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Boris Pétric La Chine, « premier vignoble mondial d’ici cinq ans »

Publié le lundi 02 décembre 2013 - 17h06

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Boris Pétric, anthropologue du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), a mené une enquête de terrain de deux mois dans les principales régions viticoles en Chine. Compte tenu des vignobles en cours de réalisation, il soutient que la Chine sera le premier vignoble au monde en superficie et en volume d’ici cinq ans.

Boris Pétric, anthropologue au CNRS © Jean-François Dars/CNRS

Boris Pétric, anthropologue au CNRS © Jean-François Dars/CNRS

La Vigne : Quelle est la stratégie de la Chine en matière de viticulture?

Boris Pétric : C’est une stratégie très claire de développement. D’abord pour des raisons de politique intérieure afin d’implanter des vignobles dans des régions pauvres qui ont du mal à décoller économiquement et dans des régions désertiques, où la vigne fixe le sable pour empêcher les tempêtes de sable sur les villes. Il s’agit également de lutter contre l’alcoolisme, qui est une catastrophe en Chine où l’on consomme du «â€¯baiju », un alcool fort à base de riz.
Les grands groupes chinois, comme le géant de l’agroalimentaire Cofco, possèdent plusieurs grands vignobles de plusieurs milliers d’hectares avec leur marque la plus connue «â€¯Greatwall ». Ils sont implantés dans les principales régions productrices de vin comme la province du Hebei, autour de Pékin, dans le Shandong mais aussi dans le Ningxia ou encore dans le Xinjiang. Parallèlement, ils achètent des vignobles à l’étranger.
Les Chinois développent une stratégie globale. Ils vont ainsi être un acteur-clé de l’économie viticole mondiale.
De plus, Hong-Kong est devenu un «hub» mondial du vin depuis la suppression, en 2008, des taxes sur les vins. Depuis, les ventes aux enchères de vins fins qui se faisaient à Londres et New York se sont déplacées à Hong-Kong, où le salon Vinexpo se déroule d’ailleurs une année sur deux.

Vous dites que la Chine va devenir le premier vignoble au monde d’ici cinq ans. Qu’est-ce qui vous permet de l’affirmer ?

B. P. : La Chine est devenue en quelques années le cinquième producteur de vins au monde d’après les chiffres de l’OIV qui estime le vignoble chinois à presque 600 000 hectares. Je travaille depuis 2011 sur les relations viticoles entre la Chine et la France. Je viens de réaliser une enquête de terrain de deux mois dans les principales régions viticoles là-bas. Compte tenu du nombre de projets en cours de réalisation, on peut penser raisonnablement que la Chine sera le premier vignoble au monde en superficie et en volume d’ici cinq ans.

Le vin chinois sera-t-il de bonne qualité ?

B. P. : C’est difficile à dire. La Chine est en phase d’expérimentation. Des pédologues (spécialistes des sols), des pépiniéristes, des œnologues et des vinificateurs français travaillent en Chine. Ils vivent cela comme une opportunité, une nouvelle forme d’aventure. Les grands groupes français comme LVMH ou Pernod-Ricard investissent par le biais des joint-ventures dans les vignobles en Chine mais c’est pour produire du vin chinois pour le marché chinois. Des petites exploitations ont vu le jour dans le Ningxia comme celles de Jiabelan ou Silver Heights qui cherchent à faire du vin de qualité.
La Chine produit des vins rouges, des vins blancs et également des vins pétillants.

Lors de la 153e vente des Hospices de Beaune, pour la première fois, une femme d’affaires chinoise, Yan Hong Cao, a acheté la pièce de charité. Est-elle représentative des acheteurs chinois ?

B. P. : Elle achète pour ses hôtels et ses restaurants. Cela veut dire qu’elle dispose déjà d’un réseau de distribution sur le marché chinois. Après s’être focalisés sur les Bordeaux, les Chinois découvrent la Bourgogne. Comme beaucoup de Chinois, Yan Hong Cao dit être fière de participer au rayonnement de la Chine dans le monde à travers sa démarche.

Qui sont les Chinois qui investissent en France ?

B. P. : Il y a deux types d’acheteurs : des groupes liés au gouvernement chinois qui cherchent à acquérir des marques. On estime qu’ils ont acquis entre 50 et 70 domaines à Bordeaux. Il faut rappeler que le vignoble bordelais compte à peu près 7 000 domaines. Il y a un autre type d’acheteurs : les nouveaux milliardaires. Ils cherchent eux aussi à acquérir des marques pour vendre sur le marché chinois, mais ils cherchent aussi probablement à sortir une partie de leurs capitaux de Chine pour les protéger de l’instabilité politique.

Le vin est-il devenu un produit de consommation en Chine ?

B. P. : En Chine, le vin est très cher. Il est consommé surtout par une classe urbaine. Il est le symbole de l’accès au luxe et est associé à la France. Les autres vins ont plus de mal à s’y faire une place. La culture du cadeau est très importante en Chine. Le vin est très souvent offert pour des fêtes ou des repas d’affaires. Il n’est pas tout le temps bu et peut finir parfois dans une vitrine comme un objet symbolisant l’accès à la société de consommation mondialisée. Il ne faut donc pas confondre consommation et vente. On estime la consommation à 1,2 litre par an et par habitant, avec une augmentation sensible, et il existe une petite tranche d’amateurs et les bars à vins se développent.

Propos recuillis par Bertrand Collard

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