Insolite Des vignes chez les Ch’tis

Publié le samedi 04 avril 2015 - 10h00

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Des pieds de vigne plantés à Boulogne-sur-Mer, des vendanges sur un terril près de Béthune… La région Nord-Pas-de-Calais, connue pour sa bière, s’ouvre à la culture du vin, rendue possible par le réchauffement climatique qui risque de bouleverser la cartographie viticole.

Les vignes plantées sur les terrils bénéficient du micro-climat de ces collines artificielles. ©J.BEN AZZOUZ/LA VOIX DU NORD/MaxPPP

« On a les vignes les plus septentrionales de France, ce n’est pas peu de chose ! », lance Laurent Wacogne. Ce maître sommelier de 50 ans a eu un déclic en 2004, lorsqu’il a été invité à l’inauguration de la route du vin, dans le Kent, en Angleterre. « S’il y a du vin chez eux, pourquoi pas chez nous? » a-t-il remarqué.

Aidé par la mairie de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), il obtient une parcelle idéalement située avec vue sur le clocher de la cathédrale Notre-Dame et sur la Manche, qu’il plante en mai 2014. « Notre atout est d’avoir le vignoble face à la mer, avec une parcelle très pentue, comme à Collioure !, confie-t-il. Cet air salin et iodé peut apporter un goût et un style différents dans la viticulture. »

PREMIÈRES VENDANGES EN 2017

Il y a quelques semaines, il a respecté l’adage « taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars », en coupant son millier de pieds de chardonnay venus de Bourgogne, avec ses amis bénévoles. La première vendange du « Vallon de Notre-Dame » est prévue en octobre 2017.

L’idée de faire du vin à de telles latitudes ne surprend pas Dominique Moncomble, ingénieur agronome et directeur technique au Comité interprofessionnel du vin de Champagne. « Personne ne peut le contester, les aptitudes à la viticulture remontent vers le nord avec le changement climatique, fait-il remarquer. Quand on prend un degré de température, on étend les limites de la vigne de 150 km au nord. La cartographie du vin va changer et c’est passionnant. Il faut essayer, vinifier et goûter, ce qu’ont fait toutes les régions viticoles du monde qui, progressivement et par empirisme, sont arrivées à l’encépagement actuel », ajoute-t-il.

Un peu plus au sud, le vertigineux terril d’Haillicourt, dans l’ex-bassin minier, a déjà offert à quelques chanceux ses premières bouteilles de « Charbonnay ». « On a produit 140 bouteilles en 2013 et 300 bouteilles après les dernières vendanges », dit Olivier Pucek, à l’origine de cet étonnant projet, qui a débuté en mars 2011 avec les premières plantations.

« Je suis surpris par les arômes présents ce vin, explique à son tour Henri Jammet, viticulteur en Charente, qui conseille ses amis Nordistes. Je ne pensais pas qu’on pouvait avoir des maturités aussi complètes. On obtient un vin qui a de la charpente et une acidité tout à fait convenable. »

UN ATTRAIT TOURISTIQUE

Mais comme pour le futur Vallon de Notre-Dame, il n’est pas possible d’acheter ces vins du Nord. « Nous avons créé une association qui rassemble les amateurs du Charbonnay. Ils reçoivent une seule bouteille en échange d’une adhésion à 40 euros, car nous n’avons pas de titres commerciaux », souligne Olivier Pucek.

Car ce vin original intrigue. Au bar Le Mustang, à Haillicourt, Franck Sénéchal, le patron, reçoit régulièrement des touristes désireux de goûter ce blanc. « L’autre jour, deux Américains, qui avaient vu un reportage sur ce vin à la télévision, ont voulu m’acheter 400 bouteilles et étaient prêts à mettre un chèque de 16 000 euros sur la table. »

AFP