les installations. ' Entre 8 000 et 30 000 F, on équipe la plupart des chais, assure-t-il, et les coûts de fonctionnement sont ridicules. On ventile environ trois heures par nuit. Cela représente au maximum 10 kW, soit 5 F, c'est très faible. 'Un équipement complet comprend le ventilateur, les sondes de température, l'armoire de commandes et le système qui analyse le différentiel de température entre l'intérieur et l'extérieur des bâtiments. Chacun peut régler le différentiel à la hauteur qu'il souhaite mais en général, il est fixé à 2 ou 3°C. Dès que cet écart est atteint, l'armoire commande le démarrage du ventilateur. ' Si le chai est bien fait, on ne dépasse pas 19 à 20°C, garantit Robert Aznar. En revanche, si l'objectif est de ne pas dépasser 17°C, il faut climatiser. 'Par son dynamisme commercial, AEIB relance un moyen de maîtriser les températures que la vogue de la climatisation avait presque relégué dans l'oubli. En fait, cette société n'introduit pas de principe nouveau. On trouve çà et là des chais ventilés de longue date. Souvent, leurs propriétaires en sont satisfaits mais leur choix n'a pas fait école, les installateurs préférant promouvoir et vendre la climatisation, plus lucrative.Il en est ainsi de Didier Richou, un vigneron du Maine-et-Loire. En 1989, il construit un chai de stockage à Mozé-sur-Louet, entre Angers et la vallée du Layon. Il l'équipe d'un ventilateur relié à un thermostat réglé à 13-14°C. ' A l'époque, je ne savais pas si ça allait marcher ', se souvient-il. Par prudence, il dispose un réseau de tuyaux sur le sol avant de couler la chape de ciment. En cas de besoin, il n'aura qu'à le relier à une centrale d'eau froide. Il n'a pas eu à le faire. ' Je tourne autour de 14°C à moindres frais, assure ce vigneron. Je les maintiens même lors des étés chauds. ' Grâce à l'isolation, la température varie peu au cours de la journée. Didier Richou trouve un autre avantage à son système : ' Les bouteilles restent propres. Il n'y a pas de moisissures. Je n'ai pas besoin de les laver avant de les étiqueter. 'Avant d'envisager ce moyen de rafraîchir son chai, il faut se soucier de son voisinage. La ventilation présente l'inconvénient d'émettre un bourdonnement que quelques oreilles supportent d'autant moins qu'il démarre en plein milieu de ces nuits d'été où l'on garde les fenêtres ouvertes pour trouver le sommeil...

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