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Stéphane Le Foll « Je suis venu pour redonner confiance dans l’avenir »

Publié le dimanche 01 septembre 2013 - 12h40

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Le 30 août, Stéphane Le Foll, le ministre de l'Agriculture, s’est rendu en Gironde sur deux exploitations sévèrement touchées par la grêle du 2 août. Il a promis que tous les services publics se coordonneraient pour venir en aide aux victimes et leur faciliter la vie. Il a expliqué que l’assurance récolte ne pouvait pas être rendue obligatoire, mais qu’elle devrait être rapidement améliorée.

Stéphane Le Foll, le ministre de l'Agriculture, sur une exploitation sévèrement touchée par la grêle en Gironde. © B. COLLARD

Stéphane Le Foll, le ministre de l'Agriculture, sur une exploitation sévèrement touchée par la grêle en Gironde. © B. COLLARD

« On s’est fait mitrailler, monsieur le ministre. Nous avons perdu 60 % de notre récolte, même plus. Regardez. » Et Yannick Sabaté tend à Stéphane Le Foll une grappe ravagée par la grêle du 2 août. Seules quelques baies ont survécu à la mitraille. Le vigneron a pris la première grappe venue. Il n’a pas eu à choisir : elles sont toutes pareilles.

Nous sommes dans une vigne du château Fontbaude, à Saint-Magne-de-Castillon (Gironde), un village dans la vaste zone touchée par la grêle catastrophique du 2 août. Cette exploitation est la première que Stéphane Le Foll visite le vendredi 30 août pour constater l’ampleur des dégâts. Yannick Sabaté la conduit avec son frère Christian. En temps normal, leur propriété de 20 ha produit 950 hl par an sous l’appellation Castillon Côtes de Bordeaux. Cette année, ils devront se contenter de 200 à 250 hl.

Stéphane Le Foll saisit la grappe que son hôte lui tend. Les photographes mitraillent la scène. Puis le ministre reprend la parole. « Il est rare de voir de tels dégâts. On va mettre en place un accompagnement. On va s’organiser. »

« Concrètement, monsieur le ministre, ça donne quoi ? » demande une journaliste.

Et Stéphane Le Foll poursuit son explication. Il parle « d’organisation » pour venir en aide aux victimes. Il dit qu’il est venu « pour redonner confiance dans l’avenir ».

Une nouvelle fois, la journaliste lui demande d’être plus concret.

« Concrètement, avec vous, les journalistes, c’est combien ? Eh bien, ce n’est pas comme ça que ça se passe », s’agace Stéphane Le Foll. Le ministre veut être très clair là-dessus. Il n’est pas venu pour distribuer des enveloppes. Il n’en a pas.

Il est 11 h 35. Cela fait seulement dix minutes qu’il est sur l’exploitation des frères Sabaté et, déjà, il est temps de partir. Ce matin, son avion a atterri à Bordeaux avec une heure de retard. Il doit rattraper le temps perdu. Il s’engouffre dans sa voiture et son convoi derrière lui. Et tout le cortège fonce pied au plancher vers la seconde exploitation qu’il doit visiter, à 25 km de là : le château de Castelneau, à Saint-Léon, dirigé par Loïc de Roquefeuil.

Aucune récolte au château de Castelneau

À peine 20 minutes plus tard, nous sommes sur les lieux. Castelneau a subi d’encore plus lourds dégâts que Fontbaude. Loïc de Roquefeuil dit qu’il ne récoltera rien sur ses 30 ha. « Tout est anéanti. Il ne reste pas une seule grappe, montre-t-il au ministre. J’avais trouvé des marchés à l’export. Je n’ai pas de vins en stock. Je n’aurai rien à vendre l’année prochaine. Et en ce moment, nous sommes obligés d’épamprer, ce qui n’est pas du tout normal. »

La grêle a totalement dénudé la parcelle où le viticulteur accueille le ministre et sa suite. Après quoi les pieds se sont remis à bourgeonner émettant ça et là des pousses plus menues que des entrecœurs et des pampres que Loïc de Roquefeuil ne veut pas laisser se développer.

C’est alors que Bernard Daraignes, coopérateur et entrepreneur de travaux viticoles à Espiet (Gironde), à 6 km de là, prend la parole. Il n’était pas invité. Mais il est quand même venu. Son exploitation et tous ses clients se trouvent dans la zone grêlée. Il estime avoir perdu 80 % de sa récolte. « Je devais venir travailler chez monsieur de Roquefeuil le 5 août, explique-t-il. La grêle a tout annulé. Depuis, mon entreprise est totalement arrêtée. »

Il explique encore au ministre qu’il « faut 4 000 à 5 000 €/ha pour faire venir une récolte », que « des viticulteurs seront obligés d’arrêter ».

