Publié le mercredi 23 novembre 2011 - 15h52
Alors que l’attente se fait pressante en Languedoc pour des variétés résistantes au mildiou et à l’oïdium, François Houllier, directeur général délégué de l’Inra, clarifie la position de l’institut sur le sort des variétés résistantes développées par Alain Bouquet, les premières qui pourraient être diffusées. « Nous prendrons une décision au plus tard en 2013 pour les variétés Bouquet », explique-t-il dans une interview accordée à « La Vigne ».
François Houllier, directeur général délégué de l'Inra. © C. MAITRE/INRA
La Vigne : Les viticulteurs, notamment en Languedoc, sont en attente de variétés résistantes au mildiou et l’oïdium. L’Inra est-il en mesure de répondre à cette attente ou faudra-t-il avoir recours à des variétés développées en Suisse ou en Allemagne ?
François Houllier : L’Inra est résolu à répondre aux attentes des producteurs. Pour cela nous menons plusieurs travaux. Grâce aux travaux pionniers d’Alain Bouquet, nous disposons de matériel végétal présentant une excellente résistance à l’oïdium, et un niveau élevé de résistance au mildiou. Mais le caractère supposé monogénique de ces résistances représente un danger pour leur durabilité.
En théorie, les risques de contournement sont accrus avec les résistances monogéniques. Le mildiou est un champignon capable de muter très rapidement pour contourner la résistance. Nous en avons fait l’expérience avec la pomme de terre ou le tournesol.
C’est la raison pour laquelle, nous avons développé dès 2000 un programme de sélection de variétés résistantes, qui disposent d’au moins un autre gène de résistance, en plus de ceux utilisés par Bouquet. Ce caractère polygénique garanti une plus grande durabilité de la résistance.
L’Inra va-t-il diffuser les variétés développées par Alain Bouquet ?
F. H. : La décision n’est pas prise à ce jour. Nous nous donnons encore du temps pour bien estimer le risque. Une fois la résistance est contournée, l’intérêt du gène concerné est perdu pour toujours. Cela compromettrait non seulement les variétés de Bouquet, mais aussi les variétés polygéniques en cours de développement. Il faudrait repartir à zéro.
En tant qu’organisme public de recherche, l’Inra ne peut pas se permettre de gaspiller cette ressource : c’est une vraie responsabilité. Si dans les deux ans, la résistance est contournée, ceux-là même qui nous reprochent de ne pas diffuser les variétés à résistance monogénique seraient les premiers à nous incriminer.
Nous prenons le temps d’approfondir nos connaissances sur les mécanismes de résistances pour prendre notre décision en toute connaissance de cause. Les variétés de Bouquet sont inscriptibles au catalogue en 2013. Nous nous donnons jusqu’à cette date pour nous déterminer.
Jean-Pierre Van Ruys, le directeur de l’IFV, suggère une diffusion encadrée des variétés de Bouquet. Les viticulteurs qui souhaitent les tester seraient autorisés à le faire s’ils s’engagent à assurer au besoin deux à trois traitements par an pour éviter les risques de contournement. Comment réagissez-vous à cette suggestion ?
F. H. : C’est un sujet que nous avons effectivement débattu à l’IFV. La discussion a d’ailleurs été vive et stimulante. Nous ne nous interdisons pas de partir dans cette direction. Mais il faut mieux cerner les surfaces qui pourraient être plantées et envisager les possibilités d’encadrement.
Le risque de contournement n’est pas le même si nous plantons une centaine d’hectares disséminés sur une grande région ou si un millier d’hectares sont plantés dans un espace resserré. Nous avons donc demandé à l’IFV de nous chiffrer les surfaces qui pourraient être plantées si nous diffusions les variétés monogéniques et leur répartition dans l’espace.
Il faudra également réfléchir à la mise en place de ce suivi technique et à son financement car, bien sûr, il y aura un coût. Toutes ces questions doivent être réglées si on veut pouvoir s’engager dans cette voie.
À lire dans « La Vigne » de décembre, une enquête sur la volonté du Midi d’expérimenter à grande échelle les cépages résistants.
Propos recueillis par Michèle Trévoux
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