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Loi Evin La cour d’appel de Versailles résiste à la Cour de cassation

Publié le mercredi 09 avril 2014 - 16h53

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Contrairement à la Cour de cassation, la cour d’appel de Versailles a jugé légale la campagne de l’interprofession des vins de Bordeaux attaquée par l’Anpaa. Un coup de théâtre juridique qui se fonde sur un rappel de l’esprit initial de la loi Évin.

Contre toute attente, les juges de la cour d’appel de Versailles ont refusé, le 3 avril, de suivre leurs confrères de la Cour de cassation. Ils ont déclaré conformes à la loi Évin les visuels de la campagne « Portraits de Vignerons », lancée par le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) en 2005. Et ils ont minutieusement argumenté leur décision.

De l’avis des spécialistes de la loi Évin, cet arrêt du 3 avril est un cas très rare de résistance des juges d’appel à leurs confrères de la Cour de cassation.

La campagne de publicité du CIVB montre des jeunes gens modernes et souriants, ce qui n’a pas plu à l’Anpaa.La cour d’appel de Versailles avait à se prononcer sur l’affaire opposant le CIVB à l’Anpaa (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie) à propos des visuels de la campagne « Portraits de Vignerons ». Ces visuels montraient des vignerons souriants, un verre à la main. L’Anpaa les a jugés contraires à la loi Évin et attaqué le CIVB devant les tribunaux.

LES FAITS

Le 23 février 2012, la Cour de cassation, juge suprême de l’ordre judiciaire, avait tranché en faveur de l’association. Elle a cassé le précédent jugement, rendu en faveur du CIVB. Et elle a renvoyé l’affaire devant la cour de Versailles pour qu’elle soit rejugée. À ce moment, pour beaucoup, la messe était dite : avec son jugement, la Cour de cassation avait clairement indiqué à la cour de Versailles (cour de renvoi), la voie à suivre.

Mais les juges versaillais ont fait leur propre analyse. En premier lieu, ils sont revenus aux fondements de la loi Évin. Conformément au raisonnement du Conseil constitutionnel saisi après l’adoption de cette loi, ils rappellent que « la publicité en faveur d’une boisson alcoolique demeure […] licite, la loi [Évin] se bornant, dans un but de prévention d’une consommation excessive, à limiter ses modalités ». Donc, « la créativité des annonceurs [est] seulement encadrée et non totalement muselée ».

HUMOUR

Après avoir posé la règle, les juges de la cour de renvoi se livrent à une analyse détaillée des visuels litigieux. Ils relèvent d’abord que les personnages y figurant sont des membres de la filière des vins de Bordeaux, et ne sont pas assimilables à des consommateurs. Ils précisent ensuite qu’ils tiennent des verres très partiellement remplis. Ceci montre « l’idée d’une dégustation, en petite quantité ». Enfin, avec beaucoup d’humour, ils reconnaissent que les visuels attaqués dégagent une « impression incontestable de plaisir », qui demeure licite, « les annonceurs ne pouvant […] être tenus […] de représenter des professionnels grincheux, au physique déplaisant et paraissant dubitatifs sur les qualités des produits » présentés.

Que va-t-il se passer suite à cet arrêt ? Si l’Anpaa décide d’en rester là, c’est la décision de la cour d’appel de renvoi qui s’applique : l’association de lutte contre l’alcoolisme est condamnée aux dépens et elle devra en outre verser 2 000 euros au profit du CIVB et la même somme au profit de la régie publicitaire en charge de la campagne.

« FAIRE ÉVOLUER LA JURISPRUDENCE »

Si l’Anpaa décide de se pourvoir en cassation, il faudra attendre une nouvelle décision de la cour suprême réunie en assemblée plénière.

Une chose est sûre, l’arrêt de renvoi rendu ce 3 avril par la cour d’appel de Versailles apporte de belles munitions à tous ceux confrontés aux attaques de l’Anpaa. Parmi eux, Pascal Goyard, spécialiste de la loi Évin, jubile : « Ces dernières années, la politique judiciaire menée par l’Anpaa est devenue extrémiste. En visant la consommation d’alcool plutôt que l’abus d’alcool, cette association est allée trop loin. Certains juges s’en rendent compte et pourraient bien faire évoluer la jurisprudence. »

Aurélia Autexier

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