Guichet unique

Mais Stéphane Le Foll à l’œil ailleurs. Il est 12 h 05. Un direct avec France 3 se prépare. On lui fait signe que la liaison est établie. Il interrompt la discussion pour se poster devant la caméra. Mais le direct ne vient pas. « À chaque fois c’est pareil », peste Stéphane Le Foll. On lui demande de patienter encore un peu. Peine perdue.

Rapidement, il revient vers les viticulteurs pour promettre que les services de l’État, les collectivités locales et la MSA vont se coordonner pour apporter à chaque sinistré une aide « spécifique », « précise » et « adaptée à chaque situation ».

Ces aides, ce seront des dégrèvements de taxes, des reports de cotisations MSA et surtout des prêts de trésorerie à taux zéro. Le ministre ne l’annonce pas explicitement, mais la Directions départementales des territoires et de la mer de Gironde va ouvrir un guichet unique où les viticulteurs déposeront leur dossier. Ils n’auront alors qu’un seul interlocuteur pour discuter de toutes les mesures auxquelles ils pourront prétendre.

Bernard Daraignes reprend la parole. « Je vais licencier un salarié. Je n’ai pas de trésorerie pour continuer. Si je n’ai pas d’aide, je ne pourrai tout simplement pas faire venir la récolte 2014. » Il explique qu’il faut « débloquer des terrains à bâtir » pour que les sinistrés puissent vendre ou hypothéquer quelques arpents de vigne qui ont perdu une bonne part de leur valeur agricole. Loïc de Roquefeuil l’interrompt. Il n’est pas d’accord pour « faire venir des citadins ».

Stéphane Le Foll n’entre pas dans le débat. Il parle à nouveau de méthode. « Il ne faut pas laisser chacun chercher sa propre solution. Tout le monde est touché. Il faut coordonner les actions pour redonner confiance. » Il faut aussi éviter que des opportunistes tirent profit de la situation en obtenant des aides indues. Tout le monde acquiesce.

« Pas là pour distribuer une enveloppe »

Puis vient une question sur l’assurance récolte qu’il faudrait rendre obligatoire. « L’assurance obligatoire, c’est contre les tiers, indique le ministre. Là, on s’assure pour soi. On ne peut pas la rendre obligatoire. Mais les aléas sont de plus en plus forts, de plus en plus préoccupants. Il faut que l’on voie comment mieux mutualiser le système assurantiel qui existe. Il y a un groupe de travail sur ce sujet qui va faire des propositions d’ici un ou deux mois. »

Puis il répète qu’il « n’est pas là pour distribuer une enveloppe, mais pour mieux répondre aux besoins », qu’il « faut organiser la solidarité », que « les réponses vont se structurer au fur et à mesure. Nous allons utiliser tout ce qui est autorisé pour faciliter la vie des viticulteurs ».

Et déjà le cortège s’en va. Un déjeuner de travail attend le ministre au centre œnologique de Grézillac (Gironde). Loïc de Roquefeuil a la tête ailleurs. Il n’a pas de récolte. Il n’est pas assuré. Il vend 80 % de sa production en bouteilles, autour de 3 euros le col. Acheter de la vendange ? « C’est de la folie, répond-il. On l’achète au prix où on va la revendre, juste pour éviter de perdre des marchés. On parle de commerce équitable dans le monde alors que cela n’existe même pas chez nous. » Même si les services publics se mettent en quatre pour leur venir en aide, les sinistrés devront trouver seuls le ressort pour surmonter le désastre.

Un laboratoire d’analyse également touché

Le centre œnologique de Grézillac se trouve au cœur de la zone sinistrée. « 100 % des hectares touchés par la grêle du 2 août sont chez nous », indique Pascal Darjo, le responsable du laboratoire d’analyse qui traite 100 000 échantillons par an pour 900 clients. Il s’attend à une baisse de 30 à 40 % de son activité. « Nous avons déjà annulé tous les contrats de saisonniers : les trois au labo et l’œnologue conseil. Fin novembre, lorsque les vinifications seront terminées, nous ferons le point. Mais nous envisageons d’ores et déjà de mettre des salariés permanents au chômage partiel. »

Bertrand Collard

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